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La cardiologie moderne à Orlando
E. NOIROT, A.-G. ROTHE, R. ROBERT, Y. COTTIN, Service de cardiologie, CHU de Dijon

AHA
Sprint : le phare du congrès Une nouvelle fois l’AHA a été une grande édition sur l’ensemble des thématiques de la cardiologie moderne. L’étude la plus médiatisée a été SPRINT (Systolic Blood Pressure Intervention Trial), étude randomisée dont l’objectif était la comparaison de deux cibles théra - peutiques : 120 mmHg et 140 mmHg. Mais le contexte est particulier, si toutes les études randomisées ont démontré que la baisse des chiffres de pression artérielle réduisait les événements cardiovasculaires majeurs (AVC, infarctus du myocarde ou hospitalisations pour insuffisance cardiaque) à ce jour la cible thérapeutique reste non déterminée. De plus, certaines études observationnelles avaient souligné une réaugmentation du risque en dessous de 115 mmHg et en conséquence le niveau d’évidence généralement admis issu des grands essais était en 140 mmHg. Enfin, l’étude SPRINT a débuté en 2012 et l’étude ACCORD qui n’avait inclus que des patients diabétiques n’avait démontré aucune différence entre deux objectifs thérapeutiques 120 mmHg et 140 mmHg sur les événements cardiovasculaires majeurs. Les critères d’inclusion de SPRINT étaient également très particuliers et doivent être soulignés : 1/ un âge ≥ 50 ans ; 2/ une pression artérielle systolique entre 130 et 180 mmHg avec ou sans traitement ; 3/ et au moins des critères suivants : a. une atteinte cardiovasculaire clinique ou subclinique (sauf un ATCD d’AVC) ; b. une altération de la fonction rénale définie par un débit de filtration entre 20 et 60 ml/min/1,73 m 2 ; c. un score de risque selon le score de Framingham à 10 ans ≥ principaux qui étaient : 1/ un antécédent d’accident vasculaire cérébral ; 2/ un diabète ; 3/ une insuffisance cardiaque clinique ou une fraction d’éjection 35 % ; 4/ et une insuffisance rénale en MDRD 20 ml/min/1,73 m 2. Des résultats impressionnants Cette étude d’intervention a inclus 9 361 patients et à un an la pression artérielle systolique moyenne était de 121,4 mmHg pour le groupe intensif et de 136,2 mmHg pour les patients du groupe standard (figure 1). Figure 1. Étude SPRINT. Après 3 ans de suivi, l’étude a été interrompue prématurément en raison d’une réduction hautement significativement du critère de jugement principal de 25 % en faveur du bras intensif (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, autres SCA, décompensation cardiaque ou décès cardiovasculaire) (HR = 0,75 ; IC95% : 0,64-0,89 ; p 0,001). Et il faut également souligner une réduction significative de la mortalité toutes causes en faveur du bras intensif (HR = 0,73 ; IC95% : 0,60- 0,90 ; p 0,003). Des effets secondaires à prendre en compte Dans l’étude SPRINT c’est bien sûr les effets secondaires qui ont été particulièrement discutés, avec un taux très élevé respectivement de 38,3 % et 37,1 % pour les patients du bras intensif et standard (tableau). Parmi les patients du bras intensif les auteurs soulignent une augmentation significative des hypotensions, des syncopes et des insuffisances rénales aiguës, mais surtout les auteurs ont mis en évidence une incidence de dégradation du débit de filtration glomérulaire ≥ 30 % de 1,25 %/par an dans le bras intensif contre seulement 0,35 %/par an dans le bras standard chez les patients avec une fonction rénale à l’inclusion entre 20 et 60 ml/min/1,73 m 2 (p 0,001). Pour les auteurs, à ce stade, l’explication reste liée aux thérapeutiques du bras intensif avec un pourcentage plus élevé de thérapeutiques bloquant le système rénine-angiotensine mais un impact direct rénal n’est pas exclu. Plusieurs hypothèses En conséquence chez les patients à haut risque cardiovasculaire non diabétique, l’étude SPRINT rabat totalement les cartes des objectifs thérapeutiques optimaux. Mais surtout, les différences entre SPRINT et ACCORD doivent être expliqués avec plusieurs hypothèses à ce jour : 1/ l’impact spécifique du diabète sur les flux artériels rénaux ; 2/ les différences majeures entre les 2 études en termes de fonction rénale à l’inclusion ; 3/ des stratégies thérapeutiques différentes avec dans ACCORD le plus souvent de l’hydrochlorotiazide alors que dans SPRINT c’était plus fréquemment de la chlorthalidone : 4/ enfin un design complexe de l’étude ACCORD. La durée de la bithérapie : une question cruciale La durée de la bithérapie après implantation d’un stent reste une question cruciale pour tous les cardiologues avec 2 situations et/ou approches très différentes : la première dont le rationnel est la poursuite de la bithérapie après implantation d’un actif et la seconde qui est guidée par le rapport risque ischémique/hémorragique chez des patients à haut risque. À l’AHA 2015, les résultats de ces deux approches ont été rapportées avec toujours une réelle difficulté pour le clinicien pour le cas particulier de son patient. DAPT Une sous-étude de DAPT (Individualizing Treatment Duration of Dual Antiplatelet Therapy after Percutaneous Coronary Intervention) a été présentée à l’AHA dont l’objectif était d’identifier les patients pouvant bénéficier de la prolongation de la bithérapie antiagrégante après l’implantation d’un stent au-delà du 12 e mois. Il faut rappeler que deux points majeurs du design de l’étude DAPT : le premier c’est que l’étude était en ouvert pendant les 12 mois après l’implantation du stent et que seules les patients ayant une bonne tolérance de la bithérapie antiagrégante pouvaient être randomisés ; et le second point c’est une randomisation en 2 groupes : aspirine + placebo ou aspirine + clopidogrel. Les résultats présentés en 2014 et publiés dans le New England Journal of Medecine avaient démontré une réduction significative des thromboses de stents (-1 %), des événements cardiovasculaires majeurs (décès, infarctus ou AVC de 1,6 %) par contre les auteurs soulignaient une augmentation significative des hémorragies modérées ou majeures selon les critères de GUSTO de 1,6 % et des décès toutes causes de 1 %. À partir de cette large étude, les auteurs ont prédéterminé les facteurs prédictifs du risque hémorragique (l’âge), du risque ischémique (les antécédents d’angioplastie ou d’infarctus du myocarde, des stents de diamètre 3 mm ou des stents actifs au paclitaxel, les patients insuffisants cardiaques ou avec une fraction d’éjection 30 %, les fumeurs, les diabétiques et les angioplasties de pontages veineux et des facteurs prédictifs communs ischémiques et hémorragiques : une hypertension, une artériopathie des membres inférieurs et une insuffisance rénale. Un score a donc été établi pour chaque patient au 12e mois post-implantation du stent (figure 2) et les auteurs proposent le maintien de la bithérapie pour les scores ≥ 2 (figures 3 et 4). Figure 2. Le score DAPT. Figure 3. DAPT et PEGASUS. Extension de la bithérapie. Figure 4. PEGASUS. Événements indésirables (EI). Les résultats de DAPT sont donc applicables à des patients stables ayant bien supporté une bithérapie (aspirine + clopidogrel) un an minimum, et doivent donc mis en parallèle avec les données de PEGASUS. Mais il faut souligner que les profils des patients sont très différents ; en effet les patients de PEGASUS sont à haut risque ischémique mais également hémorragique (figure 5). Figure 5. Événements indésirables conduisant à l’arrêt du traitement. PEGASUS Les données complémentaires de l’étude PEGASUS qui comparait chez des coronariens stables 3 stratégies : aspirine + placebo, aspirine + faible dose de ticagrelor et aspirine + ticagrelor 90 mg ont également été présentées à l’AHA. Il faut remarquer qu’il s’agissait dans la majorité des cas d’une introduction de ce nouveau P2Y12 car moins de 1 % des patients avaient été préalablement traités par du ticagrelor, ce qui explique en partie les arrêts à 3 ans plus élevés sous ticagrelor, respectivement : 32 % avec la dose de 90 mg deux fois par jour, de 29 % avec la dose de 60 mg deux fois par jour et de 21 % avec le placebo. Ce point est important car la traduction dans la pratique clinique de PEGASUS-TIMI 54 sera probablement la poursuite au-delà de la première année de la bithérapie aspirine/ticagrelor. Autre information présentée, les causes d’arrêt lié à des effets secondaires, surtout par décision des patients, et il faut observer que ce sont les saignements et les dyspnées qui sont les principales causes d’arrêt de traitement (figures 4 et 5). Par contre, comme c’est le cas depuis IMPROVE-IT, les auteurs ont présenté les résultats en comparant les données en intention de traiter (ITT) et sous traitement avec un bénéfice sur le critère de jugement principal encore plus significatif. Ainsi, pour le critère combiné (décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde, AVC) en intention de traiter, pour le ticagrelor 60 (HR = 0,84 ; IC95% : 0,74-0,95 ; p = 0,004) et sous traitement (HR = 0,79 ; IC95% : 0,68-0,91 ; p 0,001) (figure 6). Pour les auteurs de PEGASUS, les conclusions étaient : 1/ les saignements « non graves » et les dyspnées ont des conséquences importantes, y compris sur l’arrêt du traitement ; et 2/ que ces nouvelles données soulignent la nécessité de l’information des patients lors de la réintro- duction d’une thérapie antiagrégante afin de maximiser l’adhérence et améliorer les résultats. Figure 6. Décès CV, IDM ou AVC à 3 ans de la randomisation du groupe patients traités. Le cardiologue en oncologie Une autre étude importante présentée est l’étude PRADA pour (Prevention of Cardiac Dysfunction During Adjuvant Breast Cancer Therapy). Le rationnel de PRADA est que les thérapies adjuvantes sont de plus en plus nombreuses avec des conséquences majeures sur la fonction ventriculaire gauche, et parallèlement le pronostique du cancer du sein s’améliore avec pour conséquence à 12 ans une mortalité cardiaque équivalente à la mortalité par cancer (figure 7). Dans cette étude, l’évaluation de la fonction ventriculaire gauche était réalisée par IRM et les patients étaient randomisés en 4 bras de traitement en prévention : métoprolol/ candesartan, métoprolol/placebo
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