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Revue générale des essais thérapeutiques comparatifs dans l'hypertension artérielle - Bilan et commentaires
F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

Une des premières grandes constatations nées de l’analyse des essais disponibles est qu’il a rarement été possible d’obtenir une égalité parfaite de pression artérielle entre les groupes comparés. La deuxième constatation majeure est qu’aucun traitement de l’hypertension artérielle n’est apparu intrinsèquement supérieur à un autre pour réduire le risque coronaire associé à l’hypertension artérielle.
Quelles sont les implications de ces constatations ?
Une égalité de PA difficile à obtenir dans la comparaison de groupes de patients Parmi les essais ayant évalué l’hypothèse d’un bénéfice clinique supérieur des nouvelles classes thérapeutiques, schématiquement, deux grands courants peuvent être distingués : • celui qui pose comme hypothèse qu’un traitement particulier, ayant par ailleurs et par principe une indication dans l’hypertension artérielle, peut, chez certains patients, apporter un bénéfice spécifique indépendant de l’effet tensionnel. Les essais évaluant cette hypothèse ont été conduits contre placebo. Cette méthode a inévitablement engendré une différence de PA entre les groupes comparés, ne permettant plus d’affirmer qu’un éventuel effet clinique constaté soit strictement indépendant de la baisse de PA obtenue. C’est ce qui a été mis en évidence dans les études HOPE ( Heart Outcomes Prevention Evaluation study) et EUROPA ( EUropean trial on Reduction Of cardiac events with Perindopril in stable coronary Artery disease), effectuées pour évaluer des IEC chez des patients à risque coronaire élevé ou déjà coronariens. Une controverse est donc apparue concernant l’imputabilité des effets cliniques constatés dans ces études à la seule molécule évaluée ou à l’effet de la baisse de PA ; • la position qui postule qu’à diminution équivalente de PA, certains traitements apporteraient un bénéfice supérieur à d’autres. Les essais de ce type ont donc comparé au moins deux groupes de patients recevant des traitements antihypertenseurs différents. Cependant, dans la plupart des travaux conduits sur ce modèle, il a été enregistré de faibles mais réelles différences de PA, parfois transitoires, entre les groupes comparés, rendant encore une fois difficile l’interprétation des résultats et générant, de ce fait, de nouvelles hypothèses et controverses. Deux écoles Dans ces controverses, deux écoles s’affrontent : • l’une postule qu’il existe un effet bénéfique des molécules qui est indépendant de la baisse des chiffres tensionnels ; • l’autre soutient que, si tout bénéfice clinique constaté est bien dépendant de l’effet des molécules, il l’est uniquement par leur effet sur la PA. Pour justifier leur position, les membres de la première école ont recours à diverses analyses complémentaires des données fournies par les essais. Une première méthode consiste à relier la réduction relative des événements cliniques à la différence de PA constatée dans l’essai puis à comparer cette relation avec celle déduite des études épidémiologiques et de la synthèse des autres essais cliniques. Par exemple, si dans un essai clinique, la différence de PAS entre les groupes est de 3 mmHg et que la réduction du risque d’AVC est de 24 %, il est conclu que, pour toute différence de 1 mmHg de PAS, la diminution des AVC est de 8 %, alors que les données disponibles laissaient prévoir une diminution du risque de seulement 3 à 5 %. La conclusion implicite est que lorsqu’une différence de PA existe entre deux groupes comparés, les données acquises grâce à l’épidémiologie et les autres essais thérapeutiques indiquent que cette différence est trop faible pour expliquer l’intégralité de l’effet clinique : il existe donc bien un effet spécifique de la molécule évaluée qui va au-delà de la diminution de la PA. Une autre approche, plus méthodologique, est de tester l’hypothèse d’isotropie selon plusieurs méthodes. L’isotropie est un terme surtout utilisé en optique, qui signifie une invariance des propriétés du milieu en fonction de la direction de propagation du rayon lumineux. Le terme isotropie est aussi utilisé en cristallographie et qualifie un domaine d’observation : un milieu isotrope est un milieu dont les propriétés sont identiques, quelle que soit la direction d’observation. L’hypothèse d’isotropie dans le domaine de l’hypertension artérielle qui a comme support central la métaanalyse de l’école d’Oxford publiée en 1990, est schématiquement la suivante : • si, à une augmentation donnée de la PA correspond une augmentation donnée du risque d’un événement cardiovasculaire dans les essais épidémiologiques, il y a isotropie ; il en est de même si, dans les essais d’interventions, à une diminution équivalente de la PA est associée une diminution du risque d’un événement cardiovasculaire prédite par l’étude épidémiologique. Ainsi, concernant le rapport entre pression artérielle et risque d’AVC, il y a isotropie : à toute augmentation dans une population générale de la PAS de 10 à 12 mmHg est associée une augmentation moyenne du risque d’AVC de 40 % et, à toute diminution dans les essais thérapeutiques de 10 à 12 mmHg de la PAS est associée une diminution moyenne du risque d’AVC de 40 %. En revanche, concernant le rapport entre PA et risque coronaire, il n’y a pas isotropie puisqu’à toute augmentation dans une population générale de la PAS de 10 à 12 mmHg est associée une augmentation moyenne du risque d’événement coronaire de 25 %, alors qu’à toute diminution dans les essais thérapeutiques de 10 à 12 mmHg de la PAS est associée une diminution moyenne du risque d’événement coronaire de 12 à 16 %. L’école de Lyon a proposé une analyse de l’hypothèse d’isotropie sur des données individuelles, analyse qui lui permet de montrer que l’effet clinique des traitements de l’hypertension artérielle n’est pas en relation parfaite avec la baisse de PA. L’analyse sur données individuelles consiste à faire entrer dans un modèle statistique non pas les effets moyens constatés dans l’ensemble d’une population d’un essai, mais les données individuelles de chaque patient participant à l’essai. L’école de Lyon possède une base de données individuelles (la base INDANA) qui lui permet d’étudier l’effet thérapeutique dans des modèles de régression multivariée prenant en compte la pression artérielle dans le suivi. Dans un de ses travaux de référence utilisant cette base de données, cette école a pu mettre en évidence que, dans les résultats des essais thérapeutiques analysés sur données individuelles, les courbes de risque n’avaient pas divergé à 6 mois, alors que la différence de pression observée dépassait déjà 85 % du plein effet observé à 1 an. Si le modèle d’isotropie était valide, l’essentiel de la réduction du risque d’accident serait expliquée en prenant en compte la PA à 6 mois de suivi. Or, l’analyse des risques d’événements a montré, dans ce travail, que, si l’effet est réduit, d’environ 50 % pour les événements coronaires, il persiste de façon hautement significative pour les accidents vasculaires cérébraux. La conclusion de ce travail était donc que la part expliquée par la baisse de pression artérielle est tout au plus de 30 % et que la part restante dans la réduction du risque est spécifique à la molécule utilisée. Pour justifier leur position les membres de la seconde école mettent en avant toutes les hypothèses possibles pouvant rendre compte que les effets constatés sont en relation avec un effet tensionnel, ainsi : • lorsqu’une différence de PA, même minime existe entre les groupes, c’est elle qui explique l’effet constaté ; • lorsque la différence de PA n’est pas flagrante, l’absence de différence est remise en cause sur plusieurs critères. Cette « pseudo-absence » de différence repose sur la comparaison des chiffres tensionnels au début et à la fin de l’essai, mais ne prend pas en compte les différences parfois enregistrées au cours de l’étude, les différences de PA moyenne, les différences de pression pulsée, les divers paramètres de la pression ambulatoire, par exemple, voire l’effet des traitements sur la pression artérielle centrale qui n’est pas corrélé à la pression mesurée à l’artère l’humérale. Le comble de cette controverse est que, lorsqu’il a paru important à certains investigateurs, d’indiquer qu’un traitement avait un effet au-delà de la baisse tensionnelle (cas des auteurs de l’étude ASCOT, Anglo-Scandinavian Cardiac OuTcomes-lipid lowering arm) ou non (cas des auteurs de l’étude VALUE, Valsartan Antihypertensive Long-term Use Evaluation trial), ceux-ci ont publié les résultats d’analyses de la relation temporelle entre les différences de PA entre les groupes et l’effet clinique observé. En d’autres termes, ils ont évalué la relation existant entre la différence de PA constatée à un moment donné dans l’étude et le risque relatif d’événements cardiovasculaires entre les groupes. Paradoxe, ces analyses, en utilisant des procédés approchants, arrivent aux conclusions que les auteurs semblaient souhaiter préalablement. Alors que conclure ? Première conclusion, lorsque l’on compare deux groupes de patients traités différemment, il semble très difficile d’obtenir des chiffres de PA identiques tout au long d’une étude, notamment si l’on considère l’ensemble des paramètres tensionnels. Ce simple fait va donc générer des hypothèses divergentes concernant l’effet clinique enregistré dans une étude. Faut-il dès lors renoncer à ce type d’essais ou bien adopter une méthodologie particulière qui permette d’éviter la survenue d’une différence de pression artérielle entre des groupes comparés ou d’en analyser avec précision les conséquences ? Et alors, quel modèle utiliser ? Malgré cette limite, une constatation s’impose : qu’il y ait eu ou non une différence de pression artérielle entre les groupes comparés et cela, quelle que soit l’étude prise en compte, il n’a jamais été mis en évidence de différence entre deux traitements en ce qui concerne la prévention des événements coronaires, lorsque cet élément était évalué en critère primaire. Tous les traitements de l’hypertension artérielle procurent le même effet de prévention du risque coronaire Une donnée concordante dans toutes les études ayant évalué le risque d’événement coronaire en critère primaire La revue générale (soutenue par les résultats des métaanalyses) des essais thérapeutiques arrive à une conclusion simple : alors que pendant plus de 25 ans il a été postulé que certains traitements permettraient, de façon spécifique, une meilleur
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