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Prévention et protection

Publié le  Lecture 11 mins

Impact de la pollution à l’ozone sur les arrêts cardiaques - Application dans la région niçoise

Pierre GIBELIN, Professeur émérite université Côte d’Azur

De nombreuses études ont montré l’association entre pollution atmosphérique, particulièrement des particules fines, et arrêts cardiaques hors hôpital. Les publications concernant l’association entre arrêts cardiaques et pollution à l’ozone sont par contre moins nombreuses et parfois discordantes.
Ainsi nous avons voulu étudier l’impact éventuel de la pollution atmosphérique à l’ozone sur les arrêts cardiaques dans la région niçoise par une étude rétrospective (2010-2018).
Celle-ci a porté sur 557 arrêts cardiaques hors hôpital. La moyenne d’âge était de 68,2 ans pour les hommes et de 75,1 ans pour les femmes. Après ajustement avec la température et l’humidité nous avons constaté un risque élevé d’arrêts cardiaques associés à un niveau élevé d’ozone avec un OR 2 heures de 1,12 (IC95% : 1,01-1,25) et 24 heures de 1,18 (IC95% : 1,03- 1,35) pour toute augmentation de 10 μg/m3. Nous n’avons pas trouvé de lien avec les taux de particules fines.
Au total, l’exposition brève à une élévation de la pollution à l’ozone est associée à un risque d’arrêts cardiaques hors hôpital, et ce, sans influence des saisons. Les SAMU et les services d’urgences devraient connaître en permanence les niveaux du taux d’ozone dans les grandes villes de France.

Les arrêts cardiaques, en dehors des hospitalisations, sont un problème de santé publique dans les pays développés et représentent plus de 40 % du total des décès cardiovasculaires. Malgré tous les efforts (mise en place de nombreux défibrillateurs semi-automatiques sur tout le territoire français par exemple), la survie après un arrêt cardiaque est faible et l’incidence des arrêts cardiaques est inchangée, en contraste avec la diminution de la morbi-mortalité cardiovasculaire. Des antécédents d’infarctus, d’insuffisance cardiaque, d’HTA, de troubles du rythme ou d’accident vasculaire cérébral (AVC) ont été identifiés comme facteurs de risque d’arrêts cardiaques soudains. Toutefois, dans la moitié des cas, l’arrêt cardiaque brutal est la première manifestation d’une maladie cardiovasculaire sous-jacente. De nombreuses études ont identifié la pollution de l’air comme facteur de risque des arrêts cardiaques après une exposition aux particules fines, en particulier chez les patients aux antécédents de diabète, d’HTA ou d’AVC. Par contre, les études portant sur le lien entre pollution à l’ozone et arrêts cardiaques sont plus rares et discordantes. • Les grandes études : ozone et arrêts cardiaques Dès 2013, dans une très large étude portant sur 11 677 arrêts cardiaques survenus dans la région de Houston, Texas entre 2004 et 2011, Ensor et coll. (1) ont trouvé qu’une augmentation de l’O3 de 20 ppb (partie par milliard) pour le maximum quotidien moyen sur 8 heures a été associée à un risque accru d’arrêt cardiaque le jour de l’événement (1,039 ; IC95% : 1,005- 1,073). Chaque augmentation de 20 ppb de l’ozone au cours de 1 à 3 heures avant l’accident était associée à une augmentation du risque d’arrêt cardiaque (1,044 ; IC95% : 1,004-1,085). Le risque était plus élevé pour les hommes, les Noirs, et les personnes de plus de 65 ans. Les auteurs expliquent la différence entre leurs résultats et les résultats des études ne retrouvant pas de lien entre arrêts cardiaques et O 3 par la difficulté de contrôler avec précision l’impact de la température, car l’élévation de l’O 3 est clairement liée aux températures élevées. Dans la métaanalyse de Zhao (2) sur un total de 15 études analysées, l’ozone, entre autres, a été retrouvé significativement associé à l’augmentation du risque d’arrêts cardiaques hors hôpital (1,016, IC95% : 1,008-1,024). Le lien, ici, apparaissait plus tardivement. Tout récemment, Raza et coll. (3) ont étudié le lien entre O 3 et arrêt cardiaque sur un nombre important d’arrêts cardiaques (11 923) à partir du registre suédois des arrêts cardiovasculaires, ressuscités ou non, de 2006 à 2014. Ils ont constaté que 90 % des arrêts survenaient à l’intérieur. La survie à 1 mois était de 10,5 %. Environ 16 % des patients avaient déjà été hospitalisés pour infarctus du myocarde, 24 % pour arythmies prédominées par la fibrillation atriale, 2,5 % pour AVC, 3,3 % pour HTA, et 6 % pour diabète. L’O 3 et les PM étaient faiblement corrélés. Ces auteurs ont montré que toute augmentation de 10 μg/m 3 à 2 heures et 24 heures du pic de pollution est associée à une augmentation de 2 % du risque d’arrêt cardiaque (IC95% : 0 %- 3 %). Ce lien apparaissait précocement (dès la deuxième heure). Ces résultats sont indépendants des antécédents du patient (hospitalisation pour IDM, insuffisance cardiaque, diabète, HTA, troubles du rythme ou AVC). Des liens avec les autres polluants n’ont pas été constatés en particulier avec les PM. Les antécédents cardiovasculaires sont classiquement des facteurs de risque d’arrêts cardiaques. Dans ce travail, les hospitalisations antérieures ne conféraient pas de sensibilité à l’exposition à l’O 3 par rapport aux arrêts cardiaques. De manière surprenante, il ressort de leur étude que l’augmentation de l’O 3 pourrait diminuer le risque d’arrêts cardiaques chez les patients ayant déjà été hospitalisés pour des arythmies. Ces auteurs expliquent leurs résultats en faisant l’hypothèse que ces patients pouvaient être moins sensibles à la pollution à l’ozone du fait d’un effet protecteur de leurs traitements et de leurs suivis tout particulièrement pour les antécédents d’arythmies en insistant sur l’effet possiblement protecteur d’un traitement bêtabloquant à long terme. Une équipe chinoise (4) a étudié le lien entre arrêts cardiaques et pollution atmosphérique (PM, NO 2, SO 2, CO et O 3) à Pékin entre 2013 et 2015. L’étude a porté sur 4 720 arrêts cardiaques. Après ajustement à l’humidité de l’air et la température il s’avère que c’est avec la pollution par PM 2,5 que le lien est le plus significatif. En effet, pour toute augmentation de 10 μg/m 3 de PM 2,5, l’odds ratio (OR) est de 1,07 (IC95% : 1,04- 1,10) particulièrement pour les personnes âgées (> 70 ans) et les patients ayant des antécédents d’accident vasculaire cérébral. Ces auteurs n’ont pas retrouvé de lien avec O 3. Les auteurs expliquent ces résultats par la différence de type de polluant atmosphérique entre les études positives et négatives concernant la pollution à l’ozone. En effet, ce dernier est le polluant majeur des villes européennes en particulier du sud de l’Europe avec un taux de visibilité élevée et un taux de PM bas. Il est classiquement attribué au trafic routier. Alors qu’à Pékin, selon les auteurs, les PM sont les polluants majeurs en rapport avec l’activité anthropogénique impliquant la combustion du charbon et du pétrole. À Nice, en effet, le polluant majeur est bien l’ozone compte tenu du climat chaud et ensoleillé une grande partie de l’année et le peu d’usines polluantes. Dans une étude finlandaise, Rosenthal et coll. (5) ont étudié l’impact de la pollution sur les arrêts cardiaques en fonction de l’étiologie de celui-ci : infarctus ou autres. L’étude a porté sur 2 134 arrêts cardiaques, dont 629 en rapport avec un infarctus du myocarde. Les patients ayant un arrêt cardiaque d’autres causes étaient plus âgés. Chez les sujets arrêts cardiaques par IDM, un risque significativement accru a été retrouvé associé aux PM 2,5, et O 3. Chez les autres arrêts cardiaques, seul un risque accru d’exposition à l’O 3 a été constaté. L’augmentation du risque d’arrêt cardiaque post IDM avec l’exposition aux PM 2,5 est apparue uniquement pendant la saison froide. Ainsi donc l’exposition le jour même aux particules fines était associée à un risque accru d’arrêt cardiaque chez les sujets dont l’arrêt cardiaque était dû à un infarctus ; une exposition retardée à l’O 3 était associée à un risque d’arrêt chez les autres sujets. Pour ces auteurs, deux mécanismes majeurs sont proposés pour le déclenchement de l’arrêt cardiaque par la pollution de l’air : l’exposition provoque une inflammation systémique qui se traduit par une coagulabilité sanguine accrue conduisant à la formation de thrombus dans les artères coronaires provoquant un IDM, mais elle perturbe également le contrôle autonome cardiaque conduisant à des arythmies, enfin une troisième possibilité est que la pollution de l’air provoque des réponses pulmonaires indésirables qui conduisent à des arythmies fatales en augmentant les bronchodilatateurs ou en provoquant une hypoxie et une insuffisance respiratoire. Les résultats de leur étude suggèrent que l’exposition aux particules agit par le premier mécanisme tandis que l’exposition à l’O 3 agit par les 2 autres. • Étude niçoise Suite à ces travaux, nous avons voulu étudier quel était l’impact éventuel d’une pollution aiguë à l’ozone sur les arrêts cardiaques hors hôpital dans la région niçoise. Matériels et méthodes Population étudiée Il s’agit d’une étude rétrospective faite à partir de la banque de données du service des urgences du CHU de Nice du 1 er mars 2010 au 1 er mars 2018. Ces données comprennent des informations sur l’âge, le sexe, la date, l’heure et la localisation de l’arrêt cardio-respiratoire, ainsi que la cause possible de l’accident identifiée par les urgentistes. Nous avons ainsi inclus dans cette étude tous les cas d’arrêts cardiaques survenus en dehors d’une hospitalisation entre mars 2010 et mars 2018 identifiés comme cardiovasculaires. Les patients, décédés à l’arrivée des secours, ont été exclus du fait du manque de données sur l’heure exacte du décès, ceci afin d’éviter une mauvaise classification par rapport à la pollution. Le temps de déclaration de l’arrêt cardiaque a été obtenu à partir du temps de l’appel au centre d’urgence (94 %) ou de la communication entre le centre d’urgence et l’ambulance (5 %). Nous avons exclu les cas (22 %) pour lesquels le numéro d’identification du patient n’était pas disponible. Nous avons utilisé le numéro d’identification du patient pour obtenir la cause et la date du décès. Nous avons obtenu des renseignements concernant les antécédents chez 42 % des patients. Pollution atmosphérique et météo Les données de pollution journalière nous ont été fournies par le service AIR PACA à partir des différents capteurs répartis dans la ville. L’étude a porté sur l’ozone. Les taux de pollution horaires ont été analysés de même que la température et le taux d’humidité. Les taux horaires ont permis de calculer les taux moyens à 2 heures, 8 heures et 24 heures de l’ozone. Les résultats concernant les PM 2,5, et PM 10 ont également été analysés. Les données de pollution sont issues de 7 capteurs répartis dans la ville de Nice. À partir de ces données ponctuelles, l’association AIR PACA en charge de ces capteurs a fourni des relevés horaires géolocalisés avec une précision de 4 km. Les données des patients sont ainsi associées aux données de pollution grâce à l’adresse du patient (si arrêt cardiaque à domicile) ou la localisation de l’arrêt en dehors du domicile. Une fois l’appariement réalisé, les adresses des patients et l’origine des capteurs ont été effacées de la base de données finale. Les informations patients utilisées dans l’analyse sont la date, l’heure de l’arrêt, le lieu de l’intervention, l’âge, le sexe et les antécédents et comorbidités disponibles. Les analyses statistiques ont

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