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HTA

Publié le  Lecture 14 mins

Atteinte des organes cibles chez les hypertendus - Une recherche essentielle

D. ROSENBAUM et X. GIRERD, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris

L'HTA est une maladie le plus souvent asymptomatique. Toute sa gravité provient de ce qu'elle atteint à bas bruit et de façon tout aussi asymptomatique de nombreux organes (rein, cerveau, cœur, œil, artères) jusqu'au jour où une complication viscérale (AVC, infarctus, néphropathie) survienne chez un sujet non dépisté ou non traité.
Ces dommages se développent plus ou moins lentement pour chaque sujet mais d'autant plus vite que l'HTA n'est pas contrôlée et en cas de retard au diagnostic d'HTA, l'atteinte des organes est parfois présente dès le début de la prise en charge. En pratique, la recherche d'AOC est conditionnée par l'importance pronostique de l'atteinte, sa prévalence et sa facilité de détection. On peut aussi différencier celles à diagnostiquer chez tous les sujets, par un bilan minimal et celles demandant des examens qui ne seraient pas réalisés chez tous les patients : écho-Doppler ou analyse de la vitesse de l'onde de pouls.

Intérêts de la recherche d'atteinte d'un organe cible L'atteinte des organes cibles (AOC) est une recherche essentielle car elle conditionne la prise en charge du patient hypertendu. En effet, elle permet de déterminer : -le niveau de risque cardiovasculaire global et le pronostic, -le moment de la mise en route des traitements, -la thérapeutique appropriée, la fréquence du suivi. Définition du niveau de risque cardiovasculaire global Un haut risque cardiovasculaire absolu est défini arbitrairement par la probabilité d'au moins 20 évènements cardiovasculaires en 10 ans pour 100 patients. En 2007 (1) puis lors de leur réactualisation en 2009 (2), les recommandations européennes pour la prise en charge des patients hypertendus recommandent de classer les patients présentant une AOC clinique ou infra clinique d'emblée dans la catégorie haut risque. En effet, les données provenant d'études prospectives semblent attester la valeur pronostic péjorative d'une AOC infra cliniques. Paramètres associés à un risque cardiovasculaire global > 20 % à 10 ans : - hypertrophie ventriculaire gauche à l'échographie, surtout si concentrique - épaisseur intima média> 1,06 mm ou> 1,16 mm - présence d'une plaque carotidienne - Vitesse de l'onde de pouls > 12m/s - Index de pression systolique 0,9 - Créatinine > 1,5 mg/dl ou 130 micromol/l - Micro albuminurie Implications thérapeutiques Toujours selon les recommandations, la présence d'une AOC, classe un patient dans la catégorie de haut risque cardiovasculaire. Il en découle donc la décision de la mise sous traitement médicamenteux d'emblée, dès la confirmation du diagnostic. Par ailleurs, la présence de 2 AOC selon les recommandations de l'ESH doit théoriquement faire considérer un traitement médicamenteux si la pression artérielle est normale à haute, c'est-à-dire entre 130/139 mmHg pour la systolique et 85/89 mmHg pour la diastolique mais cette recommandation n'est pas celle d'autres instances en particulier de l'HAS (3) en France ou du NICE (4) au Royaume-Uni. En ce qui concerne le traitement lui-même, la présence d'AOC cliniques ou infracliniques influe sur la thérapeutique employée (tableau). Le niveau de risque global conditionne aussi implicitement la fréquence du suivi avec des consultations espacées au maximum d'un an chez un patient hypertendu à faible risque et bien contrôlé. Il n'existe pas de rythme de consultation optimal conseillé à l'heure actuelle. Il doit se définir au cas pas cas mais il est évident que la présence de complications symptomatiques de l'hypertension doit faire accentuer la fréquence du suivi. Figure 1. HVG électrique. Figure 2. HVG échographique en mode TM. Définition d'une atteinte d'un organe cible Les dommages viscéraux causés par l'hypertension intéressent plus spécialement le cerveau, le cœur et le rein mais aussi d'autres territoires artériels comme l'œil ou les membres inférieurs. Ils peuvent être symptomatiques ou infracliniques. Recherche d'atteinte des organes cibles lors du diagnostic d'HTA Bilan systématique (1,2) Lors de la découverte d'une HTA, les sociétés savantes recommandent la recherche systématique d'une AOC afin de déterminer la stratégie de la prise en charge. La recherche d’AOC passe d’abord par l’interrogatoire et l’examen clinique : Signes cliniques suggestifs d'une atteinte des organes cibles : - cerveau: souffles carotidiens, déficit moteur ou sensitif neurologique focal, troubles cognitifs ; - cœur: élargissement et déviation du choc de pointe, troubles du rythme, galop, souffle systolique éjectionnel (hypertrophie obstructive), râles pulmonaires, œdèmes périphériques ; - artères périphériques: absence, diminution, ou asymétrie des pouls, extrémités froides, lésions cutanées d'allure ischémique, souffles systoliques carotidiens ; - œil : anomalies visuelles. En plus de l'évaluation clinique, la prise en charge initiale d'un patient hypertendu nouvellement diagnostiqué doit comprendre la réalisation d'un bilan minimal à la recherche d'AOC. Ce bilan comporte systématiquement : - un ECG de repos ; - un dosage de créatinine avec estimation du débit de filtration glomérulaire par MDRD ou de la clairance de la créatinine selon Gault et Cockroft ; - une bandelette urinaire complétée par la recherche d'une microalbuminurie et d'un examen microscopique du sédiment urinaire (surtout chez les patients diabétiques). Bilan recommandé (2) Au-delà de ce bilan « obligatoire», la recherche d'AOC se fait au cas par cas : - soit guidée par la clinique en présence de points d'appels tels que des souffles vasculaires ou des anomalies électriques à l'ECG ; - soit en fonction de la disponibilité des appareils et la maîtrise des techniques. Ainsi, certains examens sont recommandés lors d'une évaluation initiale : - échographie cardiaque à la recherche d'une hypertrophie myocardique, d'un trouble de la relaxation (figure 3), d'une dilatation auriculaire, d'une anomalie de la cinétique segmentaire, d'une obstruction ; - échographie des troncs supra aortiques couplée au Doppler pour la recherche de plaques athéromateuses et l'analyse de l'épaisseur intima média. Les valeurs normales varient en fonction du sexe et augmentent avec l'âge. Une élévation de l'épaisseur intima média a régulièrement été corrélée avec une augmentation des évènements ischémiques. Sa mesure est simple et bien standardisée ; - mesure de l'index de pression systolique cheville/bras dont l'abaissement en dessous de 0,9 témoigne d'une artériopathie oblitérante des membres inférieurs (figure 4) ; - dosage de la protéinurie si détectée à la bandelette; fond d'œil si HTA de grade 3 ou si diabète associé ; - la mesure de la vitesse de l'onde de pouls à la recherche d'une accélération >12 mis témoignant d'une rigidité artérielle accrue est elle aussi recommandée si la technique est disponible. Figure 3. Doppler tissulaire mitral normal. Figure 4. Mesure de l’IPS. Autres bilans spécialisés (2) Au-delà du bilan « systématique » et du bilan « recommandé», il existe d'autres examens pouvant évaluer le retentissement viscéral de l'hypertension. Ils ne sont pas recommandés pour l'instant en pratique clinique étant donné leur faible disponibilité et/ou leur rentabilité diagnostique ou pronostique non encore démontrée. Evaluation vasculaire Il s'agit notamment de l'exploration de la fonction endothéliale par exemple en étudiant la vasomotricité liée aux modifications de débit sanguin dans l'artère brachiale. Cette technique est actuellement réalisée dans des centres spécialisés. Il existe d'autres méthodes non invasives telle que celle de la mesure du ratio media/lumière au niveau des artérioles rétiniennes (actuellement en évaluation) ainsi que celle plus diffusée mais nécessitant une compétence technique et un appareil relativement coûteux de l'estimation de l'index d'amplification et de la pression artérielle centrale par la tonométrie d'aplanation au niveau radial ou carotidien (figure 5) . Figure 5. Mesure de la distensibilité artérielle par tonométrie d’aplanation. L'index d'amplification est un indice de rigidité artérielle dérivé de la courbe de pression artérielle durant la systole. Il augmente avec la rigidité artérielle et a été corrélé à une morbidité cardiovasculaire plus élevée. La mesure de la pression artérielle centrale est dérivée elle aussi de la courbe de pression artérielle radiale ou carotidienne selon différents algorithmes mathématiques. De même que l'index d'amplification, une pression artérielle centrale élevée a été corrélée à un moins bon pronostic cardiovasculaire. Evaluation cérébrale L'IRM cérébrale peut participer quant à elle à l'évaluation du retentissement cérébral. Elle permet en effet de découvrir des lésions silencieuses comme des hypersignaux T2 de la substance blanche qui seraient, selon certaines études, d'une prévalence supérieure aux atteintes rénales ou myocardiques. Ce retentissement cérébral a été relié non seulement au pronostic cardiovasculaire global mais aussi à la survenue d'une démence vasculaire. Si la réalisation d'une IRM cérébrale dans le bilan d'HTA n'est pas indiquée actuellement, son innocuité, sa facilité d'accès grandissante et les études en cours vont peut être faire changer cette indication. Evaluation inflammatoire La mesure de biomarqueurs inflammatoires tels que la CRPus ou la Lp-PLA2 (5) est intéressante dans la stratification du risque cardiovasculaire et ont été évalués de façon prospective dans diverses études de cohorte. Différents algorithmes de prédiction du risque cardiovasculaire utilisant des paramètres inflammatoires en addition des équations traditionnelles ont été étudiés (6). En particulier la mesure de la Lp-PLA2 apportait un élément de stratification du risque cérébral en plus du niveau tensionnel dans l'étude ARIC (7). Cependant, la mesure de ces paramètres n'est pas encore validée dans la population des patients hypertendus et n'est pas recommandée à l'heure actuelle. Evaluation cardiaque En ce qui concerne l'hypertrophie ventriculaire, si l'examen le plus simple et le plus accessible est l'échographie cardiaque, l'IRM cardiaque est maintenant le gold standard pour l'étude du myocarde. Elle permet la mesure exacte (et non dérivée d'équations) de la masse ventriculaire qui est reproductible et non opérateur dépendante. Son coût, sa lenteur et sa faible disponibilité la rende bien évidemment un examen de seconde intention face à l'écho dans l'évaluation de la masse VG (figure 6) . Figure 6. HVG objectivée par l'IRM. Si le test d'effort et, plus globalement tous les tests d'ischémie ont leur place dans le suivi (cf. infra) du patient hypertendu, on retiendra dans les dernières recommandations américaines sur l'évaluation et la prise en charge des patients à risque cardiovasculaire ainsi que dans l'avis d'experts SFC/SFR (8) sur l'imagerie cardiaque, l'utilité de la réalisation d'un score calcique (CAC score) dans la stratification du risque des patients à risque modéré ou faible (8,9). En effet, dans

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