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Échocardiographie

Publié le  Lecture 16 mins

L’échographie des patients sous chimiothérapie

C. SZYMANSKI, Service de cardiologie, CHU Amiens Sud

Le cancer constitue un véritable fléau et représente un enjeu majeur de santé publique. Sa prise en charge repose sur un arsenal thérapeutique de plus en plus performant et administré selon des protocoles utilisant des chimiothérapies lourdes et complexes(1,2). Leur efficacité croissante a permis d’améliorer et de guérir des pathologies considérées auparavant comme incurables. Ainsi, le nombre de patients survivants a augmenté ces dernières années avec environ 12 millions de survivants de cancers aux États-Unis. Le prix à payer de ce progrès thérapeutique est celui d’une importante cardiotoxicité liée aux effets secondaires des traitements anticancéreux. L’allongement de la survie des patients les expose à la survenue parfois tardive de complications cardiovasculaires(3). Le dépistage et la prévention de cette cardiotoxicité sont basés sur l’échocardiographie.

La fraction d’éjection ventriculaire gauche est parfois le seul paramètre demandé en routine mais sa diminution est souvent tardive et peu sensible à un stade précoce. L’objectif de cette évaluation échocardiographique sera de détecter précocement cette cardiotoxicité afin d’éviter sa progression vers la dysfonction systolique ventriculaire gauche et l’insuffisance cardiaque, d’adapter les traitements anticancéreux et de mettre en oeuvre des traitements susceptibles de corriger ou d’atténuer les effets de cette cardiotoxicité. Cardiotoxicité des chimiothérapies Les drogues utilisées en chimiothérapie ont peu d’effets sur les cellules à division rapide avec une restitution complète et une faible toxicité au long cours. A contrario, pour les cellules myocardiques ayant une faible capacité à se restituer, les effets toxiques peuvent être transitoires ou permanents à l’origine de cardiomyopathies. Ces effets incluent les troubles du rythme supraventriculaires ou ventriculaires, l’ischémie et la nécrose myocardiques, la dysfonction cardiaque, avec, à long terme, le développement d’une cardiomyopathie. L’utilisation des anthracyclines (4) est à l’origine de la survenue d’une dysfonction cardiaque dosedépendante chez environ 4 % des patients pour une dose cumulative de 500-550 mg/m 2, et chez plus de 36 % des patients en cas de dose ≥ 600 mg/m 2(5,6). L’utilisation d’autres chimiothérapies (cyclophosphamide, taxanes, trastuzumab) et/ou de radiothérapie médiastinale, la présence d’autres facteurs de comorbidité (enfants, sujets âgés, coronaropathie, cardiopathie sous-jacente) potentialisent cette cardiotoxicité (5). L’incidence de l’insuffisance cardiaque symptomatique est fonction de la dose administrée au patient (6). Cette toxicité cardiaque se manifeste d’abord par une altération diastolique de la fonction ventriculaire gauche pour des doses cumulatives de doxorubicine de 200 mg/m 2, puis par une atteinte de la fonction systolique à partir de 450-600 mg/m 2. La dysfonction systolique, lorsqu’elle atteint le seuil classique d’une diminution de plus de 20 % de la fraction de raccourcissement expose au risque de progression d’insuffisance cardiaque et de survenue de signe clinique d’insuffisance cardiaque (5,6). Le cut-off de 450 mg/m 2 à partir duquel l’incidence de l’insuffisance cardiaque devient symptomatique incite à l’arrêt de la chimiothérapie, à moins de disposer de solides arguments pour poursuivre une chimiothérapie. Les doses prescrites actuellement sont bien en deçà des 450 mg/m 2. L’enjeu va donc être de dépister très précocement cette toxicité, chez des patients recevant environ 240 mg/m 2, et ce d’autant, qu’à ces doses, la majorité de ces événements sont asymptomatiques. Par conséquent le rôle du cardiologue sera d’abaisser le seuil de détection parce que les doses utilisées sont inférieures aux doses réputées toxiques et l’objectif sera de dépister des événements essentiellement asymptomatiques. Dépistage de la cardiotoxicité Fonction systolique et diastolique ventriculaire gauche Dans les recommandations (7), l’échocardiographie est l’examen de première intention. Cet examen a pour objectif d’étudier la fonction systolique et diastolique du ventricule gauche (VG), la fonction systolique du ventricule droit, l’évaluation valvulaire et péricardique. L’altération des indices Doppler de fonction diastolique sont les premiers paramètres atteints et représentent un signe précoce de dysfonction ventriculaire gauche (8,9). Survenant dès la dose cumulative équivalente de 200 mg/m 2 de doxorubicine, ils précèdent habituellement l’atteinte de la fonction systolique (> 450 mg/m 2). Dans une étude incluant 26 patients traités par anthracyclines, les anomalies de la fonction diastolique sont apparues très précocement après le début du traitement, avec une altération de la relaxation, une diminution du rapport E/A, un ralentissement de la décroissance de l’onde E transmitrale, un allongement du temps de relaxation isovolumique avant la diminution de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) (9). La diminution de la FEVG est le paramètre le plus répandu dans le dépistage de la dysfonction myocardique chez les patients sous ou ayant été traités par anthracyclines. La mesure de la FEVG s’effectue par la méthode de Simpson biplan en coupes apicales 4 et 2 cavités permettant d’accéder à la fois aux volumes télédiastolique et télésystolique du VG et d’obtenir la FEVG globale. Cette mesure peut être éventuellement associée au calcul du score segmentaire (Wall Motion Score Index). Il convient de conserver la même méthode avant l’instauration du traitement et durant tout le suivi, avec si possible, un enregistrement des boucles vidéos de façon à les comparer, en particulier si les opérateurs diffèrent d’un examen à l’autre. Cette technique est charge-dépendante ; paramètre à prendre en compte en raison des modifications de pré- et post-charge liées aux complications de la chimiothérapie (nausées, vomissements, diarrhées, solutés de réhydratation). Dans une étude (10) incluant 51 patients d’âge moyen 50 ans, suivis après chimiothérapie par anthracyclines, il a été mis en évidence 26 % de cardiotoxicité définie par une FEVG 50 %, avec peu de patients développant une insuffisance cardiaque clinique. Avant traitement, la FEVG était de 63,9 % ; à la fin du traitement, la FEVG était de 59,1 %. La mesure de la FEVG « précoce » réalisée à 2 mois, était de 62 %, c’est-à-dire une variation globale de l’ordre de 2 %. Le cut-off proposé dans cette étude pour définir une cardiotoxicité tardive, était une variation de la FEVG de 4,8 % en méthode Simpson biplan. La reproductibilité d’une telle variation de la FEVG apparaît comme une des limites de cette mesure dans le suivi de ces patients. La variabilité intra- et interobservateur, même en imagerie d’harmonique avec des appareils de bonne qualité, varie entre 4 et 8 %, qui correspond au cut-off pour l’évolution de la FEVG. L’échocardiographie bidimensionnelle peut donc paraître insuffisamment performante pour détecter des différences de FEVG qui sont 10 %. Même si ces études permettent de dépister de telles différences à l’échelle « populationnelle » pour définir un cut-off, à l’échelle individuelle chez un patient donné, la seule évaluation de la FEVG biplan peut paraître insuffisante. En prétraitement, la FEVG conditionne, en partie, le type et la dose de la chimiothérapie, la durée du traitement et la fréquence des surveillances. Au cours du traitement, l’atteinte myocardique s’accompagne d’une détérioration de la FEVG qui est associée à la survenue de symptômes d’insuffisance cardiaque (11). Un ajustement thérapeutique carcinologique et cardiologique permet une stabilisation voire une récupération de la FEVG. Le seuil de diminution permettant de prédire la survenue d’insuffisance cardiaque est variable suivant les études. Les recommandations (7) suggèrent un arrêt des anthracyclines en cas de diminution de plus de 10 % de la FEVG entre 2 examens ou si la FEVG est 53 %. Lorsque la FEVG est normale, une échocardiographie est réalisée avant une dose cumulative de 300 mg/m 2 d’anthracyclines, puis 450 mg/m 2 puis systématiquement au-delà de ces doses. En cas de FEVG modérément altérée, l’échocardiographie est à réaliser avant chaque cure. Au décours du traitement, la vigilance doit être renforcée an raison de l’apparition invariablement dans l’année qui suit ou très tardive de la cardiomyopathie avec une diminution tardive de la FEVG associée à une réponse partielle au traitement cardiovasculaire (12). Même en présence d’une FEVG normale, l’incidence à 10 ans de la survenue de dysfonction systolique VG est multipliée par 4 après chimiothérapie par anthracyclines. La mesure de la FEVG en échocardiographie conventionnelle est un paramètre modérément sensible et peu discriminant à la détection de la dysfonction cardiaque et incite à recourir à des indices précoces et prédictifs d’une altération de la fonction systolique. Cependant son utilisation fait partie intégrante des recommandations (7). Échocardiographie en mode Doppler tissulaire L’échocardiographie en mode Doppler tissulaire est un bon outil descriptif. Il existe une altération des paramètres de Doppler tissulaire : l’onde S, l’onde E, l’onde A, l’onde e’. Aucun de ces paramètres pris isolément ou en combinaison n’est prédictif de la dysfonction ventriculaire gauche qui survient dans 30 % des cas (10). Le Doppler tissulaire servirait davantage à décrire une altération sans être prédictif de la dysfonction VG. Dans l’ensemble des études qui ont évalué le Doppler tissulaire pour prédire la dysfonction VG, les doses sont nettement inférieures au 450 mg/m 2 et pourtant aucun n’était prédictible de la dysfonction VG à terme. Échocardiographie de stress L’échocardiographie de stress à la dobutamine peut être utilisée dans la détection des atteintes ventriculaires gauches infracliniques induites par la chimiothérapie. Quarante-neuf patientes traitées pour un cancer mammaire avaient bénéficié d’une échocardiographie à la dobutamine après les 3 premiers cycles, respectivement à 1, 4 et 7 mois après l’arrêt du traitement (13). L’évaluation de la FEVG au cours des premiers cycles ne mettait pas en évidence de différence entre ceux qui développent ou pas une cardiotoxicité. Néanmoins, il existait une différence précoce en termes de réserve contractile et de pic de FEVG : au 3 e mois, le pic de FEVG était inférieur et la réserve contractile était moindre dans le groupe de patientes qui développent une cardiopathie. Ces données confirment une atteinte infraclinique du VG alors que la FEVG biplan est insuffisante pour la détecter. L’échocardiographie d’effort peut mettre en évidence une atteinte ventriculaire gauche précoce. Dans une étude portant sur 23 adultes ayant survécu de leucémie aiguë après traitement par anthracyclines administré avant la puberté, une diminution de la FEVG à l’effort était observée chez 10 patients (14)

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