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Traitement percutané de sténoses de l’aorte abdominale
R. ROBERT, M. AMOR, Z. CHATI et F. LEFEVRE, polyclinique Louis Pasteur, Essey-lès-Nancy

Il s’agit du cas typique d’une patiente présentant une sténose de l’aorte abdominale sous-rénale (sténose de l’aorte basse) à extension iliaque, découverte à l’occasion de la persistance de douleurs dorsales à irradiation fessière.
Généralités D’après les résultats de l’étude de Framingham, l’artériopathie chronique obstructive des membres inférieurs est au moins aussi fréquente que la pathologie angineuse. L’incidence annuelle est d’environ 260 pour 100 000 chez les hommes et 120 pour 100 000 chez les femmes. Un tiers des lésions siègent au niveau du segment aorto-iliaque. Les sténoses aortiques sont, quant à elles, une pathologie à nette prédominance féminine (ratio de 4 femmes pour 1 homme). Observation Madame O. Nicole, âgée de 59 ans, décrit depuis 2 ans des douleurs dorsales à irradiation fessière et aux membres inférieurs. Ses facteurs de risque cardio-vasculaires sont dominés par une hypertension artérielle, traitée par Hyzaar ® et Célectol ®, une hypercholestérolémie traitée par Zocor ® 40 mg/j et un tabagisme actif à 30 cigarettes par jour depuis une quarantaine d’années (60 paquets-années). S’y ajoute un tabagisme passif : elle tient un bar-tabac ! Ses antécédents sont représentés par un syndrome anxio-dépressif, favorisé par ses douleurs et traité par Prozac ® et Lexomil ® depuis quelques mois, une phlébite bilatérale il y a 2 ans et un zona sacré ancien. Un cheminement particulier Évoluant depuis 2 ans, les douleurs dorsales et fessières de Mme O. la gênent beaucoup lors de son travail, au comptoir d’un bar-tabac. Elles surviennent lors des déplacements ou de la station debout prolongée et s’amendent avec le repos. Ses douleurs « de comptoir » la conduisent à consulter un rhumatologue qui suspecte un canal lombaire étroit, confirmé par le scanner médullaire. Les anti-inflammatoires étant peu efficaces, il lui prescrit une cure, afin de calmer ses symptômes. En juillet 2003, elle se rend à la visite médicale obligatoire du centre de cure. Le médecin thermaliste constate un amortissement des pouls fémoraux, à droite comme à gauche. Il fait réaliser un écho-Doppler artériel de l’aorte et des membres inférieurs, qui permet de dépister une sténose de l’aorte abdominale sous-rénale. Un traitement par Fonzylane ® et aspirine est instauré. Au retour de la cure, son médecin généraliste l’adresse en consultation à la Polyclinique pour prise en charge. L’examen clinique objective un souffle systolique aortique, associé à un amortissement net des deux pouls fémoraux. L’écho-Doppler objective des sténoses très serrées de l’aorte abdominale sous-rénale ainsi que des deux iliaques primitives sur des lésions athéromateuses calcifiées. Les signes écho-Doppler d’une sténose aortique sont d’abord indirects : amortissement des vitesses Doppler dès l’étage fémoral et ce, de façon bilatérale. La diminution de la pente ascendante du spectre Doppler indique une sténose d’amont. Les signes directs sont représentés par l’accélération des flux avant la bifurcation iliaque et par l’imagerie bidimensionnelle qui permet de quantifier le degré de sténose et l’extension vers les iliaques. Sur le plan biologique, la glycémie à jeun est à 0,73 g/l. Le cholestérol total sous traitement est à 1,81 g/l pour un LDL à 0,80 g/l et un HDL à 0,47 g/l. Les triglycérides sont élevés à 2,70 g/l. La créatinine plasmatique est à 11 mg/l permettant d’estimer un débit de filtration glomérulaire à 54 ml/min. L’angioscanner aorto-iliaque 16 barrettes (figures 1 et 2) confirme une sténose très serrée, l’aorte sous-rénale étant mesurée à 4 mm de diamètre, pour un diamètre de référence à la jonction thoraco-abdominale de 14 mm. L’origine de l’iliaque primitive droite est également intéressée par la sténose, avec un diamètre de 1,6 mm mesuré à ce niveau. À gauche, l’artère iliaque primitive mesure 5 mm. L’angiographie numérisée permet d’observer une sténose serrée de l’aorte abdominale, en aval du départ des artères mésentériques et rénales, associée à une sténose serrée de l’iliaque primitive droite et de l’iliaque primitive gauche. En outre, au niveau de l’iliaque primitive gauche, il existe une lésion paraissant ulcérée. Figure 1. Angioscanner 16 barrettes aorto-iliaque avec codage couleur permettant d’identifier les plaques athéromateuses calcifiées (en blanc). À gauche : vue de face. À droite : profil gauche. Figure 2. Angioscanner 16 barrettes aorto-iliaque. À gauche : sténose calcifiée serrée du carrefour iliaque (diamètre endoluminal minimal : 4 mm). À droite : dissection spontanée de l’iliaque primitive gauche ; aspect de plaque rompue (flèche). Revascularisation Environnement pharmacologique : 12 heures avant l’intervention, la patiente bénéficie d’une dose de charge en clopidogrel (4 comprimés, puis 1 cp/j les jours suivants) associée à la poursuite de ses doses habituelles d’aspirine (160 mg/j). Avant l’angioplastie, un bolus de 5 000 unités d’héparine non fractionnée est administrée par voie intraveineuse. Le traitement endovasculaire (figure 3) est réalisé sous légère neuroleptanalgésie par Hypnovel ® et Rapifen ®. La patiente demeure néanmoins consciente durant l’intervention afin de signaler toute sensation douloureuse lors des angioplasties : Figure 3. Angioplastie avec reconstruction du carrefour aorto-iliaque. À gauche : implantation d’un stent aortique de 10 mm sur 4 cm monté sur ballon. Au centre : stents sur l’aorte et les deux iliaques primitives en Y inversé. À droite : angioplastie combinée par 2 ballons en « kissing ». - après anesthésie locale, on met en place un double abord artériel fémoral. Un introducteur long de 6 French (2 mm de diamètre) est mis en place à gauche et un introducteur long de 12 French (4 mm de diamètre) est mis en place à droite ; - par voie fémorale droite, un ballon de 8 mm de diamètre et 40 mm de long permet de dilater l’iliaque primitive droite sténosée, puis l’aorte abdominale, grâce à une inflation à 8 bars ; - par voie fémorale gauche, le même ballon est inflaté à 9 bars au niveau de l’iliaque primitive gauche à son ostium. Puis un stent aortique de 10 mm de diamètre par 40 mm de long est introduit par voie droite et impacté à 12 bars par ballon dans l’aorte abdominale. Un second stent autoexpansible de 10 mm de diamètre par 60 mm de long est déployé dans l’iliaque primitive droite. Deux stents sont ensuite implantés dans l’artère iliaque primitive gauche, afin de couvrir la plaque ulcérée et l’iliaque primitive. La bifurcation aorto-iliaque bénéficie d’une angioplastie combinée en « kissing » à l’aide de deux ballons de 8 mm de diamètre et 40 mm de long. Après contrôle angiographique final, le résultat est considéré comme optimal (figure 4). Un volume total de 250 ml de produit de contraste a été utilisé. Figure 4. Angiographie numérisée aorto-iliaque. À gauche : avant angioplastie ; sténose serrée du carrefour aorto-iliaque avec dissection spontanée de l’iliaque primitive gauche ; aspect de plaque rompue (flèche) et sténose de l’iliaque primitive droite. À droite : après angioplastie et reconstruction du carrefour aorto-iliaque. Avantages de la technique percutanée Le point de ponction fémoral gauche est fermé de façon percutanée par un bouchon de collagène (Angioseal ®). Le point de ponction fémoral droit, de plus grand diamètre, est fermé par suture percutanée (dispositif Perclose ®). Les suites immédiates sont simples, permettant une déambulation le lendemain du geste et la sortie de la patiente après 48 h de surveillance postangioplastie. L’hospitalisation a duré, au total, moins de 72 h. L’écho-Doppler aorto-iliaque confirme un bon déploiement en Y inversé des différents stents avec des flux normaux sur les segments traités. L’angioscanner aorto-iliaque 16 barrettes a confirmé ces données (figure 5). Lors du suivi clinique et échographique à 7 jours, puis à 1 mois et à 4 mois, la patiente est asymptomatique et l’échographie confirme le bon résultat de l’angioplastie du carrefour aorto-iliaque. Un angioscanner aortique est prévu à 6 mois. Figure 5. Angioscanner 16 barrettes aorto-iliaque. À gauche : reconstruction de la bifurcation aorto-iliaque après implantation de stents en Y inversé. À droite : vue axiale du stent aortique. Discussion Les sténoses aortiques sont liées à une athérosclérose importante. La description d’une claudication bilatérale haute fessière à type de crampe doit évoquer le diagnostic. Ces symptômes peuvent être erratiques, irradier et prendre un caractère de lombo-sciatique ou, enfin, prédominer au repos ou au tout début de l’effort. Pour une part, la variabilité des symptômes est expliquée par la nature de la localisation. La sténose de l’aorte basse isolée donne une claudication fessière bilatérale ou à bascule, ce qui amène le plus souvent les patients à consulter un rhumatologue… Si la sténose aortique est associée à une sténose iliaque primitive droite ou gauche, l’irradiation de la douleur est du même côté que l’atteinte artérielle. L’atteinte de l’aorte basse est plus rare chez l’homme comme le sont les troubles sexuels qui peuvent en découler.Ce polymorphisme clinique et le sexe féminin conduisent à une errance diagnostique que nous avons presque toujours observé, au point que ces patientes doutent souvent qu’existe une solution à leur problème chronique. Le devenir spontané de ces sténoses de l’aorte basse dans notre expérience est le plus souvent dramatique : thrombose de l’aorte avec extension vers le bas (thrombose aorto-iliaque) ou vers le haut (thrombose aortique) au ras des artères rénales avec risque de thrombose rénale ou mésentérique (insuffisance rénale aiguë, infarctus mésentérique). Nous sommes de ce fait devenus très interventionnistes. Cette localisation de l’athérosclérose relevait traditionnellement de la chirurgie (pontage aorto-bifémoral : culotte aortique), mais ces interventions sont associées à une mortalité importante (3,3 %) et une morbidité périopératoire élevée de 8,3 % (métaanalyse de De Vries 1997). Le traitement endovasculaire est décrit depuis plus d’une quinzaine d’années. Cette technique s’est imposée à ce niveau parce que moins mutilante que la chirurgie, qui nécessite un abord rétropéritonéal, et surtout grâce, ces dernières années, à l’apparition de
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