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Études

Publié le  Lecture 11 mins

L’insuffisance cardiaque à l’AHA 2010 : les essais de la nouvelle vague

J.-N. TROCHU, CHU de Nantes

La nouvelle vague évoque, pour certains, cinéma (F. Giroud, L’Express, 3 octobre 1957), musique (The Cure, 1979), littérature (Alain Robbe-Grillet, 1957) ou surf selon ses points d’intérêts. Concernant la saga du traitement de l’insuffisance cardiaque (IC), l’édition 2010 des sessions scientifiques de l’AHA a lancé une nouvelle vague d’essais qui s’intéressent aux deux extrémités de la classification NYHA : classe 2 et insuffisance cardiaque avancée.

Dominés par la puissance des effets thérapeutiques des IEC, bêtabloquants et antagonistes de l’aldostérone, seuls les antagonistes de l’angiotensine II avaient ces dernières années pu se frayer un chemin dans le club restreint des médicaments recommandés pour le traitement de l’insuffisance cardiaque (2003). Il faut remercier les électrophysiologistes de nous avoir apporté un peu de fraîcheur dans ce paysage déserté en nous montrant que l’usage raisonné d’une resynchronisation et d’un défibrillateur en prévention primaire apporte un bénéfice. L’adaptation des critères primaires combinant mortalité et réhospitalisations n’avait pas permis jusqu’à l’ESC 2010 de générer de tapage scientifique autour de nouvelles molécules. L’étude SHIFT présentée en septembre 2010 qui démontrait les bénéfices d’une réduction élective de la fréquence cardiaque par l’ivabradine a donné le signal de sortie d’un cycle d’essais cliniques neutres. L’édition 2010 des sessions scientifiques de l’AHA a permis de surfer sur ce succès mais en allant chercher de nouvelles vagues chez les patients en classe 2 et les patients en IC avancée. Les patients en classe 2 représentent un contingent important de patients insuffisants cardiaques Ces longues vagues de fond ne sont pas les plus spectaculaires mais peuvent être difficiles à négocier. Félicitons Faiez Zannad et toute son équipe qui ont cru dans le potentiel de l’antagonisme de l’aldostérone et se sont investis dans ce projet jusqu’au bout. L’enjeu n’était pas gagné d’avance car démontrer un effet chez des patients stables âgés de plus de 55 ans et paucisymptomatiques s’avérait risqué. EMPHASIS-HF L’étude EMPHASIS-HF démontre que traiter par l’éplérénone les patients ayant une FEVG 30 %, en classe 2 de la NYHA, réduit très précocement le critère combiné hospitalisation pour IC ou décès de cause cardiovasculaire (RR 37 %), la mortalité toutes causes (24 %), le nombre d’hospitalisations toutes causes (23 %) et pour insuffisance cardiaque (42 %). Les patients de l’étude étaient âgés de 69 ans en moyenne, avaient une cardiopathie d’origine ischémique dans 69 % des cas, une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) égale à 26 %, et recevaient un traitement optimisé (bêtabloquant 87 %, IEC ou ARA2 93 %). La randomisation devait avoir lieu dans un délai de 6 mois suivant une hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Les patients qui n’avaient pas été hospitalisés pouvaient être inclus si le taux plasmatique de BNP atteignait au moins 250 pg/ml, ou 500 pg/ml chez l’homme ou 750 pg/ml chez la femme pour le NT-proBNP. Les critères d’exclusion principaux étaient l’infarctus récent, les patients en classe NYHA 3 ou 4, une kaliémie dépassant 5,0 mmol/l, une filtration glomérulaire 30 ml/min/1,73 m 2. Le bénéfice clinique a été obtenu avec un risque deux fois plus élevé d’hyperkaliémie comparativement au groupe placebo mais qui n’a pas conduit à davantage d’arrêts de traitement, ce qui souligne la nécessité de la surveillance et d’adapter les doses au cours du suivi. En revanche, le risque d’hypokaliémie a été divisé par 2. Cette étude vient donc confirmer avec RALES et EPHESUS l’efficacité des antialdostérones dans le traitement de l’IC chronique congestive aux stades 2, 3 et 4 de la NYHA, quelle que soit la cause. Des approches mécanistiques sont nécessaires pour expliquer les modes d’action de l’éplérénone mais EMPHASIS place désormais les antialdostérones en première ligne des traitements de l’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique. RAFT L’étude RAFT est un travail randomisé contrôlé qui a évalué l’intérêt d’associer une resynchronisation cardiaque par stimulation biventriculaire lors de l’implantation d’un défibrillateur chez 1 798 patients en classe 2 et 3 avec altération de la FEVG (≤ 30 %) et QRS > 120 ms (patients recrutés au Canada, en Europe, Turquie et Australie). L’objectif primaire était d’observer la réduction du critère combiné décès toutes causes ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque. À noter qu’après la parution des résultats de CARE-HF et des nouvelles recommandations soulignant la réduction de mortalité obtenue par la resynchronisation chez les patients en classe 3, le protocole a été révisé en février 2006 pour n’inclure que des patients en classe 2. Le suivi a été de 40 ± 20 mois pour tous les patients et 44 ± 18 mois pour les survivants. Le taux de succès d’implantation dans le groupe ICD-CRT était de 94,7 %. L’âge moyen était de 66 ans, la FEVG de 23 %, l’origine ischémique de l’IC dans 66 % des cas ; 35 % avaient été hospitalisés pour IC dans les 6 mois, 13 % avaient une fibrillation auriculaire (FA) permanente, la durée moyenne du QRS était de 158 ms pour les patients non stimulés et de 208 ms pour les patients déjà stimulés ; 72 % avaient un bloc de branche gauche (BBG). Les patients étaient traités de façon optimale : 89 % recevaient un bêtabloquant, 96 % un IEC ou un ARA2, 42 % de la spironolactone et 84 % un diurétique. L’objectif primaire a été significativement réduit (-25 %) dans le groupe ICD-CRT en comparaison du groupe ICD seul, avec un résultat concordant dans les analyses en sous-groupes (classe 3 et classe 2). Par ailleurs, on a observé une diminution de 25 % de la mortalité globale, de 24 % de la mortalité cardiovasculaire, de 32 % des réhospitalisations pour IC. Il existait une interaction significative entre le traitement et la durée du QRS, la stratégie ICD-CRT étant plus efficace chez les patients avec une durée du QRS ≥ 150 ms par rapport aux patients avec une durée de QRS 150 ms ou un QRS stimulé ≥ 200 ms. En cas de BBG, le bénéfice était plus important. Enfin, davantage de complications ont été observées dans le groupe ICD-CRT (13 % vs 7 %), en particulier plus d’infections et de déplacements de sonde. Cette étude vient donc renforcer les résultats de la resynchronisation sur la réduction de morbi-mortalité chez les patients en classe 2 de la NYHA ayant une altération de la fonction systolique ventriculaire gauche avec des QRS élargis. SMART AV Afin de comparer l’efficacité de trois stratégies d’optimisation du délai auriculoventriculaire en cas de resynchronisation, l’étude SMART AV (K.A. Ellenbogen, DOI: 10.1161/CIRCULATIONAHA.110.992552) a randomisé 980 patients insuffisants cardiaques implantés d’un resynchronisateur cardiaque CRT, soit avec un délai fixe de 120 ms, soit par optimisation échocardiographique, soit grâce à l’algorithme SmartDelay développé par la société Boston. Le critère principal était le remodelage inverse à 3 et 6 mois par la mesure du volume télésystolique ventriculaire gauche. Les critères secondaires étaient la classe NYHA, la qualité de vie, le test de marche de 6 minutes, le volume télédiastolique ventriculaire gauche et la fraction d’éjection. La diminution médiane du volume télésystolique à 6 mois était de 21 ml pour le groupe SmartDelay, 19 ml le groupe échocardiographie, et 15 ml pour le groupe avec un délai AV fixe sans différence significative. Il n’a pas non plus été observé de différence significative pour les objectifs secondaires. Les auteurs de cette étude proposent plusieurs explications pour tenter de comprendre ces résultats négatifs : le réglage en position allongée perd peut-être de sa pertinence en position debout ; le gain d’un réglage personnalisé est sans doute minime et ne peut pas être mis en évidence par les techniques utilisées et n’apporterait finalement pas d’amélioration clinique significative. La voie moyenne d’un délai fixe de 120 ms devrait donc pouvoir être retenue dans la majorité des cas, ce qui permettra de gagner un temps précieux en consultation mais, chez les non-répondeurs, il reste à notre avis nécessaire de réévaluer les patients et tenter de proposer des réglages personnalisés. PROTECT Cette étude a tenté de répondre à l’intérêt d’une optimisation du traitement médicamenteux de l’IC basée sur les dosages de peptide natriurétiques. Malgré son faible effectif et son caractère monocentrique, elle est importante car les résultats des différents essais divergent : l’étude Stars-BNP montrait un bénéfice d’une stratégie de suivi et d’adaptation des traitements basée sur les dosages itératifs de BNP alors que les études PRIMA et TIME-CHF ne montraient pas d’intérêt significatif. L’étude PROTECT a randomisé 151 patients avec dysfonction systolique (FEVG 40 %), en classe 2 à 4 de la NYHA, avec un antécédent d’événement pour IC (hospitalisation pour IC, augmentation ambulatoire des diurétiques dans les 6 mois précédents) afin d’évaluer l’intérêt d’une optimisation thérapeutique basée sur des objectifs de NT-proBNP 1 000 pg/ml. L’âge moyen était de 63 ans, 87 % des patients étaient en classe 2 et 3 de la NYHA, la FEVG moyenne de 27 %, 57 % avaient une cardiopathie ischémique. L’étude a été arrêtée prématurément quand l’analyse intermédiaire préspécifiée a démontré, dans le groupe NT-proBNP, une réduction significative du critère primaire (tous les événements cardiovasculaires incluant mortalité cardiovasculaire, aggravation de l’IC, hospitalisations pour IC, syndromes coronaires aigus, arythmies ventriculaires, ischémie cérébrale) sur un suivi de 10 mois (p = 0,019) avec un hazard ratio de 0,44 (IC95 % : 0,22-0,84) après ajustement sur l’âge, la FEVG, la classe NYHA et la fonction rénale ; 44 % des patients du groupe témoin NT-proBNP avaient atteint l’objectif. Le critère primaire était encore plus marqué chez les sujets les plus âgés (> 75 ans). On observait par ailleurs une augmentation significative de la qualité de vie, de la FEVG, une diminution des volumes télésystolique et télédiastolique VG dans le groupe NT-proBNP sans augmentation des effets secondaires. L’utilisation d’aldostérone était significativement augmentée et les diurétiques diminués au terme du suivi. Il s’agit d’une étude d’un faible effectif, monocentrique réalisée par des spécialistes du suivi des insuffisants cardiaques et ceci explique probablement l’arrêt des diurétiques chez des

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