Le stenting carotidien en 2016 - Cas cliniques illustrés et discussion des indications et techniques
M. AMOR, Z. CHATI, J. LEMOINE, C. BRETON, N. ISMAILI, R. ASLAM, S. PINELI, Service des maladies cardiaques et vasculaires, Clinique Louis Pasteur, Essey-lès-Nancy
Le traitement radical des sténoses carotidiennes athéromateuses significatives par endartériectomie s’est montré supérieur au traitement médical seul dans plusieurs essais randomisés chez les patients neurologiquement symptomatiques et asymptomatiques(1-5). Si aujourd’hui l’endartériectomie est universellement acceptée chez les patients symptomatiques dans les premières semaines suivant l’épisode critique, elle reste débattue bien que très pratiquée chez les patients asymptomatiques avec une sténose carotidienne significative et chez les patients symptomatiques à distance (> 6 mois) de l’événement.
Le taux d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémiques ipsilatéraux a diminué chez les patients asymptomatiques grâce à l’amélioration du traitement médical. Les études ACAS4 et ACST5 faisant référence aujourd’hui dans cette indication ont été réalisées avant l’utilisation généralisée d’un traitement médical optimal incluant les statines et les IEC. Cependant la thérapie médicale optimale ayant atteint un plateau, aujourd’hui elle reste insuffisante pour traiter les patients asymptomatiques à haut risque d’AVC ischémique (leur reconnaissance est débattue et difficile), et le traitement radical de la sténose carotidienne leur est souvent proposé. L’angioplastie carotidienne Son développement a débuté en 1980, au ballon seul initialement (6) suivi 15 ans après de l’implantation d’un stent carotidien d’abord sans protection cérébrale puis avec protection par ballon puis par filtre (7,8). SAPPHIRE est la première étude randomisée, prospective, multicentrique comparant l’angioplastie carotidienne avec protection par filtre et l’endartériectomie chez les patients à haut risque chirurgical. Elle a démontré la non-infériorité de l’angioplastie par rapport à l’endartériectomie chez ces patients symptomatiques et asymptomatiques à court et long terme (9,10). D’autres études (11-14) ont comparé les deux méthodes de revascularisation carotidienne avec des résultats discordants mais le plus souvent en faveur de la chirurgie chez les patients symptomatiques. Plusieurs critiques ont été formulées à l’égard de ces études dont la principale était l’inexpérience de certains angioplasticiens et l’absence de protection cérébrale systématique ou dans le cas de CAVATAS l’absence de stent. Par ailleurs, ces études (CAVATAS, EVA 3S, ICSS, SPACE) (11-14) ont souvent utilisé une technique de stenting obsolète. Néanmoins, ces études ont montré un résultat à long terme équivalent entre les deux techniques de traitement. L’étude CREST (15) est en date la plus large étude randomisée à comparer l’angioplastie carotidienne à l’endartériectomie chez des patients symptomatiques et asymptomatiques. Ses résultats confirment l’équivalence des deux méthodes de revascularisation chez les patients à faible risque chirurgical, démontrant ainsi l’importance de la courbe d’apprentissage, encore appuyé par des recommandations (16) et de la sélection des patients (24-25). La parution très récente des résultats à 10 ans de l’étude CREST (16) confirment l’équivalence à long terme de la chirurgie et du stenting carotidien chez les 2 502 patients de l’étude, qu’ils soient symptomatiques ou asymptomatiques (survenue d’un AVC ipsilatéral sur 10 ans : 6,9 % pour le stenting carotidien et 5,6 % pour la chirurgie : résultats N.S). Dans ce même numéro du New England Journal of Medicine de mars 2016, ont été publiés les résultats de l’étude randomisée ACT 1 (17) comparant le stent et la chirurgie chez 1 453 patients asymptomatiques à risque normal pour la chirurgie. L’étude démontre l’équivalence des deux méthodes à 30 jours (critère primaire : décès, AVC, infarctus du myocarde) et à un an pour les AVC ipsilatéraux. Cependant, l’importance accordée à ces données dans différents cénacles est variable ; incontestablement le stenting carotidien reste très critiqué et sous-utilisé, le traitement médical ou chirurgical lui étant préféré. Par ailleurs, le stenting carotidien est inégalement réparti en Europe (très répandu en Allemagne et en Italie, rare en France et au Royaume- Uni…) et dans le monde où le remboursement du stent carotidien et de la protection carotidienne est variable. Si les recommandations récentes (18-20) tentent de clarifier la situation, la complexité des cas et la diversité du matériel d’angioplastie nécessitent avant tout une grande expérience et une connaissance précise du stenting carotidien. Approche actuelle illustrée par 3 cas cliniques complexes Première observation Le premier patient est un homme, 66 ans, connu pour une hypertension artérielle, un tabagisme ancien (40 PA), une angioplastie de la coronaire droite distale pour syndrome coronarien aigu en 2008, un cancer de la prostate opéré en 2012. Son traitement habituel comporte : ramipril, amlodipine, aténolol et aspirine. Il présente une dysphonie avec lésion de la corde vocale droite. Le scanner cervico-thoracique ne montrait pas d’extension locorégionale ou à distance. Face à la nécessité d’une panendoscopie avec prélèvements suivie d’une éventuelle cure chirurgicale, un contrôle cardiovasculaire préanesthésique met en évidence un athérome carotidien bilatéral sévère prédominant à gauche. Le patient nous est alors adressé pour la suite de sa prise en charge. L’angiographie sélective par voie radiale droite montre une lésion très irrégulière, avec des niches ulcératives de la carotide interne gauche responsable d’une sténose > 90 % (figure 1A) et à droite une sténose à 70 % d’aspect ulcéré, très irrégulier et hétérogène (figure 1B). Figure 1. A. Carotide gauche. B. Carotide droite. L’échographie des troncs supraaortiques montre une lésion plutôt hypoéchogène, hétérogène, de la CIG avec sténose excentrée, haute et très serrée (90 %) ainsi qu’une lésion très hétérogène fibro-calcaire et ulcérée de la CID proximale avec une sténose à 75 %. Les temps intracrâniens n’apportent pas de contre-indication. La coronarographie de contrôle réalisée dans le même temps que l’angiographie cérébrale ne montrait pas de lésion significative avec un bon résultat du stenting de la coronaire droite. Le scanner cérébral montrait plusieurs images lacunaires de la substance blanche sus-tentorielle probablement ischémique, d’âge différent chez un patient neurologiquement asymptomatique. Au vu des lésions bilatérales et d’un risque opératoire conséquent, il est décidé en accord avec le patient et le chirurgien vasculaire d’opter pour une revascularisation endovasculaire. Pour minimiser les délais avant l’endoscopie, il est décidé de réaliser l’angioplastie bilatérale en un temps opératoire (contrairement à notre pratique habituelle où nous respectons un délai de 2 à 3 semaines entre les deux angioplasties). Le patient a été informé d’éventuels risques liés à la procédure et a donné son consentement écrit. • Angioplasties de la CIG suivie de l’angioplastie de la CID Le patient était sous bithérapie (aspirine, clopidogrel) (au minimum 48 h avant la procédure). L’héparine (70 UI/kg) était administrée per-procédure, et l’atropine était administrée avant les dilatations. Un introducteur 8 F a permis l’accès fémoral droit et une sonde cathéter guide était positionnée dans la carotide commune gauche afin de traiter en premier la sténose la plus complexe et la plus sévère dont dépend l’hémisphère dominant. Mise en place d’un système de protection distal avec filtre (Filterwire ™ Boston Scientific) dans la CIG, en aval de la lésion et prédilatation avec un ballon (3,5*30 mm) au niveau de la lésion suivi d’une implantation d’un stent autoexpandable à cellules fermées et micromailles (9*30 mm) , (Roadsaver™, Terumo) impacté secondairement par un ballon 5,5*20 mm. La tolérance hémodynamique et neurologique étant satisfaisante, et après information et discussion avec le patient et l’anesthésiste durant l’intervention, on décide de procéder à la seconde angioplastie de la carotide interne droite. Positionnement du même cathéter guide HSTICK 8 F dans la carotide primitive droite. Mise en place d’un nouveau système de protection distal avec filtre (Filterwire™ Boston Scientific) dans la CID, en aval de la lésion et prédilatation de la CID avec un ballon de 5*20 mm suivi de l’implantation d’un second stent Roadsaver, Terumo (8*25 mm) dans la CID secondairement impactée avec un ballon 5,5*20 mm. Excellent résultat angiographique (figure 2) avec récupération d’une lumière satisfaisante. Couverture optimale des ulcérations. Disparition des niches résiduelles après une impaction à dilatation progressive du stent. Figure 2. A. Carotide gauche. B. Carotide droite. L’échographie Doppler des carotides à la 24 e heure montrait un bon résultat des deux stents carotidiens. Il n’y a pas eu d’événements neurologiques indésirables per-procédure ou dans les 30 premiers jours. Seule une hypotension a été retrouvée dans les 48 premières heures, comme cela est fréquent dans le stenting carotidien (effets du stent autoexpandable en nitinol sur les barorécepteurs). Le scanner cérébral de contrôle ne montrait pas de nouvelles lésions. Le patient a poursuivi une bithérapie (aspirine et clopidogrel) pendant 15 jours, avant la panendoscopie. Ce cas démontre l’intérêt évident du stenting carotidien dans des situations cliniques difficiles ainsi que l’apport des nouveaux stents carotidiens pour traiter les lésions complexes à haut risque embolique : irrégulières, hypoéchogènes et ulcérées. Ces nouveaux stents à micromailles (micro-mesh) permettent la rétention de la plaque et l’absence d’extrusion de bouillie athéromateuse au travers des mailles (2 stents de ce type sont disponibles en France mais non remboursés : Roadsaver de Terumo et C Guard de Minguard Penumbra). Deuxième observation La deuxième patiente, de 83 ans, est connue pour dyslipidémie, hypertension artérielle, insuffisance rénale chronique modérée, monoparésie légère du membre supérieur gauche séquellaire d’un AVC lacunaire du bord antérieur de la capsule interne droite avec un bilan étiologique négatif en 2003. Une endartériectomie carotide gauche est réalisée en 2012, compliquée immédiatement d’une lésion de clamp sur la carotide commune gauche (CCG) traitée dans le postopératoire par la mise en place d’un stent (figure 3). Figure 3. Resténose sévère de la CIG. Elle a présenté au cours du suivi, l’apparition de lésions carotidiennes bilatérales avec notamment une nouvelle lésion sur la carotide interne gauche en amont du stent et correspondant à une resténose tardive post-endartériectomie et une lésion de novo carotide interne droite. Le traitement habituel était bien conduit et se
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