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Explorations-Imagerie

Publié le  Lecture 14 mins

Quel bilan faire après un arrêt cardiaque ressuscité ?

C. KOUAKAM, CHU Lille

La mort subite représente environ 10 % de la mortalité totale et près de la moitié des décès de cause cardiaque. Elle est souvent la première (et malheureusement souvent la dernière) manifestation de problèmes cardiaques insoupçonnés. L’immense majorité des cas de mort subite résulte d’un collapsus hémodynamique survenu au décours d’un trouble du rythme ventriculaire, le plus souvent secondaire à une cardiopathie structurelle. Les étiologies spécifiques varient selon la population étudiée et l’âge des patients.

La mort subite sur cœur strictement normal est une entité rare ; la majorité survient en réalité sur des cœurs pathologiques insoupçonnés, pour lesquelles les outils diagnostiques modernes permettent d’identifier l’anomalie de structure ou de fonction sous-jacente. Autrefois, les étiologies de la plupart de ces morts subites étaient inconnues et étaient considérées comme «idiopathiques». Plusieurs découvertes majeures, dans le domaine de la génétique notamment, associées aux progrès de l’imagerie cardiovasculaire ont permis d’identifier la cause de la mort subite chez la plupart de ces patients. La mort subite peut également être secondaire à une pathologie non cardiaque (traumatisme, hypoxie, embolie pulmonaire massive, épilepsie, etc.) qu’il faut savoir envisager ; mais ces dernières étant plus rares, la mort subite d’origine cardiaque est souvent confondue avec la mort subite d’origine rythmique dont nous traiterons principalement. Épidémiologie de la mort subite de l'adulte L’épidémiologie de la mort subite reste mal connue car, en l’absence d’autopsie, la cause du décès est rarement établie avec certitude. De plus, sa définition même est loin d’être consensuelle, même si la plupart des auteurs s’accordent pour dire qu’il s’agit d’un décès inattendu survenant dans l’heure qui suit l’apparition des premiers symptômes en l’absence de secours immédiat (1-4). Dans la majorité des pays industrialisés, la mort subite de l’adulte est un problème majeur de santé publique dont la solution passe essentiellement par la prévention des maladies cardiovasculaires et l’identification des groupes à risque dont la sélection réduit en valeur absolue le nombre de victimes (figure 1) . Figure 1. Incidence de la mort subite cardiaque aux Etats-Unis. Nombre absolu d’évènements et pourcentage des morts subites dans la population générale et les sous-groupes à risque. D’après Myerburg RJ et coll.2. En effet, malgré les progrès de la prise en charge préhospitalière et les avancées des techniques de réanimation, à peine 5 % des victimes d’un arrêt cardiaque survivront, sauf dans certaines communautés « à la pointe » (5) ; on parle alors de mort subite ressuscitée. À court terme, la prise en charge de ces survivants nécessite que soit établie la cause de leur mort subite pour guider l’implantation d’un défibrillateur automatique, seule arme fiable et efficace pour prévenir les récidives. À long terme, l’optimisation de leur prise en charge individuelle et au besoin familiale dépendra en grande partie du diagnostic étiologique. La mort subite de l’adulte affecterait chaque année en France environ 30 000 à 50 000 personnes (6) et de 300 000 à 400 000 aux Etats-Unis (4,5). Elle peut survenir à tout âge, mais il existe un pic de fréquence entre 45 et 75 ans. Elle survient à domicile dans 85 % des cas et durant le sommeil dans 35 %. Dans près de la moitié des cas, elle concerne des sujets de la population générale sans pathologie cardiaque connue. Les patients qui ont survécu à un premier épisode sont exposés à un risque important de récidive et 40 % décèdent dans les deux années suivantes (7). Étiologie et pathophysiologie de la mort subite cardiaque Sur le plan clinique et étiologique, les troubles du rythme cardiaque sont responsables de la grande majorité des morts subites, la fibrillation ventriculaire (FV) représentant 80 % des arythmies documentées (8). La FV fait habituellement suite à une tachycardie ventriculaire (TV) qui s’accélère et dégénère. La maladie coronarienne représente la principale cause de mort subite cardiaque, mais d’autres étiologies sont rencontrées, notamment les cardiomyopathies et les maladies génétiques héréditaires (1-6). Les causes de la mort subite d’origine rythmique L’atteinte coronaire représente environ 80 % des cas de mort subites d’origine rythmique, soit par FV au cours d’une ischémie aiguë, soit dans l’évolution de la cardiopathie consécutive à une atteinte coronaire chronique avec ou sans séquelles d’infarctus (1,6-8). Quinze pour cent des morts subites surviennent sur une cardiomyopathie dilatée non ischémique, hypertrophique ou valvulaire, et les autres causes étant retrouvées chez environ 5 % des patients (figure 2) (8). Figure 2. Pathophysiologie et épidémiologie de la mort subite d’origine cardiaque. Il existe de nombreuses étiologies responsables de mort subite rythmique (tableau). Leur répartition varie en fonction de l’âge, du sexe, des antécédents familiaux (figure 3) (9). Schématiquement, on considère qu’après 40 ans dominent les conséquences de l’athérosclérose coronaire. Chez les sujets plus jeunes, la responsabilité est partagée entre certaines cardiomyopathies telles que la cardiomyopathie hypertrophique et la dysplasie arythmogène ventriculaire droite, et les troubles rythmiques génétiques. Figure 3. Répartition des causes de mort subite rythmique. D’après Huikuri HV et coll.8 pour la partie haute (toutes causes); et Krahn AD et coll.9 pour la partie basse (autres causes). Mécanismes de la mort subite d’origine rythmique Les facteurs de risque de la mort subite se confondent avec ceux de l’athérosclérose coronaire. S’y ajoutent d’autres marqueurs purement rythmiques et le risque familial indépendant. Sur le plan physiopathologique, la mort subite rythmique est un accident plurifactoriel où des modifications transitoires favorisent l’action d’un facteur déclenchant instantané (gâchette) sur un substrat arythmogène anatomique (figure 4) . Figure 4. Mécanismes de la mort subite rythmique expliqué par le concept du « triangle de l’arythmogénèse ». DEM: dissociation électromécanique; TV/FV: tachycardie/fibrillation ventriculaire. Démarche diagnostique devant une mort subite de l'adulte Éliminer une cause aiguë réversible ou une cause curable Après un épisode de mort subite d’origine rythmique, survenue en l’absence de cause aiguë réversible (trouble métabolique, IDM de moins de 48 heures, etc.), la prévention secondaire repose exclusivement sur le défibrillateur automatique implantable (DAI) qui a clairement démontré une réduction de la mortalité rythmique et globale chez des patients ressuscités d’une mort subite (indication de classe I, niveau de preuve A). Le défibrillateur est contre-indiqué lorsque la FV ou la TV responsable de la mort subite est curable (indication de classe III) (10-12). La phase aiguë de l’infarctus du myocarde est la cause aiguë réversible la plus fréquemment rencontrée bien entendu. Connue de longue date grâce aux résultats de séries d’autopsies, cette notion a été remise à l’ordre du jour par les travaux de Spaulding et coll. qui, en réalisant des coronarographies juste après la ressuscitation, ont trouvé près de 50 % d’occlusion coronaire aiguë (13). En dehors de l’infarctus, le spasme coronaire peut être une cause de mort subite susceptible de bénéficier d’un traitement. Certaines myocardiopathies peuvent être réversibles comme les myocardites aiguës (9), le syndrome de Takotsubo (14), ou certaines atteintes myocardiques aiguës toxiques… Le risque de mort subite peut alors disparaître avec la guérison de ces affections, sauf si elles laissent des cicatrices qui peuvent alors constituer un substrat arythmogène. La FV peut très rarement être la conséquence d’une TV rapide d’étiologie curable sur cœur sain (TV infundibulaires ou fasciculaires) (12). Le traitement curatif de ces troubles du rythme par ablation par radiofréquence peut rendre aux patients un pronostic de sujet sain en l’absence d’anomalies structurales du myocarde. Les FV induites par une fibrillation auriculaire, conduisant de façon très rapide dans le ventricule en raison de la présence d’une voie accessoire très perméable en antérograde, sont plus fréquentes (figure 5). Là encore, l’ablation endocavitaire de la voie accessoire permet de traiter définitivement la cause de la FV, et ainsi d’éviter l’implantation d’un DAI. Figure 5. Mort subite sur faisceau de Kent malin. Noter l’aspect ECG pathognomonique en accordéon en tachycardie (A) qui doit faire évoquer le diagnostic de pré-excitation. • Les troubles ioniques majeurs peuvent aussi être une cause curable de troubles de la conduction ou du rythme ventriculaire graves. Toutefois, leur diagnostic au décours de la réanimation initiale n’en est pas toujours aisé. Il en est de même des effets pro-arythmiques des médicaments, même à dose thérapeutique, par exemple dans le cadre du QT long acquis (15). Les intoxications médicamenteuses et/ou la consommation de drogues illicites arythmogènes (amphétamines, cocaïne, colles, etc.) doivent être recherchés le plus précocement possible au cours de la prise en charge et en pratique en milieu de réanimation bien avant la prise en charge par les rythmologues. • De manière plus anecdotique, il faut citer le commotio cordis qui fait référence aux morts subites chez le sportif jeune au décours d’un traumatisme précordial en période vulnérable (16), ou les électrocutions. Enfin, chez les patients porteurs de pacemaker, en particulier les stimulodépendants, un défaut de stimulation ou un déclenchement de FV peut induire une mort subite par stimulation ventriculaire en période vulnérable en cas de défaut d’écoute (17). Chez les patients porteur d’un DAI, un choc inapproprié en cas de surdétection peut induire un trouble du rythme potentiellement létal (18). Le contrôle des pacemakers et DAI est donc indispensable après une mort subite chez les patients qui en sont porteurs. Savoir reconnaître les atteintes cardiaques d’origine génétique qui nécessitent une prise en charge spécifique individuelle et familiale Certaines causes de mort subite cardiaque nécessitent d’être correctement identifiées, soit parce qu’elles ont des éléments de prise en charge spécifiques, soit parce que ce sont des pathologies rythmiques héréditaires qui doivent être recherchées chez les membres de la famille du patient index. Comme leur nom l’indique, ces affections sont transmissibles. Les descendants peuvent être porteurs de la

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