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Programme cardiologique franco-mongol, AVLOM SANTÉ CARDIO - ASF
B. GÉRARDIN*, R. PILLIÈRE**, * Clinique Ambroise Paré, Neuilly-sur-Seine ** Hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt

Dans les pas d’un programme franco-mongol de formation en chirurgie orthopédique menée par des collègues orléanais, des cardiologues mongols nous ont contactés pour une coopération en cardiologie interventionnelle.
C’est ainsi qu’en octobre 2000, accompagnant une mission orthopédique, nous avons découvert la Mongolie (3 fois la superficie de la France pour moins de 3 millions d’habitants), Oulan-Bator (700 000 habitants) et pris contact avec l’équipe cardiologique de l’hôpital Shastin où se trouve le service de cardiologie référent pour le pays. Sur place, nous avons observé un établissement en pleine transition entre l’économie planifiée de la période soviétique et l’économie de marché : un grand hôpital aux moyens très limités mais bien tenu, un personnel nombreux peu payé mais assidu, un service de cardiologie comprenant un secteur médical, un secteur chirurgical et un secteur pédiatrique. La cardiologie interventionnelle existait déjà à l’état embryonnaire avec une (très) vieille salle de cathétérisme où étaient pratiquées quelques coronarographies mais pas d’angioplasties, cette installation étant surtout dévolue à la radiologie interventionnelle (principalement embolisations de tumeurs hépatiques). Deux médecins menaient cette activité et rêvaient de pouvoir faire un jour de l’angioplastie coronaire en Mongolie. Ce rêve est devenu réalité dès cette première mission d’évaluation avec une première dilatation coronaire qui a pu être pratiquée avec du matériel que nous avions apporté. Sur cet élan, avec l’équipe médicale et administrative de l’hôpital Shastin, nous avons élaboré et débuté le Programme franco-mongol de formation en cardiologie interventionnelle. D’emblée, nous avons axé l’action sur le transfert de connaissances avec pour objectif principal l’acquisition progressive de l’autonomie médico-technique et financière de l’hôpital Shastin en angioplastie coronaire. Les intervenants Les Mongols : le personnel médical et paramédical du service de cardiologie de l’hôpital Shastin ; le personnel administratif de l’hôpital Shastin. Les Français : des infirmières et des médecins cardiologues spécialisés en cardiologie interventionnelle. Les Français participants à ce projet sont bénévoles et adhérents de l’association AVLOM (Association Val-de-Loire Orléans Mongolie) SANTÉ CARDIO, branche de l’association humanitaire AVLOM SANTÉ créée antérieurement par nos collègues orthopédistes orléanais. Une partie de l’équipe franco-mongole. Le montage financier Il était simple : toute la première phase (2000-2006) a pu être menée exclusivement grâce au mécénat des entreprises médicales avec qui nous avions l’habitude de travailler en France. À partir d’avril 2007, nous avons obtenu un financement de l’agence de développement du gouvernement luxembourgeois (Lux-Development) qui soutient par ailleurs un programme de formation cardiologique sur l’hôpital et en province (télémédecine, échocardiographie, etc.) avec lequel nous collaborons. Hôpital Shastin. Autonomie et transfert de connaissances En pratique l’objectif d’autonomie a pu être réalisé grâce à 30 missions de formation de 8-10 jours à Oulan-Bator (1 cardiologue interventionnel et 1 infirmier français à chaque fois) réparties d’octobre 2000 à la fin de l’année 2010. Pendant ces missions, l’enseignement médical et paramédical a été théorique (rédaction de protocoles médicaux et de livrets d’enseignement en mongol) et pratique (travail en salle). Le transfert de connaissance a d’abord porté sur une amélioration de la sélection des patients et de la technique en coronarographie associées à l’apprentissage de l’angioplastie. Après la dilatation inaugurale d’octobre 2000, le nombre d’angioplasties coronaires par mission d’une semaine n’a pu augmenter que très progressivement pour atteindre au maximum 41 procédures lors d’une mission de 2008. À partir de novembre 2007, les médecins mongols ont commencé à réaliser des angioplasties entre les missions pour finalement arriver en 2010 à réaliser 2/3 des 190 angioplasties de l’année (figure 1). Dès 2002, des séminaires cardiologiques annuels ont été organisés par l’équipe mongole de l’hôpital Shastin avec notre participation aux communications et le soutien de Lux-Development. La mise en place de la structure et son fonctionnement se sont fait en plusieurs étapes. L’installation en juin 2004 par le Rotary Club australien d’une salle de coronarographie d’occasion rénovée de bien meilleure qualité que l’ancienne qui a été renouvelée en août 2010. Un stage de formation de 6 mois en octobre 2008 en France (hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt) du Dr Damdinsuren, cardiologue interventionnel mongol. Deux stages de 10 jours à Paris de deux infirmières mongoles. En octobre 2006, une mission franco-mongole s’est rendue à Pékin au Great Wall Cardiological Congress dans le but de développer des circuits commerciaux pour le matériel ce qui s’est avéré assez décevant. La mise en place de circuits commerciaux pour l’achat du matériel consommable par l’hôpital Shastin. Alors qu’initialement nous apportions tout le matériel, à partir de 2005, l’hôpital Shastin a progressivement pris en charge l’achat de ce matériel pour devenir totalement autonome financièrement en 2010. Figure 1. Augmentation progressive du nombre de procédures réalisées par les équipes mongoles (2007 à 2010). De nombreux aléas (difficultés pour l’hôpital Shastin pour obtenir une ligne budgétaire suffisante dédiée à la cardiologie interventionnelle, décès d’un des deux médecins mongols initiateurs du projet…) ont fait que l’autonomie a été plus lente à obtenir que prévue et ce n’est finalement qu’en 2010 qu’un degré correct d’autonomie médico-technique et économique a été atteint. Si l’on devait coter les angioplasties comme les voies d’escalade en alpinisme, l’équipe de cardiologie interventionnelle mongole est maintenant capable de pratiquer des angioplasties D+. L’objectif ayant été atteint, la clôture du programme aurait dû avoir lieu en décembre 2010. Mais la partie mongole, désireuse de continuer à progresser, nous a demandé de poursuivre notre action ce qui a conduit à mettre en place une phase de consolidation pendant un minimum de 2 ans. Toujours financée par Lux-Development, elle a débuté début 2011 et comporte essentiellement : – la poursuite des missions de formation à Oulan-Bator au rythme de deux missions par an (la deuxième mission 2011 s'est tenue fin octobre) ; – un stage de formation en France d’un second cardiologue interventionnel mongol, le Dr Myagbatar (en cours). Nous considérons donc que ce programme est un succès dans un pays qui était encore très fragile en l’an 2000. Ceci a été rendu possible par : – une implication enthousiaste puis amicale des équipes médicales et paramédicales françaises et mongoles ; – une bonne complémentarité médicale et paramédicale ; – la simplicité des options techniques choisies sans transiger sur les conditions de sécurité. Ainsi, par exemple, il a été décidé de faire toutes les procédures par voie fémorale en 6 F pour simplifier la technique et la gestion du matériel ; – l’apport initial de matériel consommable par la partie française, ce qui a permis d’amorcer l’activité ; – le soutien actif de nos partenaires de l’industrie pendant toute la phase initiale. Au travail dans l’ancienne salle de coronarographie. De nombreux problèmes restent à régler Le matériel consommable Il y a des difficultés de gestion des stocks, de passage des commandes engendrés par un manque de rigueur et de mauvaises habitudes probablement héritées d’une gestion « de type soviétique ». Ces difficultés sont aggravées par une ligne budgétaire consacrée au matériel consommable encore insuffisante ce qui freine l’activité et conduit à une réutilisation forcenée du matériel. Le coût du matériel est paradoxalement plus élevé que celui que nous connaissons en France et, dans la pratique, le niveau médico-technique est encore insuffisant pour aborder les lésions les plus complexes, en particulier les occlusions chroniques d’autant plus que les patients traités sont en moyenne plus « lourds » qu’en France (notamment infarctus vus tardivement, etc.) (figure 2). Figure 2. Comparatif des indications cliniques : les patients sont plus « lourds » en Mongolie. L’angioplastie Il y a une incapacité à développer l’angioplastie en urgence. Le respect des protocoles de nettoyage et de restérilisation du matériel est très aléatoire alors que les procédures ont été rabâchées, qu’elles sont parfaitement connues et que les produits décontaminants sont peu onéreux et disponibles dans l’établissement. On note une tendance à se focaliser sur le seul geste d’angioplastie en négligeant une prise en charge plus globale du patient. Nous voyons d'ores et déjà revenir des patients dilatés qui ont continué de fumer et qui reviennent avec une lésion de progression… Il y a une mauvaise observation de ce qui est fait (bases de données, etc.) et enfin une inégalité de l'accès aux soins, une couverture sociale très insuffisante, et pour la première fois en octobre 2011, le paiement du matériel par les patients. Si ce programme a permis à l’équipe mongole de débuter la cardiologie interventionnelle, il a été et continue d’être pour les membres de l’équipe française une très riche expérience pleine d’enseignements. Un pays en pleine mutation culturelle et économique En 2000, 9 ans après la chute du communisme, les traces du passé soviétique étaient partout. De façon anecdotique, nos premières formations dans la salle de conférence de l’hôpital étaient faites sous le portrait de Lénine ! Le retour au bouddhisme était déjà d’actualité et les troupeaux des éleveurs nomades, autrefois regroupés en kolkhozes, avaient déjà été redistribués aux éleveurs. En 2006, les appartements – propriétés de l’État – ont été donnés à leurs occupants (mais charge à eux d’entretenir les immeubles !), des droits de propriétés sont apparus sur les terres agricoles (ce qui était inconnu auparavant) et il en va ainsi de tous les secteurs d’activité. La Mongolie est un des pays au monde qui connaît la plus forte croissance de son PIB (21 % prévu pour 2011) sans ralentissement prédictible dans les prochaines
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