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Études

Publié le  Lecture 15 mins

Grands essais dans l'HTA : que conclure en pratique ?

J.-M. HALIMI, hôpital Bretonneau, Tours

Les essais thérapeutiques constituent le niveau de preuve le plus élevé dans le domaine médical, en particulier lorsqu’il s’agit d’essais thérapeutiques de grande taille (« méga-essais ») ayant une bonne valeur méthodologique.
Dans le domaine de l’hypertension artérielle, les essais thérapeutiques sont nombreux depuis plus de 20 ans, ils façonnent nos recommandations nationales et la manière dont nous prenons en charge nos patients. Les plus récents apportent des réponses nouvelles, parfois inattendues, sur des aspects de la thérapeutique qui concernent des millions de patients. Ils concernent la prise en charge des patients à haut risque cardiovasculaire (pas toujours hypertendus), des patients insuffisants rénaux ou diabétiques, des patients âgés (voire très âgés) ou en post-AVC et la place de la bithérapie dans la prise en charge de nos patients.

Patients à (haut) risque cardiovasculaire HOPE Dans cet essai qui a inclus 9 297 sujets à haut risque cardiovasculaire, dont 80 % avaient une coronaropathie sans altération de la fonction ventriculaire gauche, il a été démontré qu’après 5 ans de traitement par un IEC (le ramipril à la dose de 10 mg/j), une diminution significative de 22 % des événements de morbimortalité cardiovasculaire (infarctus du myocarde [IDM], accident vasculaire cérébral [AVC], mortalité cardiovasculaire) était observée par comparaison au placebo (1). Les hypertendus constituaient 47 % des patients et la PA moyenne était de 139/79 mmHg ; il existait une différence de PA 3/1 mmHg entre le groupe ramipril et le groupe placebo. La protection cardio- et cérébrovasculaire apportée par le ramipril a été confirmée chez les patients ayant accepté de continuer d’être suivis pendant 2,6 ans de plus (étude HOPE-TOO) (2). LIFE Dans l’étude LIFE (3), 9 193 patients hypertendus (PAS de 160 à 200 mmHg ; PAD de 95 à 115 mmHg) âgés de 55 à 80 ans ayant une hypertrophie ventriculaire gauche (ECG) ont reçu un ARA II, le losartan (éventuellement associé à un diurétique thiazidique) ou un bêtabloquant, l’aténolol (éventuellement associé à un diurétique thiazidique). Le suivi moyen a été de 5 ans environ. La PA systolique initiale était un peu plus basse dans le groupe losartan (- 1,3 mmHg) pendant l’étude. La stratégie à base de losartan a été plus efficace sur le critère composite (mortalité cardiovasculaire, AVC, et IDM) (-13%, p = 0,02) que celle basée sur l’atenolol. La différence en faveur du losartan était surtout importante pour l’incidence des AVC, réduite de -25 %. La mortalité totale était réduite de manière marquée dans le groupe losartan chez les patients diabétiques. ONTARGET Dans l’étude ONTARGET (4) parue ces dernières semaines, 25 620 patients à haut risque cardiovasculaire ont été randomisés pour recevoir un traitement par ramipril (10 mg/j), telmisartan (80 mg/j) ou l’association des deux (ramipril, 10 mg/j + telmisartan, 80 mg/j). Les patients devaient avoir 55 ans ou plus et un facteur de risque au moins parmi les suivants (angor ou IDM, artériopathie des membres inférieurs, AVC ou AIT, diabète de type 2 associé à un autre facteur de risque : hypertension, hypercholestérolémie, HDL-cholestérol bas, tabagisme ou microalbuminurie). Les caractéristiques initiales des patients étaient les suivantes : âge moyen : 66 ans ; 73 % d’hommes ; 85 % aux antécédents cardiovasculaires, 74 % de coronariens, 69 % d’hypertendus (PA moyenne : 142/82 mmHg), 38 % de patients diabétiques ; 64 % de sujets tabagiques (actifs ou anciens). Les traitements associés étaient les suivants : statines : 62 %, anti-agrégants plaquettaires 80,9 %, bêtabloquants 56,9 %, inhibiteurs calciques 33 %, diurétiques 28 %. La créatininémie moyenne était de 94 µmol/l (clairance calculée non donnée dans la publication, mais probablement comprise entre 70 et 80 ml/min). Les critères de non-inclusion principaux étaient : insuffisance cardiaque congestive, sténose de l’artère rénale connue, clairance de la créatinine 36 ml/min ou créatininémie > 265 µmol/l, kaliémie > 5,5 mmol/l, sténose valvulaire aortique ou mitrale significative ou une PA > 160/100 mmHg. ONTARGET était en fait constitué de deux études différentes : La première étude avait pour but d’évaluer si le telmisartan était non inférieur au traitement de référence (le ramipril) : elle a montré la non-infériorité du telmisartan vs ramipril sur les critères de jugement habituels (décès cardiovasculaire, IDM, AVC ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque), même après ajustement sur la PA (la PA était inférieure de 0,9/0,6 mmHg dans le groupe telmisartan) ; les patients sous telmisartan ont significativement moins souvent arrêté le traitement au cours du temps que ceux sous ramipril (23 % vs 24,5 %). La deuxième étude avait pour but d’évaluer si l’association des deux était supérieure au traitement par ramipril seul : elle a montré que l’association du ramipril et de telmisartan n’était pas supérieure au traitement par ramipril et qu’au contraire, cette association était mal tolérée sur le plan rénal (doublement de la créatinine : 180 vs 159, altération de la fonction rénale : 13,5 % vs 10,2 %, recours à la dialyse : 94 vs 60), malgré une réduction de la PA de 2,4/1,4 mmHg. L’incidence des nouveaux cas de diabète était similaire dans les trois groupes. Patient insuffisant rénal ou diabétique L’incidence de l’insuffisance rénale ne cesse de croître en France comme dans tous les pays du monde. Les patients atteints sont dans leur grande majorité hypertendus et de plus en plus souvent diabétiques et âgés. Les recommandations nationales et internationales concordent pour proposer en première intention un traitement antihypertenseur qui bloque le système rénine angiotensine (IEC ou ARA II). Ces recommandations sont basées sur des essais majeurs que l’on doit rappeler. AASK L’étude AASK concernait des patients hypertendus insuffisants rénaux (débit de filtration glomérulaire (DFG) compris entre 20 à 65 ml/min/1,73 m 2) afro-américains non diabétiques (5). Dans cette étude multicentrique prospective randomisée en double aveugle, les effets du ramipril, du métoprolol et de l’amlodipine ont été comparés sur la progression de l’insuffisance rénale. Le débit de filtration glomérulaire (DFG) était évalué par la clairance du iothalamate marqué. Il s’agissait de patients âgés de 54 ans en moyenne (60 % d’hommes) ; leur PA initiale était de 151/96 mmHg et leur DFG de 46,1 ml/min/1,73 m 2 (la protéinurie était très faible : 0,11 g/j). À partir du 6 e mois, le déclin de la fonction rénale a été significativement plus faible dans le groupe ramipril que dans le groupe amlodipine (de -2,07 vs -3,22 ml/min/1,73 m 2/an) ; ces résultats étaient plus marqués lorsque le DFG était compris entre 20 et 40 ml/min/1,73 m 2. COOPERATE L’étude COOPERATE concernait aussi des patients insuffisants rénaux le plus souvent hypertendus non diabétiques, randomisés pour recevoir un IEC (trandolapril), un sartan (losartan) ou les deux (6). Ces patients jeunes (44 ans en moyenne) avaient une créatininémie moyenne de 267 µmol/l (clairance 38 ml/min), une protéinurie moyenne de 2,5 g/24 h et une PA moyenne de 130/75 mmHg. Deux tiers d’entre eux avaient une maladie glomérulaire (surtout une néphropathie à IgA). Le critère principal de l’étude était le temps pour parvenir à un doublement de créatinine ou une insuffisance rénale terminale. Le suivi médian a été de 2,9 ans. L’étude a été interrompue car une analyse intermédiaire a montré qu’il existait une différence significative entre le groupe association et les deux autres groupes. Finalement, 11 % dans le groupe association IEC-ARA II vs 23 % dans les deux autres groupes ont développé une insuffisance rénale terminale ou un doublement de la créatinine. ROAD Pour obtenir une néphroprotection efficace, l’autre option est l’augmentation des doses d’IEC ou d’ARA II plutôt que de les associer. Cette question vient d’être posée dans le cadre d’un essai thérapeutique randomisé chinois, l’étude ROAD, effectuée chez des patients insuffisants rénaux protéinuriques non diabétiques (7). Deux groupes de patients ont été traités par des doses conventionnelles de losartan ou de bénazépril et deux autres groupes ont reçu des doses titrées de ces médicaments en fonction de leur effet sur la protéinurie : à chaque consultation, les doses de losartan et de bénazépril étaient augmentées tant que la protéinurie diminuait ; la dose n’était plus modifiée quand la protéinurie restait stable (on considérait alors avoir atteint la dose optimale anti-protéinurique). La dose médiane de losartan de 50 mg/j dans le groupe « dose conventionnelle » et de 100 mg/j (extrêmes : 50 à 200 mg/j) dans le groupe « dose titrée » ; pour le bénazépril, les doses étaient respectivement 10 mg/j vs 20 mg/j (extrêmes : 10-40 mg/j). Finalement, à l’issue du suivi de 39 mois, le risque de doublement de la créatininémie et d’insuffisance rénale chronique terminale a été réduit de 51 à 53 % chez les patients recevant les doses titrées d’IEC ou d’ARA II. Chez les patients diabétiques insuffisants rénaux ou à risque rénal, parmi les nombreuses études publiées souvent importantes, certaines ont fait avancer notre compréhension et notre prise en charge et méritent d’être rappelées : RENAAL, IDNT, UKPDS, ADVANCE. RENAAL Dans l’étude RENAAL (8), 1 513 pa-tients ont été randomisés pour recevoir du losartan (50-100 mg/j) ou un placebo (en plus de traitements antihypertenseurs). Le suivi a été de 3,4 ans. Le critère principal de jugement a été le même que celui de IDNT. La réduction du critère principal (insuffisance rénale terminale, doublement de la créatininémie ou décès) a été de 16 % en faveur du groupe losartan, 25 % pour le risque de doublement de la créatinine, 28 % pour le risque d’insuffisance rénale terminale et 32 % d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. On notait une tendance à la baisse du risque d’infarctus du myocarde (- 28 %, p = 0,08). IDNT L’étude IDNT, prospective multicentrique internationale en double aveugle, a inclus 1 715 diabétiques de type 2 (9). Après randomisation, les patients étaient traités par irbésartan (75 à 300 mg/j), amlodipine (2,5 à 10 mg/j) ou placebo. Le risque d’atteindre le critère principal a été diminué de 20 % (p = 0,02) chez les patients sous irbésartan par rapport à ceux du groupe placebo et de 23 % (p = 0,006) par rapport à ceux du groupe amlodipine. Le risque de voir doubler la créatininémie pendant le suivi a été réduit dans 33 % dans le groupe irbésartan par rapport au groupe placebo (p = 0,003) et 37 % par rapport au groupe amlodipine. Le risque d’insuffisance rénale chronique terminale était réduit de 23 % dans le groupe irbésartan par rapport au groupe placebo et au groupe amlodipine. Le risque d’insuffisance cardiaque était 23 % plus faible dans le groupe irbésartan par rapport au groupe placebo. Le risque

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