Les maladies du péricarde : diagnostic et prise en charge - Recommandations de la Société européenne de cardiologie
P. GUÉRET, Service de cardiologie, CHU Henri Mondor, Créteil
Depuis les recommandations précédentes de la Société européenne de cardiologie sur les maladies du péricarde rédigées en 2004, de nouvelles données ont été publiées, concernant en particulier l’identification des patients à haut risque de complications, l’apport des différentes modalités d’imagerie cardiaque, les résultats des premières études épidémiologiques ainsi que ceux des essais prospectifs et randomisés sur l’intérêt de la colchicine dans le traitement médical des péricardites. La prise en charge de certaines populations (sujets jeunes, femmes enceintes, etc.) est également mieux précisée.
Pour toutes ces raisons, il a semblé opportun au Comité des recommandations de la Société européenne de cardiologie d’actualiser le document de 2004. Le groupe de travail co-présidé par les professeurs Philippe Charron (Paris) et Yehuda Adler (Ramat-Gan, Israël) a produit un texte très complet de plus de 20 pages, accompagné de 39 tableaux et de 3 figures et de plus de 200 références bibliographiques, et publié dans l’ European Heart Journal en novembre dernier. Voici une sélection des éléments qui apparaissent comme les plus utiles au cardiologue clinicien pour la prise en charge de ces affections. Fréquence Les maladies du péricarde peuvent revêtir des formes évolutives variées et reconnaissent de nombreuses étiologies. Elles sont fréquentes, en particulier la péricardite aiguë. À titre d’exemple, son incidence annuelle a été évaluée à 30 cas/100 000 en Europe. Même si la majorité des patients est prise en charge en ambulatoire, les péricardites aiguës représentent 0,1 % des motifs d’hospitalisation et 5 % dans les services d’urgence. Les récidives sont également fréquentes (30 % à 18 mois). Péricardite aiguë Un premier aspect largement développé dans ces recommandations concerne la prise en charge de la péricardite aiguë. On retiendra l’individualisation nosologique d’une forme prolongée (ou « incessante ») dont les signes persistent plus de 4 à 6 semaines, différente de la récidive qui sous-entend une phase de rémission temporaire d’au moins 4 à 6 semaines. Cette distinction a des conséquences pour le traitement (tableaux 1, 2 et 3). Un autre aspect très important est l’identification des patients à haut risque de complications (tamponnade, récidive, évolution vers la constriction) selon des critères cliniques, échocardiographiques et de réponse au traitement médicamenteux. Parmi les facteurs considérés comme majeurs et validés dans des analyses multivariées, on retient la fièvre > 38 °C, l’évolution subaiguë, un épanchement abondant a fortiorimal toléré et une efficacité insuffisante de l’aspirine ou des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Dans ces cas, la prise en charge nécessite une hospitalisation alors que les patients à faible risque peuvent être traités en ambulatoire. Dans la suite des nombreux travaux de Imazio (Turin, Italie) qui ont démontré son action thérapeutique ainsi que son efficacité pour prévenir les récidives (réduction du risque de 50 %), la colchicine fait maintenant partie intégrante du traitement de la péricardite aiguë, toujours en association à l’aspirine et aux AINS (tableaux 2 et 3). Les doses préconisées sont faibles, adaptées au poids du patient, et fixes contrairement à celles de l’aspirine et des AINS qui nécessitent une lente décroissance posologique. À noter que la colchicine n’a pas actuellement d’indication en cas de myopéricardite (après confirmation de l’atteinte myocardique par l’élévation des troponines et surtout les données de l’IRM). Les corticoïdes utilisés à des doses faibles et très lentement dégressives, restent un traitement de seconde intention car, initialement très efficaces, ils favorisent la récidive. Ils doivent être associés à la colchicine. En cas d’échec, il est possible d’avoir recours à d’autres médicaments tels que les immunoglobulines, l’azathioprine ou l’anakinra (IIb-C), bien que les preuves convaincantes de leur efficacité manquent encore. Dans tous les cas, la limitation des activités physiques est de règle, prolongée au moins 3 mois chez les sportifs (IIa-C). *Commencer à faibles doses afin d’éviter céphalées et sensations vertigineuses. Épanchement péricardique Bien qu’il existe des péricardites « sèches », la présence d’un épanchement péricardique est un critère diagnostique et pronostique de la péricardite aiguë. À l’inverse, certains épanchements péricardiques sont totalement asymptomatiques et découverts de façon fortuite sur une radiographie thoracique ou, plus souvent actuellement, en échocardiographie. Ils sont souvent idiopathiques (50 %), plus rarement associés à un cancer (10-25 %), une cause infectieuse (15-30 %), ou bien iatrogène (15-20 %) ou encore dans le cadre d’une connectivite (5-15 %). Dans les pays en voie de développement, la cause principale est la tuberculose. Une fois constitués, ils peuvent occasionner des symptômes, en particulier une dyspnée et dans les formes abondantes entraîner des signes de compression. En l’absence de causes identifiées qui nécessiteraient un traitement spécifique ou de signes inflammatoires qui justifieraient un traitement identique à celui de la péricardite aiguë, la ponction péricardique est souvent indiquée dans les formes mal tolérées ou persistantes sous traitement médicamenteux. Formes cliniques de péricardites constrictives L’aspect le plus intéressant du chapitre sur les péricardites constrictives est la présentation de formes cliniques décrites en 2010 et qui méritent d’être mieux connues en raison de leurs conséquences thérapeutiques. • La constriction péricardique transitoire correspond à une péricardite aiguë avec épanchement modéré, existence de signes d’inflammation en particulier en IRM/scanner cardiaque, et s’accompagnant de signes de constriction mais qui régressent sous traitement anti-inflammatoire. Il est donc important de connaître cette forme clinique afin de n’envisager la péricardectomie qu’après un traitement médical bien conduit pendant 2 à 3 mois. • Alors qu’il est habituellement absent dans la péricardite constrictive classique, la présence d’un épanchement majore la mauvaise tolérance hémodynamique. Cette association, rare, d’épanchement sur une constriction (« effusive constrictive pericarditis ») correspond le plus souvent à des formes idiopathiques dans les pays développés et à la tuberculose dans les autres pays. Le diagnostic est évoqué lorsque des signes de constriction sont constatés au décours d’une ponction péricardique effectuée chez un patient en état de tamponnade. C’est une des raisons invoquées pour procéder à un monitoring hémodynamique au cours d’une péricardiocentèse qui met en évidence une élévation persistante de la pression auriculaire droite. Par défaut, l’imagerie cardiaque non invasive (échocardiographie Doppler et IRM) peut être contributive. Le traitement consistant à effectuer une ablation chirurgicale précise du feuillet viscéral du péricarde, cette intervention doit être effectuée par des équipes très entraînées. Imagerie cardiaque Bien que la radiographie thoracique soit actuellement moins pertinente que les autres méthodes d’imagerie, le groupe de travail a souhaité en conserver la mention dans le texte au motif principal que ces recommandations s’appliquent à tous les pays, y compris les moins bien dotés en termes d’équipement et que dans certaines situations, les renseignements obtenus en particulier sur le parenchyme pulmonaire peuvent être d’une grande utilité diagnostique. L’échocardiographie reste l’examen de première intention dans pratiquement toutes les situations, non seulement pour la visualisation de l’épanchement mais aussi et surtout pour l’appréciation de sa tolérance hémodynamique et pour le diagnostic différentiel avec la myocardiopathie restrictive, grâce aux données fournies par le Doppler. L’imagerie cardiaque en coupes, scanner et IRM, est recommandée en seconde intention. L’avantage du scanner est de pouvoir visualiser les calcifications péricardiques même si elles sont surtout retrouvées dans les formes devenues rares de nos jours de péricardites constrictives évoluant depuis longtemps. L’épaisseur des feuillets péricardiques peut être mesurée par l’une ou l’autre technique mais l’IRM est mieux à même de fournir des renseignements d’ordre fonctionnel sur les ventricules (en particulier l’interdépendance VD/VG) et sur le remplissage ainsi que sur le myocarde en particulier en cas de myopéricardite. Enfin, l’imagerie en coupes fournit des renseignements sur le parenchyme pulmonaire et sur le médiastin, très utiles dans le bilan étiologique. Formes étiologiques particulières Les péricardites virales restent les plus fréquentes dans les pays développés. Il est rappelé qu’en raison du grand nombre d’agents pathogènes potentiellement incriminables, de l’absence d’efficacité démontrée de traitements étiologiques spécifiques (à l’exception des virus HIV et HCV) et en raison de leur évolution le plus souvent bénigne sous traitement antiinflammatoire, il n’est pas nécessaire ni utile de procéder à une enquête virologique systématique (recommandations III-C). L’étiologie tuberculeuse reste actuellement très fréquente dans les pays en voie de développement, et elle peut survenir comme complication chez les patients atteints du sida. Le pronostic est sombre avec un taux de mortalité qui peut atteindre 40 % au terme du 6emois d’évolution, surtout si la prise en charge a été retardée. L’échocardiographie Doppler reste en première ligne pour le diagnostic de l’épanchement et l’appréciation de sa tolérance mais seules les autres méthodes d’imagerie (radiographie thoracique, scanner et IRM) pourront apporter des arguments étiologiques à partir de l’étude du parenchyme pulmonaire et du médiastin. L’épanchement péricardique, souvent abondant, peut être mal toléré et nécessiter une péricardiocentèse sous échographie ou une évacuation chirurgicale, dans ce cas associée à une biopsie péricardique pour confirmer le diagnostic. L’institution d’un traitement antituberculeux spécifique empirique n’est recommandée que dans les zones endémiques en cas d’épanchement exsudatif et après exclusion des autres étiologies. Le développement d’un épanchement péricardique peut survenir chez les insuffisants rénaux chroniques, en particulier chez les patients hémodialysés. L’intensification du programme d’hémodialyse est recommandée (IIa) mais, point important, la colchicine est contre-indiquée dans cette étiologie. Les péricardites constituées après infarctus du myocarde aigu, après chirurgie cardiaque ou de cause traumatique (iatrogène ou
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