Le blocage combiné tire une première justification de la nécessité de réaliser un blocage complet du système rénine-angiotensine qui ne peut être fait par l’un ou l’autre des inhibiteurs. Ce blocage complet a montré des effets bénéfiques dans la prise en charge de l’HTA, de l’insuffisance cardiaque et en termes de néphroprotection.
Le blocage du système rénine-angiotensine (SRA) avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou les antagonistes des récepteurs AT1 (ARA) est devenu une des approches thérapeutiques majeures en médecine.
Le blocage du SRA : une avancée majeure Lorsqu’a été synthétisé le premier IEC en 1976, l’implication du système rénine-angiotensine en parallèle avec le bilan sodé est devenue une approche thérapeutique dans l’hypertension artérielle aussi importante que l’inhibition du système nerveux sympathique. Les IEC ont été un outil pharmacologique pratique pour tester les hypothèses suivantes : le système rénine-angiotensine participe à la régulation de la pression artérielle de tous, en fonction du bilan sodé ; il peut avoir un rôle vasculotoxique propre. L’utilisation des IEC, en particulier en association avec la prescription de faibles doses de diurétiques (6,25 à 25 mg d’hydrochlorothiazide) a très rapidement démontré son efficacité antihypertensive, avec une excellente tolérance comparativement aux médicaments antihypertenseurs classiques. Le succès du blocage du système rénine-angiotensine dans le traitement de l’hypertension artérielle et des pathologies cardio-vasculaires et rénales est aujourd’hui incontestable. En pathologie rénale Cette thérapeutique réduit le débit de protéinurie, retarde l’apparition d’une insuffisance rénale et ralentit sa progression chez les patients ayant une néphropathie protéinurique chronique d’origine diabétique ou non. En pathologie cardio-vasculaire L’utilisation de bloqueurs du système rénine-angiotensine réduit la morbidité et la mortalité cardio-vasculaires chez des patients ayant une insuffisance cardiaque ou une dysfonction ventriculaire gauche, et chez les patients ayant eu un infarctus du myocarde. De plus, une forte dose d’IEC (ramipril 10 mg) diminue l’incidence de la mortalité de toutes causes comme celle des événements cardio-vasculaires et des accidents vasculaires cérébraux chez des patients à haut risque cardio-vasculaire, ainsi que l’a montré l’essai HOPE ( Heart Outcomes Prevention Evaluation study). De nombreux mécanismes sont susceptibles de contribuer aux effets bénéfiques des médicaments bloquant le système rénine-angiotensine, tels que les conséquences hémodynamiques de la neutralisation des effets de l’angiotensine II, et de la neutralisation des effets de l’angiotensine II au niveau tissulaire sur la génération de facteurs de croissance, de radicaux libres et de médiateurs de la fibrose. Le concept du blocage combiné Un IEC, administré à dose usuelle en monoprise quotidienne, ne supprime pas totalement les concentrations d’angiotensine II tout au long du nycthémère, en particulier 24 heures après la prise du médicament. De façon similaire, les doses usuelles des ARA en monoprise quotidienne ne bloquent pas les récepteurs AT1 pendant 24 heures. Ces deux notions ont conduit au concept du blocage combiné du système rénine-angiotensine par la combinaison d’un IEC et d’un ARA. Échappement biologique après administration d’un IEC ou d’un ARA L’échappement biologique observé après administration d’un IEC ou d’un ARA en monoprise quotidienne est dû à la conjonction de deux phénomènes : - d’une part, l’élimination progressive du médicament à la fin de l’intervalle entre deux prises ; - d’autre part, l’augmentation de la rénine dans le plasma consécutive à l’interruption du feedback négatif de l’angiotensine II sur la sécrétion de rénine. Cette augmentation réactive de la rénine, qui est une contre-régulation, augmente les concentrations d’angiotensine I en présence d’un IEC, ou d’angiotensine II en présence d’un ARA. De plus, il existe d’autres voies métaboliques, indépendantes de l’enzyme de conversion qui génèrent de l’angiotensine II, en particulier tissulaire, dont les effets ne sont pas bloqués par les IEC. Parmi ces enzymes, la chymase cardiaque serait particulièrement impliquée, surtout au cours de l’insuffisance cardiaque. Ces deux phénomènes, élimination du médicament et contre-régulation, expliquent pourquoi, malgré la persistance biologique d’une inhibition de l’enzyme de conversion, on observe une atténuation de la réponse tensionnelle aux IEC 24 à 48 heures après la dernière prise, cette atténuation étant parallèle au retour aux valeurs initiales des concentrations d’angiotensine II. Cette contre-régulation est en partie la raison pour laquelle la courbe dose-réponse des IEC sur la pression artérielle chez les patients hypertendus est plate. Le même raisonnement s’applique aux patients ayant une insuffisance cardiaque : un blocage incomplet du système rénine-angiotensine contribue à une détérioration progressive de la fonction ventriculaire gauche chez ces patients, malgré l’administration d’un IEC à dose recommandée. Avantages du blocage combiné Ainsi, en raison de contre-régulations internes au système rénine-angiotensine, le blocage complet de ce système n’est, a priori, pas possible si l’on ne vise qu’un seul de ces composants. Au lieu d’augmenter les doses d’un IEC ou d’un antagoniste de l’angiotensine II, le blocage du système à deux niveaux successifs, en neutralisant la contre-régulation interne, pourrait permettre d’obtenir un blocage plus complet et donc des effets biologiques plus marqués. À première vue, l’addition de deux médicaments bloquant le système rénine-angiotensine à deux niveaux différents par un IEC et un antagoniste des récepteurs AT1 n’est pas un choix logique pour augmenter l’efficacité d’un traitement basé sur l’une ou l’autre stratégie. Chez l’hypertendu, l’avantage d’une telle approche, serait un accroissement d’efficacité thérapeutique par rapport à l’augmentation de la dose de chacun des composés administrés seuls et la limitation des effets liés à l’augmentation réactive de la rénine. Un avantage théorique d’une telle approche serait aussi de neutraliser en partie une stimulation excessive des récepteurs AT2 dont les conséquences ne sont pas encore précisément connues. Démonstration du concept du blocage combiné Comme prérequis aux études cliniques réalisées chez les patients hypertendus ou insuffisants cardiaques, les effets biologiques du blocage combiné du système rénine-angiotensine ont été étudiés dans un modèle d’investigation clinique (déplétion sodée légère du sujet normotendu). Ce modèle de déplétion sodée, induit par la combinaison d’une dose unique de 40 mg de furosémide et d’un régime sans sel, permet d’augmenter les taux de base de rénine active, d’aldostérone et des angiotensines par un facteur 2 à 3. Il réalise des conditions optimales pour démontrer une rénine-dépendance de la pression artérielle chez des sujets normotendus. Effets du blocage combiné Ainsi, l’administration combinée en prise unique de captopril 50 mg et de losartan 50 mg a un effet additif sur la baisse de pression artérielle et la sécrétion de rénine. Aucun effet additif n’a été observé sur les taux plasmatiques d’aldostérone. L’administration de l’IEC neutralise l’augmentation attendue des taux plasmatiques d’angiotensine II due à l’antagonisme des récepteurs AT1. Une deuxième étude, réalisée selon le même plan expérimental, a montré que l’administration combinée d’une dose unique de losartan 50 mg et d’énalapril 10 mg a un effet plus puissant sur la baisse de pression artérielle et sur la sécrétion de rénine que le doublement de la dose d’énalapril de 10 mg à 20 mg. Les taux circulants d’angiotensine II restent faibles du fait de l’inhibition de l’enzyme de conversion, ce qui montre la neutralisation de la contre-régulation interne du système. L’augmentation massive de rénine dans le plasma est aussi le témoin d’un blocage plus complet du système rénine-angiotensine dans ce modèle expérimental. Absence d’effet sur l’aldostérone Contrastant avec les effets en termes de libération de rénine et de baisse de pression artérielle, aucun effet additif n’a été décelé concernant l’aldostérone plasmatique dans les deux études. La sécrétion d’aldostérone est régulée par de multiples autres facteurs que le système rénine-angiotensine. Cette absence d’effet additif sur la sécrétion d’aldostérone pourrait diminuer le risque d’hypoaldostéronisme et d’hyperkaliémie lors de l’administration chronique de ce type de combinaison chez les patients. Mais ce fait reste à démontrer, en particulier en présence d’une insuffisance rénale ou d’une néphropathie diabétique, où les risques d’hypoaldostéronisme sont plus élevés. Effets du blocage combiné dans les modèles expérimentaux d’HTA Toutes les possibilités de combinaison d’un IEC (énalapril) et d’un ARA (losartan) ont été testées chez le rat spontanément hypertendu en utilisant une échelle de doses allant de 1 à 30, permettant de montrer des effets synergiques du blocage combiné sur la baisse de pression artérielle, la libération de rénine et la baisse d’angiotensinogène. De plus, cette étude a permis de montrer les effets bénéfiques du blocage combiné sur le poids du ventricule gauche et ses effets néfastes sur la survenue d’une insuffisance rénale fonctionnelle réversible quand le blocage du système rénine-angiotensine est trop complet. En bref Sur la base des résultats obtenus chez les sujets normotendus et sur des groupes d’animaux hypertendus homogènes, on peut conclure que la combinaison de faibles doses d’un antagoniste des récepteurs AT1 et d’un IEC est plus efficace en termes de diminution de la pression artérielle que des doses plus élevées de chacune des drogues administrées individuellement. Il faut noter que la réponse tensionnelle au blocage combiné apparaît comme limitée chez l’animal. En effet, lorsqu’on augmente la posologie de l’IEC ou de l’ARA vers des doses maximales bloquant le système rénine-angiotensine, l’amplitude de l’effet synergique de la combinaison sur la baisse de pression artérielle est réduite. Conséquences biochimiques du blocage combiné par un IEC et un ARA Le blocage combiné du système rénine-angiotensine associe les conséquences biochimiques de l’inhibition de l’enzyme de conversion et du blocage des récepteurs AT1. Bien que la combinaison induise une plus forte libération de rénine que l’administration de chacun des deux médicaments en monothérapie, l’IEC peut influer
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