Dire que l’ESC 2013 a été un grand cru pour les valvulopathies serait exagéré. Cependant, on ne peut pas avoir de nouvelles recommandations ESC/EACTS tous les ans ! Par ailleurs, l’interruption précoce de l’étude RE-ALIGN (dabigatran chez les porteurs de prothèses valvulaires mécaniques) est certes une déception, mais les raisons de cet échec semblent assez claires pour essayer de faire mieux lors du prochain essai (le plus tôt possible). Voici donc une sélection d’une quinzaine d’études dont les résultats ont de fortes chances d’influencer notre pratique cardiologique, à plus ou moins long terme.
Étude RE-ALIGN Dabigatran chez les patients porteurs d’une prothèse valvulaire mécanique (Late-Breaking Trials) Présentée le dimanche 1 er septembre et publiée le même jour dans le New England Journal of Medicine, l’objectif de RE-ALIGN était de définir les doses de traitement par dabigatran chez les porteurs de prothèse valvulaire mécanique (mitrale ou aortique), à la fois en postopératoire précoce (avant J + 7) ou chez des opérés de plus de 3 mois. Les patients étaient randomisés 2/1 entre dabigatran (doses croissantes de 300 à 600 mg en 2 prises/jour) et warfarine avec un INR cible de 2,5 à 3,5 en fonction des facteurs de thrombogénicité habituels. Le critère de jugement principal était le taux plasmatique de dabigatran. L’étude a été interrompue précocement après inclus ion de 252 patients compte tenu d’un taux significativement plus élevé d’accidents thromboemboliques et de saignements dans le groupe dabigatran. Sans entrer dans le détail des résultats, il est important de savoir que la cohorte « postopératoire précoce » représentait 80 % du groupe dabigatran, pour laquelle la molécule a été introduite entre le 3e et le 5e jour postopératoire. La majorité des accidents thromboemboliques sont survenus dans ce groupe « postopératoire précoce », de même que les saignements majeurs, qui étaient tous localisés dans le péricarde. Plusieurs raisons plausibles de l’échec de RE-ALIGN sont avancées dans l’éditorial du New England Journal of Medicine : • la période postopératoire précoce, où de nombreux facteurs procoagulants sont activés dans un contexte d’inflammation intense, est certainement la moins favorable pour une anticoagulation à dose fixe, l’intérêt de l ’héparine dans c e contexte étant justement d’ajuster sans cesse aux fluctuations des effets procoagulants ; • les taux plasmatiques visés pour RE-ALIGN ont été extrapolés de l’étude RE-LY, dont la population (âge moyen : 71 ans vs 56 ans dans RE-ALIGN) et les mécanismes de thrombose entre une fibrillation atriale chronique et une prothèse valvulaire mécanique en postopératoire précoce étaient très différents. En conclusion, le dabigatran reste contre-indiqué chez les porteurs de prothèses valvulaires cardiaques, quel qu’en soit le type, et a fortiori mécaniques, et ce, jusqu’à nouvel ordre. En effet, il faut souhaiter que de nouvelles études voient le jour avec l’un ou l’autre des nouveaux anticoagulants afin de libérer les porteurs de prothèses valvulaires de la servitude des contrôles d’INR à vie. Ce d’autant plus que les fluctuations d’INR sont une des premières causes de mortalité chez ces patients. Enfin, il faut rappeler que l’échec de l’étude RE-ALIGN ne remet absolument pas en cause les preuves scientifiques acquises par les nouveaux anticoagulants dans la fibrillation atriale ou la maladie thromboembolique veineuse, malgré certaines polémiques récentes qui ressemblent furieusement à un combat d’arrière-garde. No comment! Rétrécissement mitral Résultats de la valvuloplastie mitrale percutanée (VMP) en cas de calcification commissurale unilatérale Sur une série de 464 patients consécutifs traités par VMP à l’hôpital Bichat (Paris), les calcifications valvulaires mitrales étaient absentes (groupe 1 : n = 261), localisées sur les feuillets mitraux (groupe 2 : n = 139) ou sur une des commissures (groupe 3 : n = 64). Les patients présentant des calcifications bicommissurales ont été exclus (contre-indication à la VMP). En cas de calcification commissurale unilatérale, le taux de succès de la VMP (défini par une surface mitrale > 1,5 cm2 sans fuite > 2/4) est significativement moins élevé que dans les autres groupes ; il reste cependant élevé (73 %), avec ouverture complète de la commissure calcifiée dans un tiers des cas. La VMP (entre des mains expertes) reste donc le traitement de première intention en cas de calcification commissurale unilatérale. Rétrécissement aortique Session : stratification du risque en cas de RAC asymptomatique Raphael Rosenhek (Autriche) a envisagé les seuils hémo - dynamiques de sévérité actuellement considérés dans les recommandations ESC/EACTS 2012 (tableau 1). Fort heureusement, les critères hémodynamiques sont concordants dans 7 cas sur 10. En cas de discordance entre les différentes valeurs chez un patient donné, après avoir envisagé de première intention une erreur de mesure (la plupart du temps la sous-estimation du diamètre sous-aortique), il est important de garder à l’esprit qu’une surface valvulaire 1,0 cm 2 est un critère très sensible (mais peu spécifique) pour prédire la survenue ultérieure d’événements (symptômes, insuffisance cardiaque). À l’opposé, un pic de vitesse transvalvulaire > 4,0 m/s (qui va de pair avec le gradient moyen > 40 mmHg) est un critère très spécifique (et moins sensible) pour prédire la survenue d’événements adverses. Dans les cas difficiles, il est donc primordial d’intégrer l’ensemble des paramètres hémodynamiques obtenus par écho-Doppler cardiaque, et de compléter éventuellement par un dosage du BNP sérique ou un score calcique mesuré au scanner. Rosa Sicari (Italie) a rappelé la sécurité et la forte valeur pronostique de l’ECG d’effort qui figure actuellement en bonne place dans les recommandations européennes en cas de RAC sévère asymptomatique : indication opératoire de classe I en cas de test d’effort positif démasquant un symptôme à l’effort ou indication opératoire de classe IIa en cas de chute tensionnelle au cours du test d’effort. De plus, une métaanalyse récente a montré qu’en cas de test d’effort maximal négatif, le risque d’événement cardiaque indésirable est réduit de 90 % par comparaison avec les patients dont l’ECG d’effort est positif. À l’opposé, l’échographie d’effort reste peu validée en cas de RAC asymptomatique (2 études publiées seulement) et la pratique de cet examen reste un défi technique non accessible à toutes les équipes en pratique. Malgré l’enthousiasme de certains auteurs – et de bon nombre de nos collègues cardiologues –, le rôle actuel de l’échographie d’effort pour prendre une décision opératoire es t donc quasi inexistant (recommandation de classe IIb). Enfin, David Messika-Zeitoun (France) nous a rappelé la grande simplicité de la réalisation d’un score calcique par scanner cardiaque. Il est important de savoir que cet examen ne nécessite pas d’injection de produit de contraste ; l’acquisition du volume cardiaque et le positionnement d’une zone d’intérêt limitée à la valve aortique permettent d’obtenir très rapidement et de manière automatisée un score calcique, dont on sait qu’une valeur > 1 600 unités d’Agatson est très bien corrélée avec une surface valvulaire 1,0 cm 2 et un pic de vitesse > 4 m/s. En cas de discordance des critères échocardiographiques, le recours au scanner par le score calcique est donc très utile. Rétrécissement aortique : facteurs génétiques Une vaste étude s’appuyant sur le registre national du système de santé danois a permis d’étudier une cohorte de 4,8 millions de personnes, parmi lesquelles 59 362 avaient un diagnostic de rétrécissement calcifié (RAC, prévalence = 1,2 % dans cet échantillon sans antécédent cardiaque avant l’âge de 35 ans), les bicuspidies étant a priori exclues. L’âge moyen auquel était diagnostiqué le RAC était plus jeune en cas d’antécédent de RAC chez un apparenté au 1er degré (58 ans, n = 258) par rapport aux patients sans antécédents familiaux (74 ans, n = 59 104, p 0,01). Après 55 ans, la prévalence du RAC est multipliée par 2 en cas d’antécédent familial et par 4 en cas de cardiopathie ischémique associée à un antécédent familial. Cette étude nationale est donc la première de cette envergure à démontrer un facteur génétique dans la survenue d’un RAC. En réponse à une question posée lors de la session, les auteurs ont reconnu qu’un certain nombre de patients de ce registre avaient probablement une bicuspidie non diagnostiquée. Prévalence accrue de cardiopathie ischémique en cas de RAC modéré Dans cette étude ancillaire de SEAS (The Simvastatin and Ezetimibe in Aortic Stenosis), 1 763 patients initialement asymptomatiques ont été suivis cliniquement et par échocardiographie annuelle. Un RAC modéré (Vmax 3,0 m/s) était initialement présent chez 815 patients (46 %) et un RAC moyennement sévère (Vmax entre 3,0 et 4,0 m/s) chez 948 patients (54 %). Après 4 ans de suivi en moyenne, la progression du RAC était comparable dans les 2 groupes : augmentation de Vmax de 0,15 m/s par an, ce qui est inférieur à la progression habituellement admise (0,3 m/s par an). Sans surprise, les remplacements valvulaires aortiques à 5 ans étaient plus fréquents en cas de RAC moyennement sévère par rapport aux RAC modéré (43 % vs 12 %, p 0,001). La mortalité cardiovasculaire était comparable entre les 2 groupes (5,9 vs 4,5 %, p = 0,22) ; en revanche, le taux d’événements cardiovasculaires ischémiques était significativement plus élevé en cas de RAC modéré (22 % vs 12,1 %, p 0,001). Ces résultats suggèrent que la détection des maladies cardiovasculaires et une prise en charge appropriée sont nécessaires au même titre que la surveillance valvulaire en cas de RAC modéré à moyennement sévère. Impact du taux de BNP sur la mortalité en cas de RAC Maurice Enriquez-Sarano a présenté lui-même cette étude de la Mayo Clinic, dont l’objectif était d’évaluer l’impact pronostique du BNP ratio sur une cohorte de 2 104 patients ayant un RAC moyennement serré à sévère. Le BNP ratio est le rapport entre le taux de BNP sérique du patient et la valeur normale en fonction de l’âge et du sexe, issue de la base de données de la Mayo Clinic. À titre d’exemple, entre 70 et 80 ans, la valeur normale du taux de BNP (sujets indemnes de pathologie cardiaque) est de 67 pg/ml chez l’homme et de 120 pg/ml chez la femme. Les caractéristiques de base de la population étudiée étaient une surface valvulaire aortique de 1,0 ± 0,3 cm 2, un gradient moyen de 35 ± 19 mmHg, une fraction d’éjection de 57 ± 15 %, un taux de BNP de 274 pg/ml (quartiles
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