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Vasculaire

Publié le  Lecture 20 mins

Les accidents vasculaires cérébraux de l’enfant

Y. BÉJOT*, M. HERVIEU*, M. FREYSZ**, F. HUET***, M. GIROUD* *Service de neurologie, CHU de Dijon, **SAMU 21 et Service d’accueil des urgences, CHU de Dijon, ***Service de pédiatrie, CHU de Dijon

L’accident vasculaire cérébral (AVC) de l’enfant est très différent de celui de l’adulte car l’âge et la plasticité cérébrale font que la séméiologie, les causes et l’évolution sont très différentes. Il faut donc oublier ce que l’on sait de l’adulte, en particulier sur le plan étiologique. En revanche, la prise en charge bénéficie du même raisonnement et, a priori, des mêmes traitements curatifs et préventifs, bien qu’aucun essai thérapeutique n’ait été réalisé dans ce groupe de population.  

Dans le cadre de la veille sanitaire sur les accidents vasculaires cérébraux (AVC) mise en place à Dijon depuis 1985 (1), nous avons été amenés à aborder l’AVC du nouveau-né et de l’enfant, et à incorporer les données pédiatriques dans notre registre de population. Le regard du neurologue d’adultes vient ainsi éclairer la vision des AVC survenant dans l’enfance. Ces derniers se démarquent des AVC de l’adulte par une présentation clinique, des facteurs de risque, des causes et un pronostic vital et fonctionnel différents (2). Les recommandations pour la prise en charge en phase aiguë sont également spécifiques à cet âge (3). Comme chez l’adulte, l’AVC met en jeu l’avenir moteur et cognitif de l’enfant, mais contrairement à l’adulte, l’étonnante plasticité du cerveau de l’enfant explique des récupérations parfois inattendues contrastant avec l’étendue des lésions. Peu d’études se sont réellement intéressées à l’épidémiologie des AVC chez les moins de 18 ans. Dans cet article, nous envisageons les données cliniques, épidémiologiques, la physiopathologie, les spécificités et les conséquences du retard diagnostique de l’AVC chez l’enfant. Les recommandations en vigueur pour leur prise en charge à la phase aiguë seront rappelées, à travers une revue de la littérature et quelques résultats locaux (1). Épidémiologie de l’AVC de l’enfant Cet article concerne les AVC survenant chez les enfants (et les adolescents), âgés entre 1 et 18 ans (4,5). Comme pour les AVC néonataux, l’incidence des AVC chez l’enfant a été peu étudiée. L’incidence varie entre 1,3 et 13/100 000 enfants/an, mais les différences méthodologiques comme les modalités de recueil des cas ou encore l’âge retenu des enfants rendent difficiles les comparaisons. Ainsi, seule l’étude dijonnaise, qui mettait en évidence les taux d’incidence les plus élevés (4), répondait aux critères de qualité pour la mesure de l’incidence des AVC. Les autres études étaient rétrospectives, pour la plupart établies à partir de cohortes hospitalières (6). Seuls 50 % des enfants avaient bénéficié d’un scanner cérébral. Ces éléments peuvent expliquer une possible sous-estimation de l’incidence réelle des AVC chez l’enfant. Des facteurs génétiques, ethniques et socio-économiques peuvent également être à l’origine de différences d’incidence observées entre les études. En effet, dans l’étude conduite en Californie à partir de données hospitalières, il a été établi que l’incidence variait en fonction de l’origine ethnique des enfants (7). Ainsi, elle était de 1,99/100 000/an pour les enfants d’origine caucasienne, très proche de celle observée pour les enfants d’origine asiatique (1,9/100 000/an) et de celle des enfants d’origine hispanique (1,5/100 000/an), mais bien inférieure à celle des enfants afroaméricains (4,22/100 000/an). Concernant la comparaison entre l’incidence des infarctus cérébraux et celle des hémorragies cérébrales, les résultats des études divergent. Certaines retrouvent une incidence plus élevée pour les infarctus(4,7), alors que d’autres mettent en évidence l’inverse (8). Cependant, nous pouvons retenir que les incidences sont proches, à l’opposé de ce qui est observé chez l’adulte où les infarctus cérébraux sont dix fois plus fréquents que les hémorragies cérébrales (1,9). Ainsi, l’incidence des AVC chez l’enfant est bien inférieure à celle observée en période néonatale. Physiopathologie Ischémie cérébrale Comme chez l’adulte, l’ischémie cérébrale résulte d’une chute du débit sanguin cérébral (DSC), le plus souvent en rapport avec l’occlusion d’une artère cérébrale par du matériel embolique. Les conséquences tissulaires de cette hypoperfusion dépendent de sa durée et de son intensité (10). La zone d’ischémie cérébrale peut schématiquement se diviser en trois parties, en allant de la périphérie vers le centre : - une zone d’olighémie modérée où la réduction de la perfusion cérébrale n’a aucune traduction clinique ; - une zone appelée pénombre où le DSC est encore suffisant pour assurer un apport énergétique permettant la survie des cellules, mais insuffisant pour permettre leur fonctionnement. Cette zone est responsable d’un déficit neurologique. En cas de restauration précoce d’un DSC normal, la zone de pénombre peut évoluer vers un retour à la normale avec, parallèlement, disparition du déficit neurologique. En revanche, si le DSC reste identique, la zone de pénombre évolue vers la nécrose en quelques heures et le déficit neurologique est constitué. Le phénomène de pénombre dépend, en effet, de deux facteurs : l’intensité de la baisse du DSC et sa durée ; - une zone de nécrose traduisant une défaillance des systèmes de défense cellulaire à l’hypoxie avec mort cellulaire, responsable d’un déficit neurologique constitué et persistant même en cas de restauration précoce d’un DSC normal. La pénombre étant évolutive dans le temps, la démarche thérapeutique consiste soit à rétablir un DSC normal dans le zone de pénombre (maintien de la pression artérielle, thrombolyse), soit à permettre à cette zone de pénombre de tolérer le plus longtemps possible cette situation en attendant une recanalisation spontanée par thrombolyse ou mise en jeu de suppléances (neuro-protection). L’ischémie est responsable d’une glycolyse anaérobie, d’une acidose intracellulaire et, par perturbations des canaux calciques récepteur- et voltage-dépendants, d’une inflation calcique intracellulaire. Le calcium, deuxième messager intracellulaire, favorise une activation enzymatique qui est responsable de la destruction cellulaire. L’ischémie cérébrale a deux caractéristiques qui la différencient de l’ischémie myocardique : - d’une part, la pathologie est hétérogène, chaque sous-type d’ischémie cérébrale ayant un pronostic différent et exposant à des risques différents : occlusion des petites artères intracérébrales, cardiopathies emboligènes, autres causes établies (dissections des vaisseaux cervicaux, causes hématologiques, angéites, etc.) et les causes indéterminées (deux causes plausibles d’infarctus cérébral ou plus, bilan complet mais négatif, ou bilan incomplet) ; - d’autre part, la particularité de l’infarctus cérébral est aussi sa fréquente transformation hémorragique. Hémorragie cérébrale Dans l’hémorragie cérébrale spontanée, la cause peut être une malformation vasculaire (anévrisme, angiome, cavernome), une lipohyalinose des artères perforantes en rapport avec une hypertension artérielle chronique, une angiopathie amyloïde, une thrombose veineuse ou des troubles de l’hémostase. L’hémorragie est responsable de lésions cérébrales par différents mécanismes : - une destruction du parenchyme ; - un refoulement du parenchyme par l’hémorragie ; - un engagement ; - et une ischémie cérébrale secondaire à la baisse de la pression de perfusion cérébrale. En aucun cas, une pression artérielle élevée ne peut être la cause directe de l’hémorragie : l’hypertension artérielle chronique est responsable d’une lipohyalinose des perforantes qui fragilise ces artères de petit calibre, et entraîne des hémorragies, généralement profondes. Spécificités cliniques La symptomatologie clinique est variable en fonction de l’âge de l’enfant. Ainsi, avant 10 ans, le mode de révélation est brutal et se fait, le plus souvent, sous forme d’une hémiplégie fréquemment associée à une hyperthermie et des convulsions épileptiques, souvent généralisées (5). Après 10 ans, la symptomatologie clinique est proche de celle observée chez l’adulte. Causes des AVC de l’enfant Leur recherche repose sur un interrogatoire précis des parents (tableau). Infarctus cérébraux Causes cardiaques Comme chez le nouveau-né, les pathologies cardiaques sont une cause très fréquente d’infarctus cérébral de l’enfant, représentant environ 25 % de l’ensemble des causes retrouvées à cet âge (11). Dans la plupart des cas, une embolie est responsable de l’atteinte cérébrale. De nombreuses pathologies cardiaques ont été identifiées, dont les cardiopathies congénitales. Certaines sont spécifiques à l’enfant comme la tétralogie de Fallot, la transposition des gros vaisseaux, une sténose pulmonaire ou encore la coarctation de l’aorte. De même, les valvulopathies (congénitales, prolapsus mitral, rétrécissement mitral rhumatismal, endocardite infectieuse, endocardite de Libman-Sacks, endocardite thrombotique non bactérienne, calcifications valvulaires, tumeurs valvulaires, prothèses valvulaires), les arythmies cardiaques (fibrillation auriculaire, tachycardie supraventriculaire, maladie du sinus), ou encore les cardiomyopathies (infarctus du myocarde, anévrisme du ventricule gauche, myocardite, tumeurs cardiaques, ataxie de Friedreich, syndrome de Kearns-Sayre) peuvent être responsables d’infarctus cardio-emboliques chez l’enfant comme chez l’adulte (12). Il est recommandé de réaliser un traitement chirurgical des cardiopathies congénitales à risque lorsque celui-ci est envisageable (mis à part le foramen ovale perméable) et de procéder à l’exérèse d’un myxome de l’oreillette (3). Angiopathies • Les dissections des artères cervicales représentent 6 à 20 % des causes d’infarctus cérébral chez l’enfant (11). Cette pathologie affecte davantage les garçons que les filles, et il a été rapporté que les dissections spontanées touchaient plus fréquemment le segment intracrânien des artères, à l’inverse des dissections post-traumatiques plus souvent localisées sur la portion extracrânienne (7). Certaines affections prédisposent à la survenue d’une dissection artérielle cervicale comme la dysplasie fibromusculaire, le syndrome de Marfan, le syndrome d’Ehlers-Danlos de type IV, la coarctation de l’aorte, la polykystose rénale, l’ostéogenèse imparfaite, le syndrome de Moya-Moya ou encore le pseudoxanthome élastique. Par ailleurs, certains auteurs ont noté un épisode infectieux précédant la survenue de la dissection, suggérant une fragilisation des parois vasculaires par un processus inflammatoire (5). Enfin, le risque de récurrence est élevé, de l’ordre de 1 % par an, et

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