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Cardiologie générale

Publié le  Lecture 12 mins

Éducation thérapeutique en cardiologie : usine à gaz ou fil à couper le beurre ?

P. JOURDAIN, F. FUNCK et J. LOIRET, unité thérapeutique d’insuffisance cardiaque (UTIC), École du cœur, club cœur et santé de la région de Pontoise, centre hospitalier de Pontoise

Au pays de Jules Ferry et de l’éducation obligatoire pour tous, l’éducation thérapeutique à destination des patients a longtemps été peu développée car considérée, pour plusieurs raisons, comme aussi peu utile que gratifiante… loin des grands discours de certains décideurs… À la suite de nombreux travaux, en particulier scandinaves, et d’autres spécialités comme la diabétologie et la pneumologie, la cardiologie a pris conscience de l’importance que revêtait la formation des patients. Plusieurs projets d’éducation thérapeutique ambitieux ont vu le jour, suscitant un grand engouement. Pour autant, cette notion d’éducation reste assez mystérieuse voire fantasmatique et sa mise en place reste très inégale. En paraphrasant Molière, grand éducateur de son temps, « faisons-nous tous de l’éducation thérapeutique sans le savoir ? ».

Définition Selon l’Organisation mondiale de la santé, « L’éducation thérapeutique du patient devrait permettre aux patients d’acquérir et de conserver les capacités et les compétences qui les aident à vivre de manière optimale leur vie avec leur maladie. Il s’agit par conséquent d’un processus permanent, intégré dans les soins, et centré sur le patient. L’éducation implique des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage de l’auto-gestion et de soutien psychologique concernant la maladie, le traitement prescrit, les soins, le cadre hospitalier et de soins, les informations organisationnelles, et les comportements de santé et de maladie ; elle vise à aider les patients et leurs familles à comprendre la maladie et le traitement, coopérer avec les soignants, vivre plus sainement et maintenir ou améliorer leur qualité de vie ». État des lieux Faisons-nous de l’éducation thérapeutique en France ? Si l’on pose la question sous forme de sondage, la grande majorité d’entre nous estime faire de l’éducation thérapeutique auprès de ses patients. Or, dans la plupart des cas, il y a confusion entre l’information thérapeutique qui est transmise aux patients et l’éducation thérapeutique qui elle a prouvé, dans de nombreuses études concordantes, son efficacité et qui répond à certains critères minimaux. L’information thérapeutique que nous réalisons tous au quotidien consiste à donner une information médicale et d’hygiène de vie au patient, domaine dans lequel notre formation s’est faite le plus souvent à l’écoute de nos maîtres ou sur le terrain au contact des patients et de leurs familles. Pour autant, ces informations ne sont pas de l’éducation thérapeutique, ce qui ne leur enlève d’ailleurs pas leur importance. En effet, dans ce type de formation, le patient est placé dans un rôle très passif ; l’information distribuée n’est pas strictement adaptée à sa pratique et à son vécu. De même, le temps de « l’échange » reste très limité en raison des contraintes d’emploi du temps, ce qui est une des premières doléances des patients, comme on peut le lire à longueur d’année dans la presse grand public ou le ressentir en tant que patient. L’éducation thérapeutique a longtemps été considérée comme étant l’apanage des paramédicaux pour ces raisons suivantes. Le manque de moyens dévolus à cette forme de soins Encore actuellement, nombreux sont ceux qui ne voient en elle qu’un gadget en plus des traitements médicamenteux. Or, le fossé existant entre la prescription et la prise réelle des traitements dans la vie réelle doit relativiser nos certitudes. Il est assez simple de comprendre que l’on ne prend régulièrement qu’un traitement en lequel on a confiance et dont on connaît l’influence positive ou négative. Nos gouvernants successifs n’ont pas eu plus de prescience en n’accordant jusqu’à présent aucune valeur « financière » au processus d’éducation thérapeutique en cardiologie, encore que cela pourrait bientôt changer. L’absence de considération accordée à cette forme du soin En effet, l’éducation thérapeutique n’est pas un élément porteur, car peu technique et peu innovant dans son design (encore que…). Le nombre d’articles parus dans la littérature internationale cardiologique concernant et surtout détaillant l’éducation thérapeutique est ridiculement faible comparé à celui concernant l’échographie ou les traitements bêtabloquants. Le manque de moyens, de motivation et de créneau porteur sur le plan financier ou personnel a conduit les cardiologues à un investissement réduit vis-à-vis de l’éducation des patients. Un certain « pharisaïsme » des spécialistes en éducation thérapeutique En effet, jusqu’à une récente ouverture vis-à-vis des cardiologues, les formateurs « professionnels » semblaient souvent un peu déconnectés de la pratique cardiologique habituelle. À lire les opuscules de formation disponibles, la formation des patients nécessitait des moyens humains, financiers et pratiques tout à fait hors de proportion avec les possibilités des quatre cinquièmes des services de cardiologie français. La seule durée des formations proposées nécessitant une hospitalisation des patients uniquement compatibles avec un long séjour en centre de convalescence, situation difficilement acceptable pour le système de soin et les patients actifs. Le développement de l’éducation thérapeutique passe par la diffusion de son message, diffusion uniquement envisageable au prix d’une simplification ne conservant que la substantifique moelle. Or, l’éducation thérapeutique doit faire partie de la démarche de soin du médecin comme de celle du paramédical au sens large. Elle ne peut concerner qu’une partie de l’équipe de soins et doit impliquer le prescripteur et gestionnaire, donc en France le médecin, sans quoi elle restera la plupart du temps du domaine du vœu pieux. L’éducation thérapeutique, c’est possible ! Pourquoi en faire ? Pour le patient certes, mais pas seulement ! L’éducation thérapeutique est utile sur plusieurs plans. Sur le plan médical Elle permet d’augmenter la compliance (élément toujours sous-estimé par les praticiens) et d’améliorer le suivi. Elle permet également de diminuer la morbidité du moins dans l’insuffisance cardiaque. Les données restent encore discutées pour ce qui est des syndromes coronariens aigus, même si celles obtenues chez les patients diabétiques sont extrêmement positives. Sur le plan financier Elle permet de diminuer le coût lié à l’insuffisance cardiaque, comme cela a été montré chez les asthmatiques et chez les diabétiques entre autres. À ce titre, l’éducation thérapeutique convenablement mise en œuvre est un investissement de santé publique rentable. Sur le plan du patient L’éducation thérapeutique permet une meilleure compréhension de sa pathologie, et surtout de son traitement et des règles hygiéno-diététiques qui sont moins vécues comme des diktats proférés par un corps médical bien portant à des lieues de la vie du patient… Les patients se sentent suivis et mieux compris, ce qui permet un vécu humain de l’entrée dans une pathologie chronique invalidante, plus facile pour le patient et ses proches. À ce titre, les relations entre l’équipe et le patient sont considérablement modifiées par l’éducation thérapeutique, les soignants étant impliqués dans la progression humaine et conceptuelle du patient vis-à-vis de sa maladie et éventuellement de sa mort, dont le ressenti est considérablement majoré pour l’équipe soignante. Sur le plan de la prise en charge Elle permet de rendre le patient acteur vis-à-vis de la mise en œuvre des traitements et de la surveillance. Elle permet donc de modifier en partie nos habitudes qui consistent à repérer, aux moyens de consultations, de visites à domicile, d’infirmières, de réseaux, les signes avant-coureurs d’une décompensation cardiaque, par exemple, ce qui d’études en études nécessite des moyens humains et financiers de plus en plus lourds. En effet, le but de l’éducation est de permettre au patient de se surveiller et d’appeler lui-même le médecin traitant, le cardiologue, le centre de suivi. Elle permet de passer du « j’ai pris 15 kilos, je ne peux plus mettre mes chaussures depuis 3 semaines et, comme j’avais une consultation prévue, j’ai attendu… » à « je suis plus essoufflé, j’ai pris 2 kilos, ma créatininémie augmente, que dois faire ? »… Certes, tous les patients ne seront pas transformés en urgentistes, mais certains réflexes pourront, à bas coût, permettre d’agir tôt et donc de diminuer la durée de séjour hospitalier, ce qui est le principal effet de l’éducation thérapeutique chez les insuffisants cardiaques dans notre centre. Les réseaux de médecins et de patients… Sur le plan médical, il existe actuellement en France plusieurs réseaux où les modalités de l’éducation thérapeutique sont variables et bien souvent individuels, infirmiers ou multidisciplinaires. Mais la plupart de ces expériences sont davantage basées sur une optimisation de la prise en charge médicale et paramédicale des patients principalement insuffisants cardiaques que sur l’éducation thérapeutique proprement dite. Quant aux organisations de patients, elles ne sont pas actuellement en mesure de dispenser de l’éducation thérapeutique. Leur action est principalement ciblée, soit sur l’entretien physique, soit sur la prévention primaire, mais leur activité demeure, pour ce qui est de la cardiologie française, relativement marginale, à la différence d’autres pays ou d’autres spécialités (diabète, asthme). L’école du cœur est un programme développé au centre hospitalier de Pontoise depuis près de 4 ans, exportable dans l’ensemble des centres hospitaliers de taille moyenne en France. Son concept est de faire de l’éducation thérapeutique un élément intégré dans la prise en charge du patient et qui vise à le rendre acteur vis-à-vis de sa maladie et non pas un élément greffé sur le traitement médical de sa pathologie. Ces formations dépendent des personnels et locaux existants. Il existe en fait deux programmes ayant des cibles différentes. - Le premier programme mis en place est celui concernant l’insuffisance cardiaque. Il consiste en un programme de formation réalisé dans le mois suivant l’apparition de l’insuffisance cardiaque mais ne se déroulant jamais au cours de l’épisode initial en raison de la « sidération » des patients confrontés à l’entrée dans la maladie. La formation se déroule sur une journée et demie. Les patients rencontrent l’infirmière spécialisée qui pose alors un diagnostic éducatif. Le patient est également accueilli par une association de patients « Le club cœur et santé de la région de Pontoise ». Il participe ensuite à un cours de formation « médicale » interactif après évaluation de ses connaissances et de son vécu vis-à-vis de la maladie. Le lendemain matin, il participe à une séance de kinésithérapie dont le but est de lui faire découvrir et pratiquer des activités physiques adaptées qu’il devra reproduire ensuite chez lui. L’après-midi, il bénéficie d

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