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HTA

Publié le  Lecture 9 mins

Une HTA révélatrice de sténose de l'artère rénale

M. AZIZI et Ch. JACQUOT, hôpital européen Georges Pompidou, Paris

Un retraité âgé de 75 ans consulte pour des céphalées frontales matinales apparues depuis quelque temps. Il a constaté que sa pression artérielle était élevée à 190/110 mmHg lors d’un contrôle inopiné effectué chez son pharmacien.

Résultats des examens À l’interrogatoire, on relève : • un tabagisme poursuivi à 40 pa-quets par an ; • une toux chronique avec exacerbation hivernale ; • une consommation d’alcool à 4 verres de vin par jour ; • pas d’antécédents familiaux d’hypertension artérielle (HTA); • une claudication intermittente du mollet droit à 500 m, stable depuis 5 ans. À l’examen clinique, on peut noter : • une pression artérielle à 198/112 mmHg et une fréquence cardiaque à 80 bpm ; • la taille du patient est de 1,63 m, son poids de 46 kg (index pondéral à 17) ; • l’auscultation cardiaque et pulmonaire ne présente pas de particularité. D’après l'examen vasculaire : • au niveau des membres inférieurs : pouls fémoraux et poplités amortis ; pouls distaux, tibiaux et pédieux absents à droite, souffle fémoral droit, pas d'ulcération cutanée, IPS : 0,7 à droite et 0,8 à gauche, • vaisseaux du cou : un souffle carotidien gauche ; pas de notion d’AIT ou d’AVC, • pas de symptômes coronariens. Les résultats des examens biologiques révèlent les taux suivants : • créatininémie : 135 µmol/l, • clairance de la créatinine calculée : 5 ml/min/1,73 m2, • potassium : 4,0 mmol/l, • glycémie : 5,8 mmol/l, • cholestérolémie : 6,5 mmol/l, • HDL : 0,80 mmol/l, • TG : 2,30 mmol/l, • bandelette urinaire : protéinurie isolée ++, • ECG : Sokolow : 32 mm ; troubles de repolarisation dans le territoire latéral. Commentaires de M. Azizi Quels diagnostics envisager ? Devant cette HTA de grade III permanente, d’apparition récente et sévère d’emblée, chez un homme fumeur ayant une consommation excessive de boissons alcoolisées, une atteinte polyvasculaire (artérite stade II, souffles vasculaires périphériques), une dyslipidémie mixte avec hypoHDLémie et une insuffisance rénale avec protéinurie à 2+, l’hypothèse d’une HTA d’origine rénovasculaire par sténose d’une artère rénale (SAR) d’origine athéroscléreuse est hautement probable. Y a-t-il urgence à démarrer un traitement ? Si oui, lequel et quel en est l'objectif ? Le traitement n’est pas urgent mais doit être démarré rapidement car le patient se plaint de céphalées matinales récentes. Il faudra préférer les antagonistes des canaux calciques (amlodipine 5 à 10 mg en une prise) à cause du risque accru de thrombose de l’artère rénale sténosée avec un IEC ou un antagoniste des récepteurs AT1 (ARA II). Il est aussi préférable d’éviter les bêtabloquants car le patient a une probable bronchopathie chronique obstructive. L’objectif tensionnel n’est pas de normaliser la pression artérielle dans l’immédiat mais de réduire les chiffres de pression artérielle aux alentours de 160/100 mmHg. Quels examens complémentaires demander ? Le dépistage utilise une imagerie non invasive : angioscanner si la fonction rénale est normale ; écho-Doppler ou angio-IRM, quelle que soit la fonction rénale. On réserve l’artériographie à la décision préopératoire ou aux procédures de dilatation. Les dosages hormonaux ne sont pas utiles dans cette indication. On prévoira aussi une échographie avec Doppler des artères des membres inférieurs et à visée cervicale. Il n’y pas d’indication de coronarographie chez ce patient asymptomatique. Résultats des explorations L’échographie Doppler des artères rénales et de l'aorte révèle : - aorte : infiltration athéromateuse et plaques calcifiées, - rein droit : 10 cm ; rein gauche : 8,4 cm ; corticale amincie, - artère rénale droite : mal visualisée mais pas d’accélération des vitesses, - artère rénale gauche : doute sur sténose serrée avec amortissement des spectres d'aval. L’échographie Doppler des membres inférieurs révèle une sténose de 50 % de la fémorale commune droite, une occlusion de la tibiale postérieure et une pédieuse très amortie. On remarque des plaques non sténosantes étagées à gauche. L’échographie Doppler des artères cervicales montre une sténose carotide interne gauche à 60 %, selon NASCET, sans retentissement d’aval, et des plaques de la bifurcation carotidienne controlatérale. D’après l’angio-IRM, on retrouve une sténose serrée de l’artère rénale gauche unilatérale (figure). Figure. Sténose athéromateuse postostiale serrée de l’ARG. Quelle attitude thérapeutique immédiate envisager ? Quelle en est sa justification ? L’étape suivant le dépistage est la discussion thérapeutique qui fait intervenir l’âge, le degré de sténose et son caractère uni- ou bilatéral, la taille du rein et l’index de résistance intrarénale, ces deux derniers paramètres étant déterminés par échographie. Un âge avancé, un rein 8 cm ou un index de résistance > 80 % prédisent un mauvais résultat de la revascularisation. La scintigraphie avec captopril ou la mesure de la rénine dans les veines rénales ont une valeur prédictive médiocre et sont de moins en moins utilisées. Chez les sujets âgés ayant une sténose athéroscléreuse, il faut aussi tenir compte de deux informations supplémentaires : les échecs tensionnels sont fréquents et la fréquente diffusion de l'athérosclérose augmente le risque de complication liée au geste. La revascularisation n'est clairement justifiée en cas de SAR athéroscléreuse que chez les patients dont l'HTA résiste au traitement ou qui ont besoin d'un IEC en raison d'un antécédent d'insuffisance cardiaque, d'infarctus du myocarde (IDM) ou d’AVC, une néphropathie et un risque cardiovasculaire élevé. Quant aux patients ayant une SAR et une insuffisance rénale modérée, leur risque de mourir d’IDM ou d'AVC est supérieur à celui d’évoluer vers l’insuffisance rénale terminale. La valeur de la revascularisation pour la protection néphronique est mal connue et peut être sous-estimée. On propose généralement une dilatation aux patients ayant une SAR et une insuffisance rénale rapidement progressive, ou à ceux dont la créatininémie s'est nettement élevée sous IEC. Un essai contrôlé a comparé la dilatation avec endoprothèse et la dilatation seule chez 84 pa-tients ayant une SAR athéroscléreuse. Le taux de succès immédiat était supérieur et le taux de resténose était inférieur avec les endoprothèses, la perméabilité à six mois étant de 80 % après dilatation avec endoprothèse contre 51 % après dilatation seule. Une angioplastie avec mise en place d’une endoprothèse a donc été réalisée. Quel suivi envisager avec quelle attitude thérapeutique ? Chez les patients traités médicalement ou ayant été revascularisés, la PA et la créatininémie sont mesurées tous les 3 mois. La taille des reins et la perméabilité de l'artère rénale doivent être estimées chaque année. La surveillance ultrasonique est habituellement suffisante, l'angiographie étant requise en cas d’ascension de la PA ou de la créatinine ou d’atrophie rénale progressive. Prévention cardiovasculaire secondaire Dans la quasi-totalité des cas de SAR athéroscléreuse, un traitement antihypertenseur, hypolipidémiant et/ou antiagrégant reste nécessaire à la prévention cardiovasculaire. En effet, le risque cardiovasculaire absolu de ce patient est très élevé en raison de l’artérite et de HTA réno-vasculaire. Dans une étude suédoise, le risque relatif de mortalité cardiovasculaire était de 5,7 chez des patients ayant une SAR athéroscléreuse par comparaison à une population de même âge. De fait, le patient s’inscrit déjà dans le cadre de la prévention secondaire et sort des équations de risque. Son risque absolu d’AVC est aussi élevé du fait de la présence d’une sténose carotidienne et de l’HTA. La prise en charge des comorbidités Elle est indispensable ; outre des conseils, le patient doit être prévenu des symptômes d’alarme et recevoir la trithérapie statine, IEC et aspirine. Artérite distale : - de la marche, des soins de pieds, une mise à jour de la vaccination antitétanique ; - pas d’indication chirurgicale, ni d’angioplastie ; - statine + aspirine + IEC. Sténose carotidienne gauche : - pas d’indication chirurgicale ni d’angioplastie (ATL) chez ce patient asymptomatique ; - prévenir des symptômes d’AIT carotidiens ; - surveillance annuelle par échographie Doppler. Risque coronarien élevé : - prévenir des symptômes coronariens ; - pas de coronarographie ; - statine + aspirine + IEC. Commentaires de Ch. JACQUOT, néphrologue Les objectifs tensionnels doivent et peuvent être respectés. Le patient sera revu en consultation à un rythme soutenu tant que ces objectifs ne seront pas atteints. Mais il y a deux obstacles : l’observance du traitement par le patient et sa tolérance. L’observance dépend de la qualité de l’information fournie au patient sur les objectifs fixés, les résultats attendus en termes de protection cardiovasculaire et rénale, et les effets secondaires possibles ainsi que les moyens de les contrer. L’hypotension orthostatique est un de ces effets secondaires inacceptable par le patient. Pas systématiquement mise en évidence par une mesure de la PA en position debout pendant une consultation, il faut en chercher les symptômes à l’interrogatoire. L’hypotension orthostatique peut être provoquée par un antihypertenseur central, mais aussi par une hypovolémie induite par un diurétique. Dans ce dernier cas, il faut diminuer la posologie, voire interrompre le traitement diurétique et augmenter le traitement vasodilatateur pour maintenir l’objectif tensionnel. Il n’est pas exceptionnel de devoir alors associer trois molécules différentes, voire plus. Parmi les inhibiteurs calciques, les non-dihydropiridiniques (vérapamil et diltiazem) ont leur intérêt en cas d’insuffisance coronarienne associée et d’artérite des membres inférieurs symptomatique ou de bronchopathie chronique obstructive. Les sténoses athéroscléreuses des artères rénales s’accompagnent de lésions anatomiques du parenchyme rénal ; une néphroangiosclérose est constante et des embolies de cristaux de cholestérol fréquentes. La normalisation de la PA, en diminuant la pression de perfusion rénale et le débit de filtration glomérulaire, peut entraîner une augmentation de la créatinine sérique de 20 à 30 %. Celle-ci n’indique pas une majoration des lésions anatomiques rénales. Elle n’est pas

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