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HTA

Publié le  Lecture 18 mins

La dénervation rénale

M. AZIZI, Unité d’hypertension artérielle, HEGP, Paris

L’implication du système nerveux végétatif dans la physiopathologie de l’hypertension artérielle (HTA) a été remise à l’ordre du jour par la publication des premiers résultats de la dénervation sympathique rénale par voie endovasculaire chez des hypertendus résistants. Le système nerveux sympathique rénal efférent joue un rôle direct dans la régulation de la pression artérielle (PA) en stimulant la réabsorption sodée, la libération de rénine et la vasoconstriction. Les afférences végétatives modulent l’activité sympathique globale de l’organisme sous l’influence de stimuli mécaniques ou chimiques induits, par exemple, par l’ischémie rénale. Les filets nerveux de ces deux voies cheminent dans l’adventice du pédicule artériel rénal.
La dénervation rénale chirurgicale (sympatho-splanchnicectomie dorsolombaire ou intervention de Smithwick) a été pratiquée chez les hypertendus sévères et compliqués, dès la fin des années 1930, quand les traitements médicamenteux n’étaient pas encore disponibles. Cette intervention était grevée d’une mortalité périopératoire élevée et d’effets indésirables fréquents et invalidants. L’avènement des médicaments antihypertenseurs a entraîné l’abandon de cette technique.

En dépit de la mise à disposition de nombreux médicaments, les objectifs tensionnels ne sont pas atteints chez un nombre significatif d’hypertendus. L’enquête nationale Nutrition Santé réalisée en 2006- 2007 a montré que 30 % des adultes en France métropolitaine avaient une HTA, et que 50 % des HTA traitées étaient insuffisamment contrôlées ; mais ce chiffre ne tient pas compte du nombre de classes d’antihypertenseurs prescrits. L’HTA résistante répond à une définition adoptée par toutes les sociétés savantes : « PA restant au-dessus de la cible thérapeutique fixée (140/90 mmHg en mesure clinique) chez un patient observant d’une association de trois médicaments dont un diurétique à dose optimale. » Le pronostic des patients ayant une HTA résistante est défavorable, car elle est associée à une atteinte des organes cibles et à un haut risque d’événements cardiovasculaires. Les HTA qui résistent aux stratégies d’optimisation thérapeutique illustrent les limites d’une approche purement pharmacologique et expliquent l’intérêt croissant suscité par des approches non médicamenteuses. Les progrès technologiques récents permettent ces approches invasives, comme la dénervation rénale par voie endovasculaire. La dénervation rénale endovasculaire par radiofréquence est une nouvelle approche thérapeutique non médicamenteuse, élective dans le traitement de l’HTA résistante, et qui s’accompagne d’une réduction stable de la pression artérielle. Toutefois, la qualité, les effectifs et le recul des études publiées sont encore insuffisants à évaluer l’effet antihypertenseur sur le long terme, ainsi qu’une estimation fiable de l’incidence des complications précoces et tardives. Dès lors, les différentes techniques de dénervation rénale (radiofréquence, cryo-ablation, ou ultrasons) doivent être évaluées au cours de protocoles, dans une démarche de recherche et d’évaluation. L’indication actuelle, selon les recommandations nationales et internationales, reste l’HTA essentielle résistante. De nombreuses communications sont consacrées à la dénervation rénale dans les congrès de cardiologie, de radiologie et de néphrologie, comme celui de l’ESH. Ce dossier fait le point sur cette actualité. De nombreuses communications à l’ESH ont concerné la dénervation rénale par voie endovasculaire. Le réseau ENCORE D Ce réseau européen académique concernant la dénervation rénale coordonné par A. Persu et J. Staessen (Belgique) dont fait partie la France représentée par l’HEGP (M. Azizi) – a rapporté son expérience de la dénervation rénale dans 10 centres européens. Ces résultats, présentés en late-breaking session, concernent 109 patients âgés de 58 ans, qui avaient une hypertension artérielle résistante caractérisée par une PAS à 175 mmHg et PAD à 101 mmHg en consultation, correspondant à une pression ambulatoire des 24 h de 157/ 94 mmHg. Les patients étaient traités par 4,7 traitements antihypertenseurs de différentes classes. Ils ont été traités par une dénervation rénale par voie endovasculaire utilisant la technique de radiofréquence. La baisse de pression artérielle à 6 mois était de 17,6/7,1 mmHg pour la pression de consultation, et de 5,9/3,5 mmHg pour la pression ambulatoire des 24 h, 6,2/3,4 mmHg pour la pression ambulatoire diurne et de 4,4/2,5 mmHg pour la pression nocturne. Le score de traitement n’a baissé que très modérément de 4,9 à 4,5 médicaments antihypertenseurs à 6 mois. La baisse de pression artérielle clinique et ambulatoire était fonction du niveau tensionnel initial : plus il était élevé, plus la baisse de pression artérielle était grande. La normalisation de la pression artérielle clinique ( 140 mmHg) ou en mesure ambulatoire des 24 h ( 130 mmHg) n’était observée que chez 22,9 % et 14,7 % des patients, respectivement. Une amélioration tensionnelle caractérisée par une réduction de 10 mmHg indépendamment de la technique de mesure était observée chez 59,6 % et 54,4 % des patients, respectivement. Il faut noter que 22,9 % des patients en mesure clinique et 17,1 % des patients en mesure ambulatoire, n’ont eu aucune amélioration de leur niveau de pression artérielle. La réponse tensionnelle à la dénervation était donc très variable et plus faible que celle initialement rapportée dans les essais. Elle pourrait, en partie, être expliquée par un effet placebo ou une régression vers la moyenne. Il reste à prouver, comme le demandent les nouvelles recommandations, que la baisse tensionnelle observée après dénervation se traduira par une diminution des événements cardiovasculaires. Peu d’indications Plusieurs études se sont concentrées sur le bilan nécessaire avant toute indication de dénervation et ont conclu dans la même direction, montrant que le pourcentage de patients pour lesquels une indication pourrait être posée reste faible, et confirmant ainsi les premiers travaux déjà montrés par le groupe de l’HEGP (S. Savard, M. Sapoval, M. Azizi). L’importance du bilan J. Rosa (République tchèque), insiste sur l’importance d’un bilan complet devant une hypertension résistante avant toute dénervation. Deux cent cinq patients ayant une hypertension sévère ont été adressés à leur centre de référence à Prague. Pour chacun d’eux, une mesure ambulatoire de pression artérielle, une recherche d’une étiologie secondaire et une recherche d’inobservance au traitement par la mesure des concentrations plasmatiques des médicaments dans le sang par spectrométrie de masse ont été réalisées. La résistance au traitement a été confirmée chez 148 patients en mesure clinique, confirmée uniquement chez 117 d’entre eux par la mesure ambulatoire de pression artérielle. Une étiologie secondaire à l’hypertension était retrouvée chez 45 patients. Parmi les 72 patients ayant une hypertension essentielle, une inobservance au traitement était notée chez 27 d’entre eux. Seuls 45 patients avaient donc une hypertension essentielle, résistante au traitement, avec une observance correcte. Quatorze avaient une contre-indication à la dénervation à cause d’une insuffisance rénale ou d’une anatomie inappropriée, et parmi les 31 patients finalement éligibles pour une dénervation, seuls 15 ont accepté la dénervation. Leur approche a permis d’exclure plus de 78 % des patients adressés à leur centre pour dénervation rénale qui, finalement, n’étaient pas éligibles. La proportion de patients éligibles A. Persu (Belgique) a évalué la proportion de patients éligibles pour dénervation dans le réseau européen ENCORE D. Trois cent huit patients adressés pour dénervation dans 7 centres européens ont été évalués. L’âge moyen était de 58 ans, dont 43 % de femmes. La pression artérielle clinique était de 174 mmHg et le nombre de classes d’antihypertenseurs de 5, proches des données des études SYMPLICITY. Soixante-seize pour cent des patients étaient adressés par des spécialistes. La proportion de patients éligibles pour dénervation selon les critères SYMPLICITY HNTN- 2 était de 39 %. Celle-ci était de 33 % selon les critères internes aux différents centres. Les raisons principales de nonéligibilité étaient la normalisation de la pression artérielle après adaptation du traitement (48 %), incluant dans 24 % une faible dose de spironolactone, les raisons anatomiques (16 %), une fonction rénale altérée (11 %), un effet blouse blanche (8 %), une hypertension secondaire (8 %) ou un âge trop élevé (8 %). En conclusion, même dans une population de patients très sélectionnés avec une hypertension artérielle résistante, seul un tiers est éligible pour dénervation. Dans la moitié des cas, la pression artérielle peut être contrôlée par adaptation du traitement antihypertenseur. Dans l’attente de nouveaux résultats d’essais thérapeutiques contrôlés, la dénervation doit encore être réservée aux patients chez qui un screening complet a été effectué et le traitement antihypertenseur médicamenteux a été optimisé. Expérience de screening Le groupe de Copenhague (Olsen) a aussi rapporté son expérience de screening chez 84 patients adressés pour dénervation rénale entre mars 2011 et septembre 2012. Soixante-huit étaient des hommes d’âge moyen de 60 ans prenant 3,9 médicaments antihypertenseurs, avec une pression clinique de 176/99 mmHg et une pression ambulatoire de 156/88 mmHg. Quarante-sept pour cent des patients étaient candidats pour dénervation. Dans 37 % des cas, la dénervation était réfutée, pour raison anatomique, athérosclérose sévère, tumeur surrénalienne, sténose artérielle rénale et comorbidité sévère. Huit patients n’ont pas souhaité avoir de dénervation. Enfin, 9 patients sur 84 avaient une hypertension secondaire, soit 11 %, et il s’agissait le plus fréquemment d’une sténose artérielle rénale. Critères anatomiques favorables Koppelstaedder (Autriche) a évalué dans une cohorte de patients non sélectionnés la probabilité d’avoir les critères anatomiques favorables pour une dénervation. Les angioscanners de 102 malades ont été réévalués rétrospectivement. Chez 18,6 % des patients, l’artère rénale principale faisait moins de 2 cm de longueur et, chez 22,5 % des patients, le calibre artériel rénal était inférieur à 4 mmHg. Une dysplasie fibromusculaire a été retrouvée chez 2 patients, une sténose artérielle rénale chez 1 patient. Des artères rénales multiples étaient observées chez 36,2 % des patients, ceux qui ne sont pas accessibles à la dénervation selon les recommandations actuelles. En combinant l’ensemble des critères, 51 % des patients n’étaient pas éligibles sur le plan anatomique. Une imagerie par angioscanner ou IRM est nécessaire avant tout geste de dénervation rénale, comme le stipulent les recommandations de la conférence de consensus français. Vérifier la résistance tensionnelle Fadl-Elmuna (Norvège) a vérifié la résistance tensionnelle par une prise médicamenteuse en présence médicale au cours d’une hospitalisation chez des patients adressés pour dénervation rénale. Dix-huit patients ont été adressés à leur centre sur une période de 6 mois entre décembre 2011 et juin 2012. L

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