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Études

Publié le  Lecture 11 mins

Que penser des dernières données des études sur les antiagrégants plaquettaires ?

P. SABOURET, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière

Les anti-agrégants plaquettaires sont devenus incontournables dans la prise en charge des manifestations athérothrombotiques (syndromes coronariens aigus (SCA), accidents ischémiques cérébraux (AIC), artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI)), aussi bien à la phase aiguë qu’au long  cours. En effet, l’aspirine (étude ISIS-2) et le clopidogrel (étude COMMIT) font partie des rares classes thérapeutiques disponibles à avoir démontré une réduction de la mortalité totale chez les patients ayant présenté un événement athérothrombotique majeur.

Les traitements anti-agrégants plaquettaires actuellement disponibles agissent soit par inhibition de production de la thromboxane AII, soit par inhibition des récepteurs P2Y12 de l’ADP (Adénosine Diphosphate), soit par inhibition des récepteurs GP IIb-IIIa. D’autres molécules, modulant l’activité plaquettaire via d’autres récepteurs, sont en cours de développement. Les grandes études Les bénéfices démontrés par le clopidogrel dans de nombreuses études randomisées (CURE, CURE-PCI, CREDO, CAPRIE, COMMIT, CLARITY) ont permis de préciser les bénéfices d’un traitement par thiénopyridines, nécessitant une actualisation récente des recommandations européennes et nord-américaines. Cette réussite a incité à développer de nouvelles thiénopyridines. Le prasugrel est donc apparu et a été récemment évalué versus clopidogrel dans le champ spécifique des SCA revascularisés par angioplastie percutanée, le plus souvent avec implantation de stent(s). Comme le clopidogrel, le prasugrel est une pro-drogue, qui produit un métabolite actif, qui inhibe de façon irréversible les récepteurs P2Y12, mécanisme d’action commun à la classe des thiénopyridines. Il est rapidement absorbé (Tmax entre 30 et 60 minutes) et produit une inhibition rapide et prolongée (jusqu’à 72 h) de l’activité plaquettaire. Il est ensuite hydrolysé, méthylé et conjugué, pour être éliminé principalement dans les urines (70 %) et dans les selles (25 %). TRITON Afin de mieux établir le rapport bénéfice-risque (bénéfice : réduction des événements ischémiques, risque : surcroît d’hémorragies majeures) de cette nouvelle thiénopyridine, l’étude TRITON-TIMI 38 ( Trial to Assess Improvement in Therapeutic Outcomes by Optimizing Platelet Inhibition with prasugrel Thrombolysis In Myocardial Infarction 38) a été réalisée. Les patients présentant un SCA et devant être revascularisés par stent coronaire ont été randomisés entre le prasugrel et le clopidogrel, traitement de référence, en association avec de l’aspirine, pour un suivi de 6 à 15 mois post-procédure de revascularisation. Une vision complète de la méthodologie et des résultats publiés ou présentés permettent de mieux appréhender actuellement cette étude pour une application éventuelle en pratique clinique. Plusieurs points méritent d’être analysés minutieusement : - Les résultats sur le critère primaire ; - Le choix de la dose de charge ; - Le temps d’administration de la dose de charge ; - Les tests d’agrégabilité plaquettaire ; - La stratégie thérapeutique (6/1 versus 4/1 pour clopidogrel) et les bénéfices uniquement à J30 ; - La définition et calcul du critère primaire ; - La définition de l’infarctus du myocarde ; - Le risque hémorragique ; - La problématique des thromboses de stent ; - La dose d’entretien du prasugrel ; - L’application clinique pratique des résultats et les questions non résolues ; - Perspectives. Optimiser la dose de charge du clopidogrel Plusieurs travaux, notamment français, des équipes marseillaises, strasbourgeoises, lilloises et parisiennes ont objectivé une réponse biologique incomplète au clopidogrel, qui peut être corrigée par un monitoring de l’activité plaquettaire, le plus souvent avec le VASP, avec emploi d’une ou plusieurs dose(s) de charge de 300 mg puis le maintien à une posologie de 150 mg par jour. La variabilité de la réponse après une dose de charge de clopidogrel a été rapportée depuis quelques années (Serebruany, J Am Coll Cardiol 2005, O’Donoghue, Circulation 2006) sur différents tests biologiques (LTA : light transmission agregometry, VASP, Verify Now). Trois études princeps vont en ce sens (SCRIPPS clinic, RECLOSE et EXCELSIOR). Pour répondre à cet écueil, la dose de charge optimale du clopidogrel a été déterminée à 600 mg, notamment grâce aux travaux de G. Montalescot et J.-Ph. Collet, confirmés par d’autres études (études ALBION, ISAR-CHOICE), complétées éventuellement par des travaux sur d’autres doses de charges avec maintien d’une posologie de 150 mg au long cours, monitoré par les tests avec un rapport risque/bénéfice favorable. Dans l’étude JUMBO-TIMI 26, aucun bénéfice clinique n’a été démontré avec le prasugrel par rapport au clopidogrel, ni en termes de réduction des événements ischémiques, ni sur le profil de tolérance. L’étude TRITON TIMI-38 est, quant à elle, une étude randomisée qui compare le prasugrel à la dose de charge de 60 mg puis à une dose d’entretien de 10 mg par jour au clopidogrel à la dose de charge de 300 mg suivi d’une dose d’entretien habituelle de 75 mg par jour dans les syndromes coronariens aigus (angor instable ou infarctus du myocarde (IDM) avec sus-décalage du segment ST). La méthodologie de l’étude TRITON Le choix des doses Les études de titration du prasugrel n’ont pas été publiées, mais les données des études comparatives entre les posologies de thiénopyridines et l’inhibition de l’activité plaquettaire (IPA : Inhibition of Platelet Activity) objective que la dose de charge ( loading dose) de 60 mg utilisée pour le prasugrel équivaut à une dose de charge de 1 000 mg pour le clopidogrel, et que la dose d’entretien de 10 mg de prasugrel correspond à une posologie de 175 mg de clopidogrel. La comparaison de l’efficacité des thiénopyridines dans ce schéma est difficile compte tenu de l’absence de bioéquivalence des posologies choisies, avec un rapport de doses (6/1 pour le prasugrel versus 4/1 pour le clopidogrel), favorable pour le prasugrel, notamment lors des premières heures post-SCA, alors que l’étude JUMBO plaidait pour l’utilisation d’une dose de charge de 40 mg de prasugrel versus la dose de 300 mg de clopidogrel. Le temps d’administration L’étude TRITON démontre que clopidogrel et prasugrel font jeu égal en termes de prévention des événements cardiovasculaires majeurs, lorsque la dose de charge du clopidogrel est administrée avant la procédure de revascularisation ainsi que le préconisent les dernières recommandations européennes et nord-américaines, et même pendant la procédure d’angioplastie coronaire. Le bénéfice cardiovasculaire du prasugrel s’exprime, lui, chez les patients ayant reçu la dose de charge après la revascularisation percutanée (56 % des patients), ce qui est favorable pour le prasugrel, en raison de l’inhibition plaquettaire plus précoce qu’il induit, d’autant que l’utilisation des antiGP IIb-IIIa n’était réalisée que chez 45 % des patients, ce qui pourrait expliquer en partie la réduction du risque relatif de 16 % des infarctus du myocarde à J1. Le protocole aurait pu s’inspirer de celui de l’étude ABOARD, présentée à l’ACC par G.Montalescot, et dans lequel tous les patients recevaient une perfusion d’antiGPIIb-IIIa afin de diminuer les événements thrombotiques précoces liés au délai d’action du clopidogrel, qui doit idéalement être administré avant la procédure, apportant des bénéfices CV démontrés depuis l’étude CREDO. Les critères cliniques On constate que la mortalité cardiovasculaire et la mortalité totale sont superposables entre les groupes randomisées. Les bénéfices du prasugrel s’observent sur les infarctus du myocarde non mortels, dont la définition a incité certains experts à demander une nouvelle analyse : celle de l’équipe TIMI 38 a confirmé la réduction des infarctus du myocarde sous prasugrel. Le critère primaire combiné (délai de survenue d’un événement cardiovasculaire majeur, d’un infarctus du myocarde, d’un AVC) ne tient compte que des événements ischémiques, avec une réduction uniquement sur le critère IDM, mais n’intègre pas les hémorragies mortelles ni celles engageant le pronostic vital, significativement plus fréquentes dans le groupe prasugrel (21 versus 5 et 85 vs 56 respectivement), alors que les critères d’inclusion et d’exclusion minoraient le risque hémorragique de la population incluse par rapport au profil des populations de coronariens décrit dans de nombreux registres internationaux. Une étude comparant deux antiagrégants devrait évaluer la balance bénéfice-risque (réduction des événements ischémiques/risques hémorragiques), avec selon l’analyse statistique de Victor Serebruany, une réduction du risque du critère combiné risque hémorragique-risque ischémique qui ne serait plus significatif entre le prasugrel et le clopidogrel, conforté par des mortalités superposables. Les thromboses de stent Elles n’étaient pas mentionnées dans la publication du design de l’étude ni dans le « TRITON Clinical Research Form ». Leur prévalence dans les études précédentes étant estimée à 2 % par an. L’incidence des thromboses de stent dans TRITON TIMI 38 est plus élevée dans le groupe clopidogrel, probablement en raison de la dose administrée (300 mg au lieu des 600 mg souvent utilisées) et du délai d’administration. Les résultats de l’étude HORIZONS AMI communiqués lors de l’ACC 2009 montre l’importance de la dose de charge de clopidogrel sur l’incidence des thromboses de stent : 1,6 % seulement sous 600 mg versus 3,4 % sous 300 mg (p = 0,03). Le bénéfice estimé sur les thromboses de stents par l’emploi du prasugrel est en outre contrebalancé par un surcroît d’hémorragies graves, alors même que le score TIMI tend à exclure un certain nombre d’événements hémorragiques sévère par rapport à d’autres scores, et donc à être favorable au prasugrel. Victor Serebruany note donc que si la mortalité par thrombose de stent est en faveur du prasugrel, ce qui concerne 2 % des patients, les deux anti-agrégants plaquettaires font jeu égal pour tous les autres patients. Les diabétiques On peut noter que leur population dans TRITON est relativement jeune, avec une faible prévalence d’une atteinte rénale (clairance de créatinine 60 ml/min et/ou présence d’une microalbuminurie), contrastant avec les données des registres de patients diabétiques coronariens. La forte prévalence de l’obésité était un facteur ajouté de minoration du risque hémorragique, ce qui rend indispensable la mise en place de registres pour évaluer le véritable rapport risque-bénéfice de cette stratégie dans la « vie réelle ». Il est d

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