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Thrombose

Publié le  Lecture 11 mins

Quel suivi proposer après une embolie pulmonaire ?

Romain CHOPARD, Nicolas MÉNEVEAU, CHU Jean Minjoz, EA 3920 Université de Bourgogne – Franche-Comté, Besançon

L’embolie pulmonaire (EP) est une pathologie relativement fréquente avec une incidence de survenue de 75 à 269 pour 1 000 sujets(1). Cette pathologie représente actuellement la troisième cause de mortalité cardiovasculaire, après l’infarctus (IDM) du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux (AVC)(2). Les recommandations de la Société européenne de cardiologie de 2014 codifient précisément la prise en charge des EP aiguës selon la stratification du risque initial (risque élevé, risque intermédiaire-haut/intermédiaire-bas, et risque faible)(3) et la mortalité hospitalière a désormais diminué à 7-11 %(2).

Par la suite, les patients ayant présenté un épisode d’EP sont exposés à la survenue de complications avec un taux de décès à long terme qui reste supérieur à celui de la population générale, et ce indépendamment de l’existence d’une pathologie néoplasique (4) (tableau). Après un premier épisode d’EP, il convient donc de poursuivre le suivi médical au long cours afin : - d’évaluer le risque de récidive d’événements thromboemboliques veineux et de déterminer la durée du traitement anticoagulant ; - de dépister le développement d’une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) chronique postembolique ; - de prévenir la survenue d’accident thrombotique artériel, comme les syndromes coronariens aigus (SCA) ou des AVC ; - et de prendre en charge un éventuel syndrome post-thrombotique. Récidive d’une thrombose veineuse profonde et/ou d’une embolie pulmonaire Risque de récidive Le taux de récidive, après un premier épisode de thrombose veineuse profonde (TVP) proximale ou d’EP, sans poursuite du traitement anticoagulant, est élevé, de 11 % à 1 an, 22 % à 5 ans et 39 % à 10 ans (5) (tableau). Ce risque de récidive est 2 fois plus important dans les EP non provoquées, c’est-à-dire lorsque aucun facteur favorisant transitoire type chirurgie, traumatisme, immobilisation, grossesse ou contraception estroprogestative n’est présent (6). Le risque de récidive est également plus important (risque multiplié par 3) pour un épisode initial d’EP par rapport à une TVP (5). Par ailleurs, les patients présentant une maladie thromboembolique veineuse (MTEV) (TVP et/ou EP) compliquant une néoplasie évolutive ont un taux de récidive de 20 % au cours de la première année (7). Les autres facteurs prédisposants à la récidive sont le sexe masculin (8), la persistance d’un taux de D-dimères élevé (9), la persistance d’une obstruction vasculaire pulmonaire au scanner (10) ou à la scintigraphie (11) ou d’une TVP à l’écho-Doppler (12), un syndrome des antiphospholipides et des anomalies héréditaires du bilan de thrombophilie. Durée de l’anticoagulation La définition de la durée de l’anticoagulation dépend du caractère provoqué ou non de l’épisode de MTEV, du risque hémorragique du patient sous anticoagulant et de la possibilité de prescrire des anticoagulants oraux directs (AOD) qui ont démontré un profil d’efficacité et de sécurité favorable au long cours (3,13). La durée du traitement recommandée après un premier épisode de TVP ou d’EP provoquée est de 3 mois (3,13). Pour les EP et/ou les TVP proximales non provoquées, du fait du risque important de récidive, la prolongation du traitement anticoagulant au long cours, au-delà des 3 premiers mois, doit être discutée avec le patient. Les sociétés savantes américaines et européennes préconisent la poursuite de ce traitement chez les patients ne présentant pas un risque hémorragique élevé. La poursuite au long cours ne signifie pas forcément à vie et l’indication doit être réévaluée régulièrement selon la balance risque de récidive et risque hémorragique (3,13). Les scores d’évaluation du risque utilisés dans la FA (HAS-BLED, ATRIA, HEMORR2HAGES) (14) ne sont pas validés dans l’EP mais l’évaluation du risque hémorragique doit prendre en compte les différents composants de ces scores : l’âge du patient (> 75 ans), les antécédents de saignements digestifs, d’AVC, d’insuffisance rénale chronique ou de maladie hépatique, un traitement concomitant par antiagrégant plaquettaire, et le mauvais contrôle du niveau d’anticoagulation pour les antivitamine K (AVK). Par ailleurs, le sexe masculin et la persistance d’un taux élevé de D-dimères sous traitement pourraient être des facteurs pouvant inciter à proposer un traitement préventif au long cours (13). Le traitement prolongé par AVK est associé à un taux relativement élevé de complications hémorragiques dans les études observationnelles (5-9 % par an) (15,16) et les dernières recommandations nord-américaines proposent que les AOD soient prescrits en 1 re intention, limitant les AVK aux contre-indications des AOD, du fait d’une insuffisance rénale chronique sévère principalement (clairance créatinine 30 ml/min) (3,13). Dans l’étude EINSTEIN-EXT, le rivaroxaban (20 mg/j), prescrit après 6 à 12 mois d’anticoagulants, est associé à une réduction de 82 % du risque de survenue d’une récidive de MTEV sous rivaroxaban comparativement au placebo avec un faible taux d’accidents hémorragiques (0,7 % dans le groupe rivaroxaban ; 0 % dans le groupe placebo) (17) (figure 1). Dans l’étude AMPLIFY-EXT, 2 482 patients avec une MTEV, initialement traités par 6 à 12 mois d’AVK ou d’apixaban (dans l’étude AMPLIFY (18)) ont été randomisés pour recevoir soit de l’apixaban 2,5 mg x 2/j, soit de l’apixaban 5 mg x 2/j, soit un placebo. Les taux de récidive de MTEV ou de mortalité liés à la MTEV étaient significativement plus faibles chez les patients traités par apixaban 2,5 mg et 5 mg comparativement aux patients recevant le placebo avec un taux de saignements, notamment de saignements majeurs, moins élevé (mais de façon non statistiquement significative) chez les patients recevant de l’apixaban (19) (figure 1). Le dabigatran a également montré un intérêt dans la réduction des récidives au long cours avec un faible surrisque hémorragique dans l’étude RE-SONATE (comparé au placebo) (20) (figure 1). Toutefois, ce traitement n’a actuellement pas l’autorisation de mise sur le marché en France dans cette indication. Figure 1. Résultats des études de phases III ayant étudié les anticoagulants direct oraux dans le traitement au long cours de la maladie thromboembolique veineuse(17,19,20). AOD : anticoagulants oraux directs ; MTEV : maladie thromboembolique veineuse. À noter également que la survenue d’un deuxième épisode de MTEV idiopathique constitue une indication formelle de poursuite du traitement au long cours. Il a également été démontré un intérêt du traitement par aspirine dans la prévention des récidives de MTEV sans augmentation significative du risque hémorragique (21). Mais la réduction du risque de récidive par l’aspirine est moins importante que celle obtenue par les anticoagulants. L’intérêt d’un traitement préventif prolongé par aspirine est actuellement évalué dans l’étude EINSTEIN-CHOICE qui compare chez des patients ayant déjà bénéficié de 6 à 12 mois de traitement anticoagulant, rivaroxaban 20 mg/j, rivaroxaban 10 mg/j et aspirine 100 mg/j (22). Syndrome des antiphospholipides et thrombophilie La recherche d’anomalie du bilan de thrombophilie ne doit pas être systématique après un premier épisode de MTEV. Il convient de la réaliser chez les sujets jeunes, en présence d’antécédents familiaux de MTEV ou dans le cadre d’une MTEV non provoquée. Un bilan de thrombophilie doit également être effectué dans le bilan d’une HTAP chronique post-embolique (3,23). Les patients présentant un syndrome des antiphospholipides doivent bénéficier d’un traitement préventif des récidives par AVK au long cours. Les déficits en anti-thrombine III constituent également une indication de traitement prolongé, de même sans doute que les déficits en protéine C ou protéine S confirmés. La conduite à tenir devant une mutation des facteurs V et II est en revanche sujette à caution et ne justifie pas systématiquement un traitement au long cours. Un avis d’expert doit être sollicité en cas de doute ou de situations particulières comme l’association d’anomalies combinées. Cancer Il existe une très forte association entre cancers et risque de MTEV, avec un risque de MTEV multiplié par 4 par rapport à la population générale (24). Un épisode de MTEV idiopathique précède la découverte d’une pathologie néoplasique dans l’année qui suit, dans 10 % des cas (25). Après une MTEV non provoquée, la recherche d’un cancer sous-jacent doit se limiter à un examen clinique complet incluant les touchers pelviens, un bilan biologique de base, une consultation gynécologique chez les femmes et les dépistages des cancers du sein ou de la prostate en fonction de l’âge (3). Dans l’étude SOME, l’augmentation du taux de dépistage de pathologies cancéreuses par la réalisation systématique d’un scanner abdomino- pelvien, n’apporte aucun bénéfice clinique (26). Le traitement d’une TVP et/ou d’une EP survenant chez un patient présentant une néoplasie active justifie tout d’abord d’un traitement anticoagulant par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) pour une durée de 3 à 6 mois (3,13). Cette recommandation repose sur les données de l’étude randomisée CLOT qui a montré une réduction de 50 % des récidives, sans majoration du risque hémorragique comparativement aux AVK dans cette indication (27). Par la suite, la poursuite du traitement doit être décidée au cas par cas, en prenant en compte le risque hémorragique du patient ainsi que ses préférences. S’il est poursuivi, le traitement anticoagulant doit utiliser préférentiellement des AVK, prescrit au long cours ou jusqu’à ce que la néoplasie soit considérée comme guérie (3,13). L’utilisation des AOD dans le contexte de cancer est mal définie (28,29) et leur utilisation n’est actuellement pas recommandée. Un certain nombre d’essais sont actuellement en cours, qui devraient permettre d’évaluer plus précisément l’efficacité et la sécurité d’emploi de ces nouvelles molécules dans cette indication. HTAP chronique postembolique L’HTAP chronique postembolique est liée à la persistance et à l’organisation fibreuse de thrombus au sein du lit vasculaire pulmonaire après une ou plusieurs EP qui sont asymptomatiques dans 20 % des cas (30). La conséquence de l’obstruction artérielle pulmonaire et du développement d’un remodelage vasculaire est une augmentation des résistances vasculaires pulmonaires aboutissant à une insuffisance cardiaque droite. L’incidence de cette pathologie est mal connue, variant selon les études et les définitions utilisées de 0,1 à 9 % dans les 2 premières années après une EP (tableau). L’âge moyen des patients au moment du diagnostic est de 63 ans. Cette

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