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Prévalence du haut risque cardiovasculaire en France chez des patients en prévention primaire
J. FERRIÈRES(1), J. DALLONGEVILLE(2), S. KOWNATOR(3), F. THOMAS(4), M. KESSOURI(5), É. BRUCKERT(6), 1. Unité de prévention de l’athérosclérose, service de cardiologie B, CHU Rangueil, Toulouse 2. Service d’épidémiologie et santé publique, Institut Pasteur

Les maladies cardiovasculaires (MCV) constituent la seconde cause de mortalité en France et la première cause de mortalité chez la femme. Elles sont responsables de décès mais aussi d’incapacités et donc de coûts de santé publique élevés. L’utilisation des échelles de calcul du risque cardiovasculaire (RCV) est très intéressante à étudier en France en médecine générale.
L’objectif principal de cette étude est d’établir une cartographie des patients à haut risque cardiovasculaire (HRCV), en France, d’après l’échelle SCORE.
On estime à environ 150 000 le nombre de décès liés aux maladies de l’appareil circulatoire (1-3). D’après la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), en 2008, le groupe des affections de longue durée (ALD) cardiovasculaires concernait 2,8 millions de personnes (4) (par comparaison, les tumeurs malignes concernent 1,7 million de personnes en ALD et le diabète 1,6 million) et les MCV contribuaient pour 38 % à l’augmentation du nombre des ALD. En France, les estimations de référence des coûts des MCV sont celles de la DRESS (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, du ministère des Affaires sociales) qui datent de 2006 ; elles indiquent que ces coûts représentent 12,6 % des dépenses CBSM (consommation de biens et services médicaux) et constituent le premier poste de ces dépenses. Le coût financier a été évalué par la CNAMTS à 17,9 Md€ en 2007 (5). Les coûts des MCV, de quelque ordre qu’ils soient, pourraient être diminués par la prévention et tout particulièrement par la prévention primaire. Chez ces sujets, le dépistage et la prise en charge de FDR permettraient d’éviter, limiter ou retarder le développement d’une pathologie cardiovasculaire comme l’indique la Haute Autorité de santé (HAS) (6). La prévention primaire s’effectue en classant les patients par niveau de risque à l’aide d’un modèle de risque, l’échelle référencée Systematic COronary Risk Evaluation (SCORE) (7) ou l’algorithme de Framingham tel qu’il a été réévalué par D’Agostino et coll. en 2008 (8). La présente étude, soutenue par la Société française de cardiologie, a pour objectif primaire d’établir une cartographie des patients à HRCV, en France, d’après l’échelle SCORE. Les objectifs secondaires étaient de décrire la différence observée entre le risque perçu par les médecins et celui établi par l’échelle SCORE, et le calcul de l’excès de risque des patients inclus par rapport à des patients appariés pour l’âge et le sexe et ne présentant pas de FDR. Méthodes Type d’étude Cette étude observationnelle et transversale a été réalisée grâce à un échantillon représentatif de médecins généralistes (MG). Des sujets âgés de 50 ans et plus pour les hommes et de 60 ans et plus pour les femmes, en prévention primaire, non traités pour dyslipidémie et présentant au moins un FDR — tabac (fumeur actuel ou ayant arrêté depuis moins de 3 ans), hypertension artérielle (HTA) traitée ou non, diabète de type 2 traité ou non, HDL bas ( 0,4 g/l) —, ont été recrutés par des MG lors de leur consultation. Les données ont été recueillies via un cahier d’observation électronique disponible sur un site internet dédié à l’étude, dans la semaine du 17 au 22 octobre 2011. L’étude ne modifiait en aucune façon la prise en charge médicale habituelle des patients entrant dans l’étude ; elle a été menée dans le respect des Bonnes Pratiques en Épidémiologie. Recrutement des médecins Un échantillon de 34 600 MG a été sollicité ; 3 032 MG ont finalement été recrutés et 1 147 ont participé à l’étude. L’échantillon des médecins participants a été redressé selon le profil sociodémographique (sexe, âge, région) des MG français (source : Carnets statistiques CNATMS SNIR 2007). Durant la semaine d’inclusion, les 1 147 MG ont recruté 9 049 patients analysables. La France a été découpée en 7 régions au sein desquelles l’échantillon des patients a été redressé en fonction du sexe et de l’âge (source : INSEE – enquête Emploi). Données recueillies Les données recueillies via le site internet dédié étaient, pour tout patient répondant aux critères de sélection, outre la date de la consultation, les critères d’inclusion eux-mêmes, le sexe, la taille, le poids, le périmètre abdominal, ainsi que les données biologiques et cliniques suivantes : résultats du dernier bilan lipidique (cholestérol total, HDL-C, LDL-C et triglycérides), dernière mesure de la pression artérielle, dernière mesure de l’index de pression systolique (IPS) si disponible, ainsi que l’existence ou non de diabète de type 2, d’antécédents familiaux cardiovasculaires, d’antécédents familiaux cérébrovasculaires, d’atteinte rénale (protéinurie > 300 mg/24 h ou clairance de la créatinine 60 ml/min), de microalbuminurie (> 30 mg/24 h), d’hyperthyroïdie (critère d’exclusion dans l’analyse des données), d’HVG et la perception du RCV par les MG. Le niveau de RCV était calculé en temps réel selon l’algorithme de l’échelle SCORE, ainsi que l’âge des artères du patient. L’échelle SCORE évalue le risque d’événement CV fatal à 10 ans (faible : 1 %, intermédiaire : ≥ 1 % et 5 %, élevé : ≥ 5 %). Cette échelle a été mise au point sous l’égide de la Société européenne de cardiologie, elle est donc adaptée aux populations européennes. La France a participé à l’élaboration de cet outil et l’Assurance maladie recommande son usage depuis octobre 2009 (9). L’échelle applicable à la population française concerne les pays à bas risque. Analyse statistique La gestion et l’analyse des données ont été réalisées au moyen du logiciel SAS version 9.1. Dans cette étude observationnelle, l’analyse est essentiellement descriptive. Des tests permettant de comparer les patients à RCV élevé à la population globale de l’étude ont été réalisés. L’analyse descriptive des variables qualitatives et ordinales comporte l’effectif et la fréquence de chaque variable. Celle des variables quantitatives comporte la moyenne, l’écart type et leurs intervalles de confiance ainsi que la médiane et les valeurs extrêmes. Les échantillons de médecins et de patients analysés dans cette étude ont été redressés par rapport à leur population respective (10,11). Résultats Population de l’étude Les 9 049 patients analysés représentaient 19,8 ± 14,2 % des patients vus en consultation par les médecins durant la semaine de l’étude. Leurs caractéristiques sociodémographiques et cliniques sont présentées dans le tableau 1. L’âge moyen de la population était de 67,9 ± 10,4 ans. La majorité des patients était des hommes (57 %). L’indice de masse corporelle (IMC) moyen était de 26,8 ± 4,6 kg.m -2, et 20 % des patients présentaient une obésité (IMC ≥ 30). Le tour de taille moyen était de 97,5 ± 13,5 cm et 13 % des patients avaient un tour de taille au-dessus du seuil NCEP (National Cholesterol Education Program) (12). Les autres caractéristiques biologiques et cliniques montraient : une atteinte rénale chez 9 % des patients, une microalbuminurie supérieure à 30 mg/24 h chez 4 % des patients, une HVG chez 6 % des patients et la dernière mesure de l’IPS était 0,9 chez 11 % des 102 patients pour lesquels une mesure était disponible (1,1 % des 9 049). Répartition géographique du risque cardiovasculaire La répartition géographique est présentée dans le tableau 2. L’étude de cette répartition pour les patients à HRCVSCORE montre des différences statistiquement significatives entre les régions : les patients à HRCVSCORE sont plus nombreux dans les régions Sud-Ouest et Méditerranée. Les régions où le pourcentage du HRCVSCORE est le plus faible (47 %) sont l’Ile-de-France et la région Nord-Est (figure 1). Les différences de caractéristiques de patients (tableau 3) entre la région Méditerranée où le pourcentage du haut risque est le plus élevé (54 %) et la région Nord-Est où le pourcentage du haut risque est le plus bas (47 %) sont significatives ; les patients de la région Méditerranée sont plus âgés que ceux de la région Nord-Est avec respectivement un âge moyen de 69,0 ± 10,8 ans versus 67,5 ± 10,1 ans (p ≤ 0,01). Le bilan lipidique est souvent perturbé chez les patients de la région Méditerranée qui présentent un taux de cholestérol total (CT) moyen à 2,18 g/l versus 2,11 g/l (p ≤ 0,05) pour ceux de la région Nord-Est. De même, 56 % des patients de la région Méditerranée présentent un LDL-C > 1,3 g/l versus 51 % en Nord-Est (p ≤ 0,05). Enfin, l’atteinte rénale et l’HVG sont significativement plus fréquentes en région Méditerranée qu’en région Nord-Est. Figure 1. Cartographie du Haut Risque CardioVasculaire (HRCVSCORE). Perception des médecins du RCV et échelle SCORE La présente étude a montré que les médecins sous-estimaient le RCV de leurs patients par comparaison aux résultats de l’échelle SCORE selon laquelle près de 50 % des patients étaient à HRCV (sans différence significative entre hommes et femmes). Selon eux, 17 % des patients étaient à risque faible, 52 % à risque intermédiaire et 31 % à haut risque ; les résultats de l’échelle SCORE étaient respectivement de 1 % pour le faible risque, 49 % pour le risque intermédiaire et 50 % pour le haut risque. Seulement 37 % des patients évalués à HRCV selon l’échelle SCORE étaient estimés également à haut risque par les médecins et la concordance entre les deux évaluations (SCORE et MG) n’existait que pour 45,9 % de la population étudiée tous risques confondus. L’effet de l’âge sur la prévalence du HRCV La prévalence du HRCV augmente avec l’âge. Chez les hommes entre 50 et 55 ans elle est multipliée par 11 et par 7 chez les femmes entre 60 et 65 ans. La prévalence du HRCVSCORE était de 27 % chez les moins de 65 ans tandis qu’elle franchissait les 50 % chez les patients de 68 ans et plus (figure 2). L’âge moyen des patients à HRCVSCORE était de 75,3 ± 8,5 ans, donc nettement plus élevé que l’âge moyen de la population générale de l’étude (67,9 ± 10,4 ans). Si l’on étudie cette prévalence en croisant le sexe par l’âge, on obtient des courbes un peu différentes pour les hommes et les femmes. Ces courbes (figure 3) montrent une progression régulière chez les hommes avec des seuils repérables : 10 % de HRCV à 55 ans, 30 % vers 60 ans, 50 % à 65 ans, 80 % vers 70 ans. Chez les femmes, la progression débute plus lentement : 10 % de HRCV après 65 ans, 30 % vers 70 ans et 80 % vers 75 ans. Les femmes présentent les mêmes risques à 10 ans plus tard que les hommes jusqu’à 70 ans et les courbes se rejoignent à 80 ans. Malgré l’impact de l’âge sur le RCV, lorsque nous avons interrogé les
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