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La télémédecine appliquée aux AVC : des textes à la pratique
F. WOIMANT, C. CALINAUD Agence régionale de santé d’Ile-de-France, Paris

Les recommandations professionnelles françaises, européennes et américaines encouragent le développement de la télémédecine dans la pathologie vasculaire cérébrale. En effet, l’évaluation clinique par visio-consultation et le transfert de la neuro-imagerie permettent de débuter en urgence des traitements, tels que la thrombolyse2-4. Il s’agit donc d’une solution particulièrement utile dans les établissements hospitaliers dépourvus d’unité neurovasculaire, de service de neurologie ou de neurologue de garde.
L’accident vasculaire cérébral (AVC) est un important problème de santé publique : environ 130 000 séjours hospitaliers par an en France, 10 à 20 % d’erreurs diagnostiques, 1 re cause de mortalité chez la femme, 1 re cause d’invalidité, 8,3 milliards d’euros de dépenses annuelles pour l’Assurance maladie et la société1. Deux thérapeutiques permettent d’améliorer le pronostic et de réduire la mortalité des infarctus cérébraux (80 % des AVC) : la prise en charge rapide dans une unité neurovasculaire (UNV) et la thrombolyse réalisée le plus précocement possible, dans les 4 heures 30 suivant le premier symptôme de l’AVC. De nombreux infarctus cérébraux ne peuvent actuellement être thrombolysés car ils surviennent loin de toute UNV. La télémédecine représente une solution particulièrement utile dans ces cas. Les textes La Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a confié aux directeurs des Agences régionales de santé la mission d’initier et de développer les pratiques de télémédecine. En effet, la loi HPST du 21 juillet 2009 donne une définition législative de la télémédecine en France et l’introduit dans le Code de la santé publique. Le décret télémédecine du 19 octobre 2010 définit les actes de télémédecine, ainsi que leurs conditions de mise en œuvre et de prise en charge financière. Grâce aux nouvelles technologies d’information et de communication, la télémédecine permet d’effectuer des actes médicaux à distance, sous le contrôle et la responsabilité du médecin. Il convient de rappeler les définitions des 4 actes réalisés dans ce cadre 5 : - la téléconsultation : acte médical réalisé en présence du patient qui dialogue avec le médecin requérant et/ou le(s) médecins téléconsultants requis ; - la télé-expertise : acte médical décrit comme un échange entre deux ou plusieurs médecins qui arrêtent ensemble un diagnostic et/ou une thérapeutique sur la base des données cliniques, radiologiques ou biologiques ; - la télésurveillance : acte médical qui découle de la transmission et de l’interprétation par un médecin d’un indicateur clinique, radiologique ou biologique, recueilli par le patient lui-même ou par un professionnel de santé ; - la téléassistance : acte médical durant lequel un médecin assiste à distance un autre médecin en train de réaliser un acte médical ou chirurgical. La télé-expertise est utilisée depuis de très nombreuses années. Les services des urgences des hôpitaux qui ne disposent pas de service de neurochirurgie transmettent de l’imagerie cérébrale vers des centres de neurochirurgie pour que le neurochirurgien juge de la nécessité ou non de transférer un patient en vue d’une intervention chirurgicale. Dans le cadre de la pathologie neurovasculaire, la circulaire de 2007 sur l’organisation des unités neurovasculaires (UNV) précise que : « Par le vecteur de la télémédecine, elle (l’UNV) remplit une mission d’expertise pour les structures extérieures qui font appel à elle » 6. La Haute Autorité de santé (HAS) recommande en 2009 : « Dans les établissements ne disposant pas d’une UNV, l’indication de la thrombolyse doit être portée lors d’une téléconsultation par télémédecine du médecin neurovasculaire de l’UNV où le patient sera transféré après thrombolyse » 2. Et, une des actions du plan ministériel AVC, publié en avril dernier, est la mise en œuvre « des outils nécessaires à la télémédecine qui doivent permettre d’avoir accès en urgence ou non à une expertise radiologique ou neurologique à distance, et de disposer de cette expertise tout au long de la prise en charge du patient (notamment pour la thrombolyse) ». La télémédecine pour les AVC La télémédecine « AVC » doit permettre à tout patient suspect ou victime d’AVC d’avoir accès à l’expertise neurovasculaire quel que soit l’endroit où il se trouve : - en urgence : expertise pour établir un diagnostic et définir la conduite à tenir ; télé-assistance pour la réalisation à distance d’une fibrinolyse chez un patient qui présente un infarctus cérébral avant son transfert dans l’unité neurovasculaire (UNV) ; - en dehors de l’urgence : expertise pour le suivi, le diagnostic et le traitement des complications et la prévention de récidives. La télémédecine doit permettre à tout patient suspect ou victime d’AVC d’avoir accès à l’expertise neurovasculaire quel que soit l’endroit où il se trouve. Prise en charge de l’AVC en urgence Il est difficile d’établir un diagnostic neurovasculaire et de prendre des décisions thérapeutiques sans avoir visualisé le patient. La télémédecine en urgence pour AVC permet de réaliser un examen conjoint par le praticien recevant le patient suspect d’AVC (praticien requérant) et un médecin neurovasculaire à distance (praticien requis). La faisabilité de l’examen neurologique « on line » et la validation du score NIHSS par télémédecine ont été démontrées. S’y associe le partage des données cliniques, biologiques et de l’imagerie cérébrale entre ces professionnels. L’efficacité du recours à la télémédecine suppose une organisation en réseau. La télémédecine permet, selon l’expérience bavaroise (TEMPiS) 7 : - la confirmation du diagnostic d’AVC : la téléconsultation associée au transfert de l’imagerie ne permet cependant de confirmer le diagnostic d’AVC que dans 70 % des cas ; - l’évaluation des infarctus cérébraux, des hématomes intraparenchymateux, des troubles de la vigilance, des tableaux neurologiques atypiques ; - l’optimisation de la prise en charge des urgences neurovasculaires : l’imagerie cérébrale est réalisée plus rapidement s’il y a télémédecine, augmentant le nombre potentiel de patients susceptibles d’être thrombolysés ; - le traitement thrombolytique des infarctus cérébraux ; le taux de complications, ainsi que le pronostic à court et à long terme des patients traités par rt-PA sont similaires après une consultation par télémédecine, dans les hôpitaux non universitaires, à ceux traités directement par les neurologues dans les centres universitaires. L’efficacité du recours à la télémédecine suppose une organisation en réseau. Tout patient victime d’un AVC devrait avoir accès à une UNV. En effet, il n’y a aucune preuve scientifique pour exclure certains patients sur la base de l’âge ou de la sévérité de l’AVC. Toutefois, du fait notamment de contraintes de démographie médicale, tous les établissements recevant des urgences ne peuvent être dotés d’UNV, ni disposer de services de neuroradiologie interventionnelle ou de neurochirurgie. Aussi, un réseau régional gradué des soins (figure 1) se doit d’exister entre : - les établissements ayant une UNV ; - les établissements ayant une UNV de référence et disposant de services de neuroradiologie interventionnelle et de neurochirurgie pour la prise en charge des patients nécessitant une expertise spécifique et des actes hautement spécialisés de neuroradiologie interventionnelle et de neurochirurgie ; - les établissements recevant des urgences, n’ayant pas d’UNV, mais disposant de protocoles et de procédures permettant d’assurer un accueil précoce des patients souffrant d’un AVC, de préciser le diagnostic et d’organiser la prise en charge, avec un éventuel transfert en UNV selon l’avis du neurologue d’une UNV avec laquelle il a passé une convention 8. Le fonctionnement de ce réseau de soins, coordonné par une UNV, doit intégrer la télé-expertise et la visioconsultation. Il ne faut pas oublier que l’AMM, certes encore conditionnelle, du traitement fibrinolytique par rt-PA dans l’infarctus cérébral précise que seul le neurologue peut administrer le traitement dans cette indication. La télémédecine appliquée aux AVC permet d’apporter une expertise neurovasculaire à un urgentiste travaillant dans un établissement sans neurologue : confirmation du diagnostic et prise de décision thérapeutique urgente (thrombolyse). Elle permet également dans les cas complexes ou nécessitant un acte interventionnel de neuroradiologie interventionnelle (occlusion du tronc basilaire) ou de neurochirurgie (infarctus sylvien malin) une expertise diagnostique et thérapeutique par une équipe pluridisciplinaire (neurologue, neuroradiologue, neurochirurgien) accessible 24 heures sur 24. L’enjeu d’une telle organisation pour les urgences neurovasculaires est évident, assurant aux patients qui se présentent dans les structures d’urgences de proximité une égalité d’accès à l’expertise neurovasculaire et aux traitements urgents 9. Prise en charge de l’AVC en dehors de l’urgence Tout médecin ayant en charge le patient, dans le cadre de la filière AVC, peut avoir accès par le biais de la télémédecine aux UNV pour un avis d’expertise, des décisions de prévention secondaire et de suivi, de prise en charge de complications. Il existe des limites de la télémédecine appliquée aux AVC Une telle collaboration ne peut être envisagée que si les établissements de santé sont équipés de dispositifs de télémédecine. Les systèmes d’information pour assurer la visioconsultation et le transfert de données et d’images doivent être simples d’utilisation, ergonomiques et adaptés aux usages. En effet, le principal frein à l’utilisation de la télémédecine est humain. La collaboration étroite entre urgentiste, neurologue et radiologue est la base même du programme de télémédecine pour AVC. Il est donc indispensable que s’établisse une relation de confiance entre les praticiens, et qu’ils s’approprient sans trop d’appréhension ce nouvel outil commun et cette nouvelle activité potentiellement chronophage. Le principal frein à l’utilisation de la télémédecine est humain. Perspectives La télémédecine pour AVC ne se limite pas à un réseau entre hôpitaux de court séjour. Elle doit pouvoir s’étendre vers les structures de soins de suite et de réadaptation (SSR), permettant d’avoir accès à l’expertise des médecins de médecine physique et de réadaptation, et des gériatres lors de l’hospitalisation en court séjour des AVC et, inversement, d’avoir accès à l’expertise neurovasculaire en SSR pour décider conjointement des traitements de
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