Quand demander un écho-Doppler artériel des membres supérieurs ?
P. BONNIN, hôpital Lariboisière, Paris
L’objectivation du collapsus positionnel de l’artère sous-clavière dans ses passages des défilés cervico-thoraciques domine la prescription d’un examen écho-Doppler artériel des membres supérieurs. Cet examen est aussi indiqué pour la reconnaissance d’un vol vertébro-sous-clavier dans le cadre d’une pathologie sténosante, athéromateuse de l’artère sous-clavière prévertébrale, préscalénique, l’appréciation de la baisse de perfusion distale chez les patients atteints de syndrome ou maladie de Raynaud, la recherche de la perméabilité des arcades palmaires.
L'échographie donne une analyse morphologique des parois et des lésions pariétales. L’effet Doppler analyse les vitesses circulatoires, donc la perfusion. Il authentifie de façon hémodynamique les compressions artérielles positionnelles comme les sténoses et apprécie leur retentissement régional d’aval. Les vitesses sanguines sont mesurées en différents sites, les indices de résistances calculés, les pressions systoliques humérales mesurées et toute une sémiologie est développée caractérisant les modifications de la fonction circulatoire. Hémodynamique artérielle des membres supérieurs L’artère sous-clavière présente un pic de vitesse systolique (60-80 cm/s-1) avec un temps d’ascension systolique court ( 0,07 s) suivi d’un petit reflux protodiastolique et de vitesses diastoliques faibles, voire nulles (figure 1), chez un patient en conditions de neutralité thermique (température ambiante de 22-25°C, peu vêtu). Figure 1. Courbe vélocimétrique normale enregistrée au Doppler pulsé avec analyse spectrale d’une artère sous-clavière. Lors de l’exposition à la chaleur, les commandes nerveuses de la thermorégulation provoquent une vasodilatation artérielle cutanée de la face et des membres supérieurs afin d’augmenter le débit sanguin cutané donc le transport de chaleur du centre vers la peau, lieu de diffusion calorique vers le milieu ambiant, afin de maintenir la température centrale autour de 37 °C. La déperdition calorique est plus efficace encore lorsque la sudation est sollicitée. La vasodilatation est plus importante à la main qu’à l’avant-bras, à l’avant-bras qu’au bras. Elle est alors décelable à l’enregistrement des flux dans les artères du membre supérieur et se caractérise par une augmentation des vitesses plus importante en diastole (D) qu’en systole (S), une diminution des indices de résistance (S-D/S). Lors de l’exposition au froid, pour garder la chaleur corporelle et limiter la déperdition de chaleur, la commande nerveuse provoque une vasoconstriction cutanée pour obtenir une réduction du débit sanguin cutané. Les indices de résistance sont alors élevés et le flux peut se réduire à un simple pic systolique étroit et de faible amplitude. Comme les artères radiale ou cubitale irriguent des territoires essentiellement cutanés, les modifications des vitesses circulatoires y seront importantes ; comme l’artère humérale irrigue des territoires mixtes cutanés et musculaires, les modifications y seront moins marquées. Lors de la pratique d’un examen écho-Doppler des membres supérieurs, il est important d’évaluer les modifications des flux artériels en fonction de l’état de « confort thermique » du patient. Modifications de l’hémodynamique locale en rapport avec une compression extrinsèque ou une sténose artérielle Lorsqu'il existe une compression ou une sténose modérée (réduction d’au moins 50 % de la surface de section circulante) une accélération localisée apparaît, enregistrable au Doppler. Le gradient de pression dynamique « transsténotique » est faible car l’énergie potentielle (pression dynamique), transformée en énergie cinétique en regard de la sténose (accélération du déplacement du sang) est totalement restaurée en aval de la sténose. Les flux d’aval restent normalement modulés et les pressions systoliques humérales symétriques. En cas de limitation de la lumière vasculaire perméable > 70-80 %, les vitesses in situ s’élèvent plus encore. Il existe une perte d’énergie par dissipation sous forme de frottements, de son et de chaleur. La restitution en énergie potentielle en aval est alors incomplète et responsable d’un gradient de pression trans-sténotique. La pression de perfusion d’aval chute et une asymétrie des pressions systoliques humérales apparaît. Les résistances artériolaires s’abaissent pour conserver un débit sanguin malgré la baisse de la pression de perfusion et les courbes vélocimétriques se déforment, sont démodulées et amorties : baisse des vitesses systoliques et augmentation des temps d’ascension systolique, apparition de vitesses diastoliques positives et baisse des indices de résistance. Réalisation d’un examen écho-Doppler des artères des membres supérieurs Matériel d’examen. Deux appareils distincts sont successivement utilisés : - l’appareil Doppler continu permet l’enregistrement des courbes vélocimétriques puis la mesure des pressions systoliques humérales. On utilise une sonde de 4 MHz pour l’examen des artères axillaires et sous-clavières et une sonde de 8 MHz pour les axes distaux. L’aspect des courbes vélocimétriques et la valeur des pressions systoliques renseignent déjà sur l’état du système artériel et guident avantageusement la réalisation de l’imagerie ultrasonore. Une sonde de Doppler continu est plus facile à manipuler qu’une sonde d’échoDoppler, et c’est avec le Doppler continu que les manœuvres positionnelles sont effectuées avec efficacité pour mettre en évidence un arrêt circulatoire par collapsus artériel ; - l’appareil écho-Doppler. Les structures vasculaires et para-vasculaires sont visualisées à l’aide de sondes sectorielles de fréquences 7,5 à 10 MHz pour les axes sous-claviers, les artères axillaires, humérales radiales et cubitales. On insiste toujours sur les sites électifs de collapsus possible des artères sous-clavières à leur passage des défilés cervico-thoraciques. Le patient est installé en décubitus dorsal, l’opérateur se place sur le côté, ou bien le patient est installé en position assise, l’opérateur se positionne face à lui. Protocole d’examen. Les flux sont enregistrés au Doppler continu et comparés entre les deux membres supérieurs, des artères sous-clavières aux artères radiales et cubitales. L’examen est complété par « l’écoute » des artères interdigitales entre les métacarpes, puis des flux pulpaires, la sonde Doppler étant alors placée, non à l’extrémité du doigt, mais au milieu de la face pulpaire des dernières phalanges. La pression systolique humérale est mesurée aux deux bras à la recherche d’une asymétrie de pression systolique (différence d’au moins 20 mmHg). L’analyse de la paroi des artères sous-clavières, à leur passage dans les défilés, puis des artères axillaires, humérales et distales est assurée en échographie ; le Doppler couleur et le Doppler pulsé activés sur les lésions visualisées permet d’assurer la relation de cause à effet. Syndrome de la traversée thoraco-brachiale Le syndrome de la traversée thoraco-brachiale correspond à la compression des structures vasculaires ou nerveuses dans les défilés intercosto-scalènique ou costo-claviculaire, à l’origine de manifestations à type de fourmillements, de fatigabilité dont on recherchera toujours le caractère lié à la position élevée des membres supérieurs. La compression de l’artère sous-clavière est rare (2 % des cas). La compression du plexus brachial est beaucoup plus fréquente. Un troisième défilé peut être décrit, l’espace sous-pectoral entre le grill costal et le muscle petit pectoral tendu entre les 3 e, 4 e et 5 e côtes et l’apophyse coracoïde (omoplate). C’est l’hypertrophie, rare, du petit pectoral qui peut réduire l’espace et provoquer la compression de l’artère axillaire (figure 2). Figure 2. Schéma anatomique des vaisseaux sous-claviers : rapports avec les structures osseuses et musculaires adjacentes dans les différents défilés cervico-thoraciques. 1) défilé inter-costo-scalénique, 2) défilé costo-claviculaire, 3) défilé costo-pectoral. Le défilé intercosto-scalénique est constitué du muscle scalène antérieur en avant, du muscle scalène moyen en arrière et du bord supérieur de la première côte en bas. Dans cet espace prismatique, l’artère sous-clavière chemine dans l’angle antéro-inférieur, elle y est maintenue par des ponts fibreux et décrit une courbure concave vers le bas correspondant au contournement de la première côte, une courbure concave vers l’avant correspondant au contournement de l’insertion du muscle scalène antérieur sur la première côte. C’est la contraction du scalène antérieur qui peut venir comprimer l’artère sous-clavière sur la première côte, ce d’autant qu’il existe une anomalie anatomique venant modifier la forme du défilé : - côte cervicale, - apophysomégalie de la vertèbre C7, - agénésie de la première côte qui se comporte comme une côte cervicale car très surélevée par rapport à une côte normale alors qu’elle est prolongée par un tractus fibreux vers le sternum. L’artère sous-clavière présente alors souvent un aspect de baïonnette au passage du défilé, voire une anomalie pariétale à l’origine d’une sténose avec accélération locale (figure 3 à 5). Figure 3. Coupe échographique longitudinale de l’artère sous-clavière gauche (abord par le creux sus-claviculaire). L’artère présente une forme de baïonnette et une compression entre la première côte en dessous de l’artère et le muscle scalène antérieur en avant et en haut de l’artère. Figure 4. Doppler couleur de l’artère sous-clavière montrant un aliasing en rapport avec une sténose. Figure 5. Accélération à plus de 2 m.s-1 avec désorganisation du spectre des vitesses sur une sténose de l’artère sous-clavière. Le défilé costo-claviculaire est limité par la clavicule en haut et en avant, et le grill costal en bas et en arrière. L’artère peut être collabée en position d’abduction du bras entre ces deux structures osseuses et les éléments musculaires adjacents, le muscle petit pectoral par exemple, surtout lorsque les éléments musculaires sont hypertrophiés. Dans ces deux défilés, l’artère peut être lésée par le traumatisme incessant que représente chaque mouvement du bras, il peut se former une dilatation poststénotique, voire un véritable anévrisme (figure 6). Une ulcération peut apparaître avec possibilité de thrombose pariétale à l’origine d’un syndrome de Raynaud ou d’une thrombose artérielle aiguë, catastrophique, avec ischémie aiguë de membre. Figure 6. Dilatation post-sténotique de l’artère sous-clavière (7,7 mm) pour un diamètre en amont de la sténose à 3,7 mm. Pour reconnaître l
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