Cœur, vaisseaux et métabolisme : le meilleur de 2023
François DIÉVART, Dunkerque & Éric BRUCKERT, Paris
L’année 2023 a été marquée par plusieurs avancées importantes dans le domaine du cardio-métabolisme. La sélection retenue par le groupe Cœur Vaisseaux et Métabolisme (CVM) de la Société française de cardiologie concerne celles qui déjà ont une portée pratique, même si certaines des stratégies évaluées ne sont pas encore disponibles en France ou sont disponibles, mais non encore prises en charge par la solidarité nationale.
Le groupe CVM créé en 2022 a pour mission de promouvoir l’information, la formation et la recherche sur les composantes métaboliques des maladies du cœur et des vaisseaux. Des domaines sont les lipides, le diabète, l’obésité et l’inflammation.
Lipides L’étude CLEAR-Outcomes : le bénéfice clinique de l’acide bempédoïque démontré L’acide bempédoïque est une nouvelle molécule développée pour diminuer le LDL-Cholestérol (LDL-C). Elle agit sur la synthèse du cholestérol en amont de l’HMG CoA réductase, en inhibant l’ATP citrate lyase. Elle entraîne une augmentation de l’expression du récepteur aux LDL-C et en favorise la dégradation. Elle a donc une action de diminution du LDL-C moindre lorsqu’elle est utilisée en association avec une statine que seule. Enfin, il s’agit d’une prodrogue utilisable en une prise par jour. En mars 2023, les résultats de l’étude pivot d’évaluation de l’effet clinique de cette molécule, l’étude CLEAR Outcomes, ont été présentés et publiés. L’étude Il s’agit d’un essai thérapeutique contrôlé conduit en double aveugle contre placebo, chez des patients intolérants aux statines et à risque cardiovasculaire (CV) élevé. La définition de l’intolérance aux statines a été large et pragmatique incluant des cas avérés d’intolérance, mais aussi une intolérance alléguée par le médecin ou le patient qui refusait de prendre de nouveau une statine ou d’en augmenter de nouveau la dose. En moyenne et à l’inclusion, les 13 970 patients randomisés étaient âgés de 65 ans, 70 % étaient en prévention CV secondaire, le LDL-C était à 1,39 g/L, alors que 22 % recevaient une statine et 11 % de l’ézétimibe. La durée moyenne de l’étude a été de 40,6 mois et le LDL-C a été diminué en moyenne de 21,1 % dans le groupe sous acide bempédoïque par rapport au groupe sous placebo à 6 mois. Au terme de l’étude, sous acide bempédoïque par rapport au placebo (figure 1), il y a eu une réduction significative des événements du critère primaire constitué des décès CV, des IDM et des AVC non fatals et des revascularisations coronaires (HR : 0,87 ; IC95 % : 0,79-0,96 ; p = 0,004) de même qu’il y a eu une réduction significative de l’ensemble des décès CV, IDM et AVC non fatals (HR : 0,85 ; IC95 % : 0,76-0,96 ; p = 0,006). Figure 1. Étude CLEAR Outcomes. La tolérance globale du traitement a été bonne, mais avec, sous acide bempédoïque par rapport au placebo, une plus forte incidence de crises de goutte (respectivement 3,1 vs 2,2 %) et des lithiases vésiculaires symptomatiques (2,2 vs 1,2 %). Analyse Cette étude démontre donc que l’acide bempédoïque est cliniquement bénéfique et bien toléré. Cette molécule peut être associée aux statines, à l’ézétimibe et aux anti-PCSK9. Elle constituera donc une nouvelle option thérapeutique lorsqu’elle sera, souhaitons-le, commercialisée en France. Elle est disponible aux USA avec deux indications principales : traitement de troisième intention de l’hypercholestérolémie en association avec une statine ou l’ézétimibe ou traitement de l’intolérance aux statines. L’étude REPRIEVE : une statine pour améliorer le pronostic de patients séropositifs au VIH L’étude REPRIEVE a été un essai thérapeutique contrôlé conduit en double aveugle contre placebo afin d’évaluer les effets sur le pronostic CV d’une statine, la pitavastatine à 4 mg par jour, chez des patients séropositifs pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), traités par antirétroviraux. Ces patients devaient être en prévention CV primaire et considérés selon les équations traditionnelles de risque comme à risque CV faible à modéré, indépendamment de la valeur de leur LDL-C. À l’inclusion et en moyenne, les 7 769 patients randomisés étaient âgés de 50 ans, le LDL-C était à 1,09 g/L, 40 % étaient noirs ou Américains d’origine africaine et 15 % ont été enrôlés dans des pays d’Afrique subsaharienne. L’étude a été prématurément arrêtée lors d’une analyse intermédiaire pour un bénéfice nettement significatif, la durée moyenne du suivi étant de 5,1 ans. Au terme de ce suivi, il y a eu une réduction significative des décès CV, des IDM, des hospitalisations pour angor instable des AVC et des AIT, des ischémies artérielles périphériques, des revascularisations et des décès de cause non déterminée (critère primaire ; HR : 0,65 ; IC 95 % : 0,48-0,90 ; p = 0,002). Il y a eu aussi une réduction significative des ischémies myocardiques et des IDM (HR : 0,56 ; IC95 % : 0,34-0,90). La tolérance a été globalement bonne avec des symptômes musculaires chez 2,3 % des patients sous pitavastatine et chez 1,4 % des patients sous placebo. Analyse Cette étude a plusieurs intérêts. Elle valide le bénéfice clinique de la pitavastatine, non disponible en France, mais commercialisée dans de nombreux pays depuis 2003 et aux USA, depuis 2009. Elle démontre qu’il est possible d’inclure de conduite un essai thérapeutique de qualité dans des pays d’Afrique subsaharienne et en ayant inclus des patients parfois toxicomanes, ou alcooliques, pouvant avoir une hépatite C et ce avec une bonne observance et une tolérance d’une statine. Elle rend compte qu’il est possible d’améliorer le pronostic CV de patients séropositifs au VIH alors même qu’ils sont considérés à faible risque CV selon les équations de risque usuelles et qu’ils n’ont pas une élévation importante du LDL-C. L’hypothèse envisagée et que la séropositivité au VIH entraîne une inflammation chronique à l’origine d’une augmentation du risque d’IDM multiplié par 2 par rapport au risque fourni par les équations de risque traditionnelles, conférant de fait à ces patients un risque CV élevé. Elle incite donc à proposer une statine aux patients séropositifs au VIH, même si leur risque CV est considéré comme faible à modérée. L’étude STOP-CA : les statines pour prévenir la cardiotoxicité des anthracyclines L’étude STOP-CA a été un essai thérapeutique contrôlé, conduit en double aveugle contre placebo afin d’évaluer si une statine, l’atorvastatine à 40 mg par jour commencé la veille de la première chimiothérapie et poursuivi 1 an, peut diminuer la cardiotoxicité d’un traitement par anthracyclines prescrit chez des adultes atteints d’un lymphome hodgkinien ou non. Les critères évalués à 1 an de suivi moyen étaient des critères intermédiaires : le pourcentage de patients dont la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) a diminué d’au moins 10 % pour descendre en dessous de 55 % en critère primaire, et le pourcentage de patients dont la FEVG a diminué d’au moins 5 % pour descendre en dessous de 55 % en critère secondaire. À l’inclusion et en moyenne, les 300 patients randomisés étaient âgés de 50 ans, 47 % étaient des femmes et la FEVG était à 63 %. À la fin de l’étude, la FEVG était, pour l’ensemble de la population et en moyenne à 58 % et il a eu significativement moins de patients ayant atteint le critère primaire dans le groupe sous statine que dans le groupe sous placebo (9 % vs 22 % ; p = 0,002) comme il y a eu significativement moins de patients ayant atteint le critère secondaire sous atorvastatine que sous placebo (13 % vs 29 % ; P = 0,001). Il n’y a pas eu de différence entre les groupes en matière de survenue d’une insuffisance cardiaque (3 % sous atorvastatine vs 6 % sous placebo ; p = 0,26). Analyse Il s’agit de la première étude qui démontre qu’un traitement simple en l’occurrence une statine peut réduire la toxicité cardiaque des anthracyclines. Dans cette étude, plutôt que de comparer les valeurs moyennes de FEVG en début et fin d’étude entre les groupes, ses auteurs ont comparé les taux de patients qui diminuaient leur FEVG, c’est-à-dire qu’ils ont pris en compte ceux chez lesquels était survenue rapidement une toxicité cardiaque des anthracyclines. C’est peut-être cette méthode qui explique le résultat positif, non constaté dans des essais précédents. Le résultat de cette étude incite à proposer une statine aux patients traités par anthracyclines, mais potentiellement actuellement uniquement si ce traitement est proposé pour un lymphome. Il sera nécessaire de disposer d’autres études pour confirmer la portée réelle de ce résultat constaté dans une population assez faible en nombre et ayant évalué qu’un critère intermédiaire, faute de la puissance suffisante et du recul nécessaire pour évaluer des événements cliniques. Diabète De nouvelles recommandations qui confortent les plus récentes La Société européenne de cardiologie a émis des recommandations à destination principale des cardiologues pour la prise en charge des maladies CV chez les patients ayant un diabète de type 2 (DT2). Elles sont concordantes avec celles émises depuis quelques années par les sociétés savantes américaines et européennes de diabétologie. Les points essentiels en sont les suivants : Dépister systématiquement 3 maladies associées Chez tout patient ayant un DT2, il est nécessaire de savoir s’il est en prévention CV secondaire, ou s’il a une insuffisance cardiaque ou s’il a une maladie rénale chronique parce que, dans ces circonstances il existe des traitements spécifiques qui permettent d’améliorer le pronostic de : les inhibiteurs de la SGLT2 ou gliflozines, les agonistes des récepteurs au GLP1 (ar-GLP1) et en cas de maladie rénale chronique, en sus, la finérénone (qui n’est pas encore disponible à la prescription en France). La maladie rénale chronique est définie par soit un débit de filtration glomérulaire inférieur à 60 mL/min/m 2, soit au moins une microalbuminurie définie par un rapport albuminurie sur créatininurie (RAC) au moins égal à 30 mg/g. Il est donc nécessaire de disposer de ces deux marqueurs lors des consultations de contrôle. Ces recommandations incitent aussi au dosage du NT-proBNP dès qu’il y a un signe ou un symptôme évoquant une insuffisance cardiaque chez un patient ayant un DT2. En leur absence, évaluer le risque CV Si le patient n’a pas au moins une de ces 3 maladies, il faut évaluer son risque CV et une nouvelle grille de risque est proposée, la grille SCORE2-diabetes. Elle reprend les paramètres des grilles SCORE2 et SCORE2-OP, mais en ajoute trois : l’âge du patient lors de la découverte du diabète, la valeur de l’HbA 1c et la fonction rénale évaluée par le DFG. Pour la France, il faut utiliser la grille SCORE2-diabetes adaptée aux pays
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