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ESC 2023 : les grandes études d’imagerie cardiovasculaire
Théo PEZEL, service de cardiologie et de radiologie, CHU Lariboisière, APHP, Paris

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Étude CARMAREC : l’IRM cardiaque peut-elle remplacer l’angiographie invasive pour détecter une coronaropathie significative ? L’altération de la FEVG constitue un défi majeur de santé publique et il est essentiel d’identifier correctement la cause de l’insuffisance cardiaque pour assurer une prise en charge adéquate des patients. Alors que la maladie coronaire est souvent soupçonnée, une grande proportion d’angiographies invasives (75 %) ne révèle pas de lésions significatives. C’est dans ce cadre que l’IRM cardiaque de repos, capable de détecter un infarctus du myocarde avec la séquence de rehaussement tardif, a été suggérée comme alternative à l’angiographie systématique. L’étude CAMAREC, menée par le Dr Louis-Marie Desroche du CHU de La Réunion, est une étude multicentrique observationnelle qui a cherché à prouver que l’IRM cardiaque de repos peut être un examen diagnostique de première ligne pour identifier une coronaropathie obstructive face à une FEVG altérée non expliquée (1). Design de l’étude Les patients inclus bénéficiaient d’une IRM cardiaque de repos, suivie d’une coronarographie invasive dans les 14 jours (figure 1). L’IRM était retenue positive (CMR+) en cas de rehaussement tardif sous-endocardique ou transmural, tandis que la coronarographie était retenue positive (CA+) en cas de sténose > 70 % détectée sur le tronc commun, sur l’IVA ou sur au moins deux vaisseaux proximaux. Figure 1. L’étude CAMAREC vise à évaluer la performance de l’IRM cardiaque de repos pour la détection d’une coronaropathie obstructive par rapport à la méthode de référence qui est la coronarographie. Les deux examens diagnostiques étaient réalisés l’un après l’autre dans les 14 jours chez les patients de l’étude. Résultats de l’étude Parmi les 380 patients inclus, 49 (13 %) ont été diagnostiqués avec une cardiopathie obstructive par coronarographie invasive. La sensibilité de l’IRM cardiaque pour cette détection était de 57 % (figure 2). L’adoption de l’IRM cardiaque comme outil diagnostique de première ligne aurait évité une coronarographie invasive pour 72 % des patients, offrant une économie de 400 € par patient en France. Cependant, avec cette approche, 6 % des patients atteints de coronaropathie n’auraient pas été diagnostiqués. Figure 2. Résultats de l’étude CAMAREC avec une sensibilité de 57 % de l’IRM cardiaque de repos pour la détection d’une coronaropathie obstructive définie comme une sténose > 70 % dans le tronc commun, l’IVA ou au moins 2 vaisseaux proximaux détectés par coronarographie invasive. À noter que l’IRM cardiaque a permis de détecter des infarctus du myocarde à coronaires saines (MINOCA), des cardiomyopathies, ainsi que des thrombus du VG non détectés à l’échocardiographie. L’évaluation de la non-viabilité du myocarde a également permis d’éviter plusieurs revascularisations inutiles. Conclusion Bien que l’IRM cardiaque de repos présente de nombreux avantages diagnostiques, les résultats de CAMAREC semblent montrer qu’elle n’est pas adaptée comme premier outil pour détecter une coronaropathie obstructive dans le contexte d’une FEVG altérée inexpliquée. La coronarographie invasive reste donc la référence pour cette indication. Cependant, une lésion coronaire significative ne cause pas toujours une nécrose tissulaire, notamment si l’artère coronaire n’est pas totalement occluse. La dysfonction ventriculaire gauche est alors expliquée par le phénomène d’hibernation myocardique, réversible par revascularisation. Dans ce cas de figure, il est normal que l’IRM cardiaque de repos soit mise à défaut avec un rehaussement tardif négatif sans nécrose tissulaire. On peut cependant émettre l’hypothèse qu’une IRM cardiaque de stress aurait montré une performance supérieure grâce à sa capacité à détecter l’ischémie inductible, en plus de la nécrose tissulaire. En effet, l’IRM cardiaque de stress est l’un des tests de stress fonctionnel les plus performants avec une excellente corrélation avec la FFR dans l’évaluation de la sévérité d’une lésion coronaire, et cela de façon supérieure aux autres tests d’ischémie (scintigraphie et échocardiographie d’effort) (2). Messages clés à retenir Étude TAVR-CMR : étude randomisée de non-infériorité comparant l’IRM cardiaque au scanner cardiaque pour guider un TAVI Chaque année, ce sont plus de 150 000 remplacements valvulaires aortiques percutanés (TAVI) qui sont réalisés en Europe et ce chiffre ne fait qu’augmenter, dépassant même le nombre de chirurgies de remplacement de la valve aortique (RVAo). Le choix entre TAVI et RVA repose sur une évaluation minutieuse des facteurs cliniques, anatomiques et procéduraux par une Heart Team. À cet égard, le scanner pré-TAVI joue un rôle clé pour déterminer la prothèse appropriée et évaluer la voie d’accès d’implantation, éléments fondamentaux pour une procédure sûre et efficace. Cependant, le besoin d’agent de contraste iodé et l’exposition aux rayons X représentent des limites du scanner pré-TAVI, en particulier chez les patients souffrant de maladie rénale chronique. De plus, une lésion rénale aiguë intervient chez 20 à 50 % des patients après TAVI. C’est dans ce contexte de volonté de réduction de la quantité de contraste iodé, que les auteurs ont proposé d’évaluer si une approche TAVI guidée par IRM serait non inférieure à une approche guidée par scanner en ce qui concerne l’efficacité clinique (3). Design de l’étude L’étude TAVR-CMR est une étude prospective, randomisée, en ouvert, de non-infériorité, menée dans deux centres autrichiens. Les patients inclus étaient des patients avec une sténose aortique symptomatique sévère, référés pour un TAVI. Étaient exclus les patients ayant une contre-indication au scanner ou l’IRM cardiaque, moins de 1 an d’espérance de vie, ou une insuffisance rénale de grade 4 ou 5. Les patients inclus étaient randomisés (1:1) entre un TAVI guidé par scanner et un TAVI guidé par IRM. Le critère de jugement principal était la réussite du TAVI à la sortie, défini selon le critère VARC-2 par l’absence de mortalité pendant la procédure, le positionnement correct de la prothèse et la bonne performance de la valve prothétique. Protocole d’IRM cardiaque L’IRM cardiaque était un protocole en respiration libre constitué de deux séquences distinctes (figure 3) : – une séquence 3D haute-résolution non injectée, écho-naviguée sur la respiration du patient, couvrant l’aorte thoracique, et permettant une reconstruction multiplanaire, similairement à un scanner cardiaque. Ces images servaient aux mesures précises de l’anneau aortique et de la distance entre l’anneau et les ostia coronaires ; – une séquence avec injection de gadolinium permettant de couvrir des troncs supra- aortiques jusqu’à la fémorale. Ces images servaient à la mesure des diamètres de l’aorte et les artères iliaques. Les mêmes mesures étaient réalisées sur le scanner injecté pour les patients TAVI guidé par scanner. Figure 3. Exemple d’images IRM et scanner pré-TAVI réalisées chez un même patient montrant (A) la mesure des diamètres de l’anneau aortique et de la distance entre l’anneau et les ostia coronaires sur une IRM sans injection de gadolinium, et (B) la mesure des diamètres des voies d’abord sur une IRM injectée (adapté de Mayr et coll. (4)). Résultats de l’étude Parmi les 267 patients inclus ayant eu un TAVI dans l’étude, 138 (52 %) ont été randomisés dans la stratégie guidée par IRM et 129 (48 %) dans la stratégie de référence guidée par scanner. L’étude n’a pas montré de différence significative de succès de l’intervention entre les deux groupes : 93,5 % dans le groupe IRM vs 90,7 % dans le groupe scanner ( figure 4A, p 0,01 pour la non-infériorité). Il n’y avait pas de différences entre les deux groupes sur la survie à 6 mois (figure 4B). Figure 4. Résultats de l’étude TAVR-CMR : taux de réussite de l’implantation de TAVI (A) et courbes de survie entre les patients guidés par IRM et par scanner (B). Conclusion En conclusion de cette étude randomisée, la stratégie TAVI guidée par une IRM était non inférieure à la stratégie habituelle guidée par scanner, en termes de succès de l’implantation. Les séquences IRM aortiques utilisées sont accessibles sur la plupart des IRM et cette stratégie semble donc généralisable, notamment chez les patients présentant une insuffisance rénale. Messages clés à retenir L’alliance de l’imagerie multimodale et de l’intelligence artificielle pour améliorer la stratification du risque des patients coronariens L’imagerie cardiovasculaire est aujourd’hui multimodale avec l’utilisation complémentaire de l’échocardiographie, du scanner, de l’IRM et de l’imagerie nucléaire pour apporter un diagnostic fiable et rapide aux patients, ainsi qu’une évaluation pronostique (5). Cependant, la multiplicité de ces examens d’imagerie peut rendre la tâche de synthèse plus ardue pour le clinicien, du fait d’un nombre toujours plus grand de paramètres issus des images. La même difficulté apparaît pour construire des modèles de stratification du risque à l’aide de méthodes statistiques traditionnelles. Pour surmonter ces limites, l’intelligence artificielle, et en particulier le machine learning, joue aujourd’hui un rôle de plus en plus important en cardiologie (6). En effet, le machine learning permet de créer des modèles de prédiction de risque à partir de données dites labellisées, c’est-à-dire avec des patients dont le suivi clinique est connu. Contrairement aux approches statistiques traditionnelles, ces techniques ont une meilleure capacité à gérer un grand nombre de variables, sans être limitées par leurs éventuelles interactions complexes non linéaires. Elles semblent donc toutes désignées pour prendre en compte toutes les données provenant de l’imagerie multimodale. Dans cette étude bicentrique menée par l’Institut cardiovasculaire Paris Sud (ICPS, Massy) et l’hôpital Lariboisière (APHP, Paris), les auteurs proposent d’évaluer un modèle de machine learning pour prédire le risque d’événements cardiaques
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