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Insuffisance cardiaque

Publié le  Lecture 11 mins

Nouvelles recommandations ESC 2016 - Ce qu’elles changent dans la prise en charge thérapeutique

Damien LOGEART, Paris

Par rapport aux précédentes recommandations de 2012, la principale modification des recommandations 2016 de l’ESC sur l’insuffisance cardiaque concerne l’introduction de la classe des inhibiteurs mixtes des récepteurs à l’angiotensine 2 et de la néprilysine dans l’algorithme de l’IC à FEVG réduite. On note également une indication pour le fer intraveineux. Pour les autres thérapeutiques plus anciennes, les changements sont à la marge. Nous aborderons succinctement l’ensemble des thérapeutiques disponibles. Enfin, la prise en charge de l’IC aiguë ou décompensée n’a pas vu de changement significatif.

Tout d’abord, il est important de rappeler la distinction du type d’insuffisance cardiaque selon la FEVG. L’essentiel des recommandations porte sur l’IC avec FEVG réduite ( 40 %). Pour l’IC à FEVG préservée (≥ 50 %), il n’y a pas encore eu d’essai randomisé ayant complètement emporté la conviction, et les recommandations restent très limitées et prudentes. Par ailleurs, les mécanismes physiopathologiques de ces 2 types d’IC ne sont pas suffisamment similaires pour extrapoler les recommandations de l’un à l’autre. De façon intéressante, l’ESC a souhaité individualiser la catégorie de patients avec IC et FEVG intermédiaire, entre 40 et 49 %. En effet, ce groupe de patients a finalement été peu pris en compte dans les différents essais cliniques (FEVG ≤ 40 % dans la plupart des essais) et le niveau de preuves y est donc très faible. Les études à venir nous diront si cette catégorie de patients à FEVG intermédiaire est à assimiler à l’IC à FEVG réduite ou à rapprocher plutôt de l’IC à FEVG préservée ou à considérer complètement à part. Insuffisance cardiaque à FEVG réduite Traitements médicamenteux • Débuter par IEC et bêtabloquants simultanément (recommandation de classe I) Pour tout patient avec FEVG 40 % et quel que soit son stade NYHA, le point de départ est l’association IEC et bêtabloquants. Alors qu’en 2012, il était proposé de débuter avec les IEC puis les bêtabloquants, les nouvelles recommandations proposent de les initier en même temps. Il est bien sûr conseillé de rechercher la dose maximale tolérée de façon progressive. Pour la classe des bêtabloquants, qui est pharmacologiquement hétérogène, ce sont toujours les 4 mêmes agents qui peuvent être prescrits : carvedilol, bisoprolol, metoptolol succinate, nebivolol. Les ARA2, au moins le candesartan et le valsartan, ne sont à prescrire qu’en cas d’intolérance aux IEC (angiœdème ou toux). • Diurétiques (classe I) Les diurétiques sont à utiliser chez tous les patients congestifs, ce qui correspond habituellement à une NYHA ≥ II, et il n’y a rien de neuf concernant cette classe de traitement. Ce sont les diurétiques de l’anse qui sont utilisés dans la très grande majorité des cas, mais les thiazidiques sont également présents dans les textes de recommandations. Il est habituel de conseiller de prescrire la dose efficace la plus faible possible, mais il faut rester prudent quand à leur arrêt éventuel chez un patient (semblant) asymptomatique. La poursuite de l’escalade thérapeutique se justifie si la FEVG reste ≤ 35 %. • Antagonistes des récepteurs aux minéralo-corticoïdes si NYHA ≥ II persistante et FEVG ≤ 35 %(classe I) Comme en 2012, spironolactone ou eplerenone à faibles doses (25 à 50 mg/j) sont à proposer chez tous les patients restant avec une FEVG ≤ 35 %en classe NYHA ≥ II sous IEC, bêtabloquants et diurétiques de l’anse. Au décours immédiat d’un infarctus avec FEVG altérée, les ARM sont également recommandés. En pratique, cela signifie que la grande majorité des patients avec dysfonction systolique relève d’un traitement par ARM. On peut en profiter pour rappeler ici que cette recommandation était très insuffisamment suivie dans les dernières enquêtes de prescription en France. Dans ces recommandations ESC, à noter qu’il n’y a pas de contre-indication formelle pour ce qui est de la fonction rénale mais bien sûr des précautions et une surveillance rigoureuse. En cas d’intolérance aux ARM et seulement dans ce cas, il reste possible de prescrire une association IEC-ARA2. • Switcher l’IEC ou ARA2 pour un inhibiteur des récepteurs à l’angiotensine 2 et de la neprilysine en 2 e ligne (classe I) Au vu de la supériorité du LCZ696 sur l’enalapril dans l’essai PARADIGM (mortalité totale et CV notamment), la recommandation de l’ESC peut sembler un peu restrictive car elle ne propose pas de débuter directement le traitement de l’IC à FEVG réduite par cette nouvelle classe mais uniquement si le patient reste symptomatique malgré l’association IEC-bêtabloquant-ARM et diurétiques. Les recommandations américaines (AHA/ACC) publiées simultanément sont moins directives (ou plus floues) sur ce point. En fait, les recommandations ESC reprennent le schéma de l’essai PARADIGM où le LCZ696 avait montré sa supériorité par rapport à l’enalapril chez des patients restant symptomatiques alors qu’ils étaient déjà sous traitement optimal, et s’étaient montrés capables de tolérer un IEC. Il faut aussi garder en mémoire qu’un certain nombre de patients s’améliore très significativement sous l’association classique avec une FEVG augmentant à plus de 40 %. Une étude randomisée — PARADISE — va tester la supériorité du LCZ696 par rapport à un IEC dans le post-infarctus avec FEVG altérée ce qui nous aidera à préciser ultérieurement la pertinence du LCZ696 en début de prise en charge et/ou chez les patients asymptomatiques. En pratique, le switch de l’IEC pour Entresto ® nécessite un arrêt de l’IEC pendant 36 h pour éviter l’excès potentiel de risque d’angioedème (cette précaution n’est pas nécessaire en cas d’ARA2 puisque le LCZ696 contient déjà du valsartan). Le choix initial entre les 3 doses du LCZ696 peut se faire en fonction de la dose préalable d’IEC ou ARA2 et du niveau tensionnel. Le plus souvent, la dose intermédiaire peut être utilisée. La surveillance spécifique est la même que celle d’un IEC ou ARA2 (pression artérielle et biologie « rénale »). • L’ivabradine peut être utilisée en cas de rythme sinusal avec FC ≥ 70 bpm et FEVG ≤ 35 % (classe IIa) Comme en 2012, l’ESC propose d’utiliser l’ivabradine en cas de FC ≥ 70 bpm, malgré les bêtabloquants et sous réserve que le rythme soit sinusal. On rappelle que dans l’AMM européenne ou française, le seuil de rythme sinusal était relevé à 75 bpm. En cas de contre-indication ou d’intolérance aux bêtabloquants (environ 10 à 15 % des patients) et de rythme sinusal ≥ 70 bpm, les nouvelles recommandations ESC conseillent de prescrire l’ivabradine (classe IIa versus IIb en 2012). Traitements non médicamenteux • Réadaptation cardiaque à l’effort et prise en charge multidisciplinaire spécifique (classe I pour toute IC) Comme en 2012, les recommandations insistent sur l’importance de la réadaptation à l’effort de tous les IC, pour un bénéfice essentiellement fonctionnel mais également de réduction du risque d’hospitalisation. Concernant la prise en charge multidisciplinaire et coordonnée, les recommandations 2016 indiquent dorénavant une recommandation de classe I qui n’existait pas avant. Les contenus possibles de ce type de prise en charge sont assez larges, vont de l’organisation de la sortie d’une hospitalisation à l’éducation thérapeutique en passant par la place de l’infirmière à domicile, mais un point essentiel est la qualité de la coordination. Il existe encore une marge considérable d’amélioration en France. • Défibrillateur automatique implantable si FEVG ≤ 35 % et NYHA IV (classe I) Cette recommandation forte est identique à celle de 2012 et reste sous réserve que le contexte (âge, comorbidité, NYHA) laisse espérer un réel bénéfice. Il faut indiquer ici que les résultats de l’essai DANISH ont été publiés quelques mois après ces recommandations et que ces résultats indiquaient l’absence de bénéfice global (mortalité CV et totale) du défibrillateur en cas de cardiopathie non ischémique. L’analyse en sousgroupe suggère que ce bénéfice existe quand même chez les moins de 59 ans. On verra ce que diront les prochaines recommandations mais d’ores et déjà, on peut y voir une incitation à nuancer nos indications et ne pas se précipiter en cas de cardiopathie non ischémique, ne serait-ce qu’attendre 3 mois après optimisation du traitement médicamenteux et vérification de la FEVG. À nouveau, une proportion significative de patients améliore leur FEVG sous traitement. Concernant la LifeVest ou équivalent en attente d’une implantation (dans le post-infarctus immédiat avec FEVG altérée notamment), celle-ci est évoquée mais sans recommandation par défaut d’études. • Resynchronisation ventriculaire : relative simplification des critères (FEVG ≤ 35 %, NYHA ≥ II, durée QRS ≥ 130 ms) Les nouvelles recommandations diffèrent légèrement de celles de 2012. D’une part, la distinction NYHA II vs NYHA III-IV est supprimée sauf en cas de FA où seuls les NYHA III-IV pourraient être resynchronisés. D’autre part, il n’y a plus que deux seuils de durée de QRS qui sont pris en compte : 130 et 150 ms. En cas de BBG, tous les patients avec NYHA ≥ II et QRS ≥ 130 ms doivent être resynchronisés. En cas de non-BBG, la recommandation est de classe IIa (≥ 150 ms) ou IIb (130-149 ms). En cas de BAV (et donc de risque de stimulation VD permanente), la resynchronisation biventriculaire est également fortement recommandée. Enfin, rappelons que ces indications ne sont portées qu’après réévaluation sous traitement médicamenteux optimal… • Assistance ventriculaire gauche (LVAD) (classe IIa) Sans rentrer dans trop de détails, ces assistances sont recommandées en pont vers la transplantation ou de façon définitive en cas de contre-indication à la greffe chez des patients soigneusement sélectionnés. Le niveau de recommandation est de classe IIa dans les deux cas. Insuffisance cardiaque à FEVG préservée Comme en 2012, il n’y a pas de recommandation autre que de prescrire des diurétiques en cas de congestion et de traiter les comorbidités. La liste des essais cliniques négatifs est maintenant longue et nécessite de reconsidérer ses mécanismes. Traitements des comorbidités • Rechercher une carence martiale et la traiter (nouvelle recommandation de classe IIa) La carence martiale est très fréquente chez ces patients et deux essais randomisés assez récents ont montré un bénéfice clinique de sa correction par fer injectable, et ce, qu’il y ait ou non une anémie associée. Le bénéfice semble davantage lié à une amélioration du métabolisme musculaire squelettique qu’à une augmentation du taux d’hémoglobine. Les recommandations 2016 proposent donc dorénavant de suivre le protocole

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