Stimulateur double chambre sans sondes : ça arrive
Pascal DEFAYE, Grenoble
Les premiers stimulateurs ventriculaires sans sonde ont été implantés en 2012-2013, il y a une douzaine d’années. À l’époque, deux systèmes ont été introduits simultanément : le Micra™ de Medtronic et le Nanostim™ d’Abbott. La principale différence entre ces deux dispositifs résidait dans leur système de fixation : passif avec des ancres pour le Micra™, et actif avec une vis pour le Nanostim™. Cependant, en raison de dysfonctionnements majeurs du Nanostim™ (usure prématurée de la batterie et rupture du bouton proximal), seul le Micra™ a finalement été commercialisé. Son profil de sécurité a démontré une réduction des complications de 30 à 50 % par rapport à la stimulation conventionnelle, ce qui représente un progrès considérable, notamment pour la population âgée nécessitant une stimulation cardiaque définitive.
Le succès du Micra™ a été retentissant, avec plus de 150 000 dispositifs implantés dans le monde. Dans notre centre, la stimulation sans sonde VVI a progressivement remplacé la stimulation conventionnelle VVI, représentant aujourd’hui environ 30 % des implantations de stimulateurs cardiaques (avec plus de 170 stimulateurs sans sonde implantés en 2023). Malgré ses avantages significatifs en termes de réduction de la morbimortalité, la stimulation sans sonde ne peut pas encore totalement remplacer la stimulation conventionnelle. Certaines limitations et questions subsistent, notamment concernant leur durée de vie et leur remplacement en fin de vie : faut-il implanter un nouveau stimulateur en « série » ou retirer l’ancien ? Cette discussion reste ouverte, bien que les pannes du Nanostim™ aient montré que ces dispositifs pouvaient être retirés sans complication jusqu’à 7 ans après leur implantation. Un autre frein au développement est l’existence, jusqu’à aujourd’hui, de stimulateurs sans sonde uniquement ventriculaires, avec les limites du Micra AV™. Ces stimulateurs sont donc principalement réservés aux patients âgés, pour lesquels une stimulation VVI est souvent suffisante, ou dans des cas spécifiques chez des patients plus jeunes, pour préserver le capital veineux, notamment dans des situations comme le bloc atrioventriculaire congénital nécessitant des implantations répétées, des risques pour les sondes et pour le capital veineux. C’est pourquoi l’arrivée, à l’automne 2024, du stimulateur Aveir DR sur les marchés européen et français est accueillie avec beaucoup d’enthousiasme. Il s’agit du premier système de stimulation sans sonde double chambre, permettant une stimulation synchrone de l’oreillette et du ventricule. Ce dispositif utilise le stimulateur ventriculaire Aveir™ VR, ainsi qu’un nouveau stimulateur atrial à fixation active, l’Aveir™ AR. Ces deux systèmes communiquent grâce à une technologie innovante, le système de communication implant à implant (i2i), utilisant des signaux électriques de faible énergie conduits à travers le sang et le tissu myocardique. Cela permet une communication sans connexion physique entre les deux dispositifs. Le bon fonctionnement du système dépend d’un alignement adéquat des deux dispositifs, avec entre eux une distance maximale théorique de 7 cm (figure 1). Le stimulateur atrial est généralement implanté à la base de l’auricule droit, tandis que le stimulateur ventriculaire doit être orienté de manière à ce que son bouton proximal soit dirigé vers le haut, en direction de l’implant atrial. Idéalement, les deux dispositifs doivent être positionnés parallèlement pour maximiser l’efficacité de la communication i2i, contrairement à un positionnement perpendiculaire. Figure 1. Le premier Avier DR implanté en France en mars 2022. Validation de l’efficacité et de la sécurité L’étude de validation de l’efficacité et de la sécurité de cet appareil a été publiée en 2024 dans le New England Journal of Medicine, étude à laquelle nous avons participé. Au total, 300 patients ont été recrutés, dont 190 (63,3 %) implantés pour une dysfonction sinusale et 100 (33,3 %) pour un bloc atrioventriculaire comme indication principale de stimulation. La procédure d’implantation a été un succès dans 98,3 % des cas, avec 90,3 % des patients ne présentant aucune complication majeure. Les critères d’efficacité, notamment en ce qui concerne les seuils de capture et de détection, ont été atteints chez 90,2 % des patients. Une synchronisation atrioventriculaire d’au moins 70 % a été obtenue chez 97,3 % des patients. Le taux de complications dans les 90 jours suivant l’implantation a été de seulement 9,7 %. Un déplacement du stimulateur a été observé dans 6 cas, principalement dû à une fixation inadéquate, dont cinq concernaient le dispositif atrial, avec deux migrations distales. Après la procédure, cinq autres déplacements du stimulateur atrial ont été constatés, dont quatre avec migration distale. Quatre décès ont été signalés au cours du suivi, mais aucun n’a été jugé lié à la procédure. Le positionnement d’un stimulateur sans sonde à fixation active dans l’oreillette droite s’est avéré complexe, en raison des caractéristiques anatomiques de cette cavité, telles que la finesse de la paroi myocardique, sa petite taille et une géométrie plus complexe. Ces éléments augmentent le risque de perforation et de migration par rapport aux stimulateurs conventionnels et à d’autres systèmes sans sonde. Toute fois, dans cette étude, le risque de perforation s’est révélé plus faible que prévu (0,7 % des patients), comparativement à 1,5 % pour la première série de stimulateurs Aveir VR. Ces résultats ont conduit à l’approbation par la FDA du stimulateur Aveir DR en 2023, suivie de son marquage CE à l’été 2024, permettant ainsi son implantation en France, en attendant le remboursement de la capsule atriale, prévu probablement pour 2025. L’évaluation de l’efficacité « en conditions réelles » de la communication i2i, le risque de perforation, notamment atriale, ainsi que la stabilité de ce dispositif nécessiteront des registres complémentaires, notamment avec l’étude France Leadless, qui se poursuivra avec le système double chambre. Il sera également important de déterminer, dans des cohortes plus larges, si la complexité accrue de la procédure, liée à l’orientation spécifique du dispositif ventriculaire pour une synchronisation optimale, constitue un facteur déterminant. Particularités de la « capsule » atriale Le système se compose d’un stimulateur atrial (aLP) et d’un stimulateur ventriculaire (vLP), ainsi que d’une gaine introductrice, d’un outil de chargement, d’un cathéter de délivrance et d’un cathéter de récupération pour permettre l’extraction du dispositif si nécessaire (tableau). L’ajout du nouveau stimulateur atrial (aLP) distingue le système Aveir DR double chambre de l’Aveir VR simple chambre. L’hélice interne de l’aLP améliore à la fois la continuité électrique et la fixation dans l’oreillette droite (figure 2). La longueur du dispositif atrial a été réduite à 32,2 mm (contre 38 pour le vLP), afin de mieux s’adapter à l’anatomie plus restreinte de l’oreillette droite et de l’auricule. En outre, le système est modulaire : l’un ou l’autre des stimulateurs sans sonde peut être implanté de manière autonome pour une stimulation AAI(R) ou VVI(R), avec la possibilité d’ajouter le second stimulateur sans sonde ultérieurement afin de passer à une stimulation double chambre. Bien que théoriquement, les deux stimulateurs puissent être implantés dans n’importe quel ordre, il est recommandé, lors d’une implantation simultanée des deux dispositifs, de poser le vLP avant l’aLP. Figure 2. Différences entre les vis de fixation des stimulateurs sans sonde atrial et ventriculaire. Les stimulateurs vLP et aLP sont équipés d’un asservissement basé sur une thermistance, capable de détecter les variations de la température veineuse centrale au début d’un effort physique. Cela permet d’accélérer le rythme du stimulateur en réponse à l’effort. De plus, la courbe d’accélération peut être optimisée automatiquement en fonction des besoins de chaque patient. Le « renouveau potentiel » de la stimulation AAI Le concept de stimulation sans sonde double chambre modulable, avec la possibilité d’implanter indépendamment un stimulateur dans l’oreillette droite ou le ventricule droit, marque une véritable évolution dans la gestion de la stimulation double chambre. Contrairement aux implantations conventionnelles de stimulateurs avec sondes, où l’on privilégiait souvent un stimulateur double chambre même pour les dysfonctions sinusales pures, afin d’éviter une réintervention complexe pour « upgrading », le système sans sonde introduit un nouveau paradigme. D’une part, la communication i2i ( implant-to-implant) consomme de l’énergie, ce qui réduit la durée de vie de la batterie. D’autre part, le stimulateur atrial sans sonde, plus compact, dispose d’une batterie de plus petite taille, ce qui affecte également sa longévité, la rendant inférieure à celle du stimulateur ventriculaire sans sonde. Ces facteurs tendent à proposer l’implantation d’un stimulateur atrial sans sonde simple aux patients présentant une dysfonction sinusale pure pour stimuler en AAI (R). De plus, l’ajout d’un stimulateur sans sonde complémentaire (atrial ou ventriculaire) n’implique qu’une ponction fémorale supplémentaire, ce qui entraîne une morbidité extrêmement faible. En cas de dysfonction sinusale ou de maladie de l’oreillette, nous implanterons probablement uniquement un dispositif atrial. À l’inverse, en présence d’un trouble de conduction atrioventriculaire paroxystique avec taux de stimulation évalué comme faible, un stimulateur ventriculaire sera implanté en première intention. La possibilité de passer à une stimulation double chambre ultérieurement, en ajoutant un stimulateur sans sonde atrial ou ventriculaire, se fera de manière simple et peu invasive. Cela représente un véritable renouveau dans la pratique de la stimulation AAI (R), avec une flexibilité accrue et une réduction des contraintes liées aux réinterventions. Où l’implanter dans l’oreillette droite ? Le site préféré d’implantation est la base/ostium de l’auricule droit, parce que cette zone est plus épaisse (4,2 ± 1,4 mm) que la paroi latérale de l’oreillette droite (2,6 ± 0,9 mm) et que la partie médiane et distale de l’auricule (antérolatéral 1 ± 0,5 mm, latéral 0,8 ± 0,4 mm, postérieur 0,9 ± 0,6 mm). L’implantation à la base postérieure de l’auricule minimise la distance et l’angle entre les deux stimulateurs, et l’implantation est plus directe, minimisant la courbure du cathéter de délivrance et l’alignement du stimulateur sans sonde atrial (figures 3 à 5). Figure 3. Positionnement de l’aLP au niveau de la base postérieure de l’auricule droit et vissage (un tour et demi). Figure 4. Passage en « tether » mode et vérification de la stabilité. Figure 5. Libération du stimulateur atrial aLP et
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