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L’essentiel 2022 en cardiologie pédiatrique et congénitale
Sylvie DI FILIPPO, Présidente de la filiale de cardiologie pédiatrique et congénitale de la Société française de cardiologie ; Cardiologie pédiatrique et congénitale, CHU de Lyon, université Claude Bernard Lyon-1 ; Centre cardio-thoracique de Monaco

La recherche progresse très rapidement en cardiologie pédiatrique et congénitale avec l’essor des thérapeutiques interventionnelles et médicamenteuses, la nécessité de standardisation des prises en charge et d’élaboration de recommandations, dans un domaine qui inclut de multiples sous-spécialités de la cardiologie. Cette revue pointe les publications ayant mis en évidence en 2022 les avancées et innovations en cardiologie pédiatrique.
Cardiologie interventionnelle La cardiologie interventionnelle a révolutionné l’arsenal thérapeutique de la cardiologie pédiatrique et congénitale, et est devenue une alternative de première intention pour un nombre croissant de cardiopathies congénitales. La fermeture de communication interauriculaire de type ostium secondum est une procédure interventionnelle bien validée depuis plus de 20 ans. La communication interauriculaire de type sinus venosus est une cardiopathie plus complexe pour laquelle est proposée une technique percutanée interventionnelle de fermeture par un stent couvert dans la veine cave supérieure et redirection de la veine pulmonaire droite dans l’oreillette gauche, technique encore réservée à l’adulte et dont un des écueils est l’instabilité du stent. Hejazi et coll. (1) proposent une nouvelle technique permettant d’assurer une meilleure stabilité du stent par association à une suture à la veine cave supérieure droite, méthode qui permettrait d’étendre les indications pour cette cardiopathie et optimiser la fiabilité et l’efficacité de la technique. La cardiologie interventionnelle congénitale bénéficie des avancées de la cardiologie interventionnelle adulte classique. Les procédures percutanées de plastie valvulaire mitrale et tricuspide (MitraClip, TriClip) ouvrent une voie de développement importante en cardiologie congénitale. Barry et coll. (2) décrivent les indications potentielles et résultats préliminaires de ces techniques pour les valvulopathies associées aux cardiopathies complexes chez l’adulte, jusqu’alors difficilement accessibles à un geste chirurgical isolé chez les patients à haut risque (traitement des fuites tricuspides dans les cardiopathies avec VD systémique telles que la double discordance, des fuites auriculo-ventriculaires sur ventricule unique, des fuites mitrales post-réparation de canal atrio-ventriculaire). L’auteur établit une synthèse des possibilités et indications de ces techniques innovatrices, alternative à un geste chirurgical à haut risque, et/ou permettant de mieux contrôler l’insuffisance cardiaque ou les arythmies. Électrophysiologie Les complications rythmologiques des cardiopathies congénitales sont parmi les événements les plus fréquents du suivi et de l’évolution des patients, responsables d’aggravation, décompensation et accidents thrombo-emboliques. Par ailleurs, la mise en place de matériels électrophysiologiques peut être limitée et rendue difficile par la complexité de la cardiopathie et la nécessité de préserver la fonction myocardique sur le long terme. Chubb et coll. (3) étudient la position optimale de(s) sonde(s) de pacemaker dans les cardiopathies univentriculaires et démontrent l’importance de positionner la sonde de façon adaptée pour éviter le remodelage délétère et la dysfonction myocardique. Dans une étude multicentrique incluant 236 patients comparés à 213 contrôles, il retrouve un avantage significatif de placer la sonde en position apicale ou latéro-apicale. L’insuffisance cardiaque et les arythmies représentent les causes cardiovasculaires les plus importantes de morbi-mortalité chez les adultes avec cardiopathie congénitale (ACHD), et coexistent fréquemment chez un même individu. La prise en charge optimale des ACHD tient compte des interactions entre ces deux entités, et des ressources pharmacologiques et interventionnelles disponibles. Dans sa revue, Moore JP (4) met en évidence le chevauchement entre ces deux domaines pour recommander une approche parallèle, mais interactive, et multidisciplinaire. Les catégories de cardiopathies congénitales sont décomposées en leurs sous-types mettant en évidence les spécificités de leur physiopathologie, de leur évaluation et approche thérapeutique. L’auteur indique la place et le type d’intervention au sein de l’arsenal électro-physiologique (pacing, défibrillateur, ablation, explorations), en fonction des différentes situations anatomocliniques dans les cardiopathies congénitales de l’adulte. Intelligence artificielle L’intelligence artificielle (IA) connaît un essor important dans le domaine médical et s’introduit en cardiologie pédiatrique. L’évolution de l’IA et de l’analyse des données a contribué à codifier plusieurs aspects des soins médicaux nécessitant une réflexion critique : le diagnostic, la stratification des risques et la gestion, réduisant la probabilité d’erreur humaine. Sethi et coll. (5), dans une revue de la littérature de 2002 à 2022, exposent les différentes approches et les futurs développements de l’IA dans la pratique et la recherche en cardiologie pédiatrique et congénitale. Les auteurs constatent que l’utilisation des réseaux neuronaux et de l’apprentissage automatique a considérablement amélioré la valeur diagnostique de l’imagerie par résonance magnétique cardiaque, des échocardiogrammes, des tomographies par ordinateur et des électrocardiographes, augmentant ainsi la précision diagnostique des cardiopathies congénitales. L’utilisation d’algorithmes de prédiction basés sur l’IA dans les chirurgies cardiaques pédiatriques améliore les résultats postopératoires et le pronostic. La stratification des risques et la prédiction des résultats du traitement sont réalisables en utilisant les principaux résultats cliniques de chaque cardiopathie congénitale avec des algorithmes de calcul appropriés. Notamment, l’IA peut révolutionner la prédiction prénatale ainsi que le diagnostic des cardiopathies congénitales en utilisant les données du dossier médical électronique sur les facteurs de risque maternels. L’utilisation de l’IA dans le diagnostic, la stratification des risques et la gestion des cardiopathies congénitales est une possibilité prometteuse avec les progrès actuels de l’apprentissage automatique et des réseaux neuronaux. Cependant, le manque d’algorithmes appropriés, la formation limitée des médecins, la réticence des cliniciens en limitent encore l’acceptabilité. L’IA a de multiples applications en cardiologie pédiatrique pour aider au diagnostic clinique, échocardiographique, ECG, et autre imagerie (IRM), pour définir des algorithmes de prise en charge, établir des facteurs de risque de morbi-mortalité, établir des modèles d’enseignement et de recherche (6). Une application pratique de l’IA est la FINE ( Fetal intelligent navigation echocardiography) qui propose une nouvelle méthode pour l’échocardiographie fœtale utilisant la technologie de la « navigation intelligente » permettant d’obtenir neuf vues standards — 4-cavités, arche aortique, 3-vaisseaux, et trachée — et de visualiser les anomalies du cœur fœtal avec une sensibilité élevée pour la détection des cardiopathies congénitales. Gembicki et coll. (7) ont analysé les images des volumes cardiaques de 296 fœtus au 2 e et au 3 e trimestre en utilisant le logiciel FINE et concluent que le mode FINE permet de minimiser les artéfacts liés aux mouvements au cours de l’acquisition des volumes. Cardiologie fœtale En cardiologie fœtale, les développements concernent à la fois l’imagerie pour le diagnostic et le suivi des fœtus porteurs de cardiopathie congénitale, mais également les thérapeutiques interventionnelles in utero. Jusqu’à récemment, la détection des cardiopathies congénitales en anténatal au premier trimestre de la grossesse n’était pas pratiquée en routine, mais la tendance actuelle évolue vers l’intérêt d’un dépistage très précoce. Karim et coll. (8) ont réalisé une méta-analyse incluant 63 publications, soit un total de 328 262 fœtus étudiés : dans la population non à risque (45 études, 306 872 fœtus), 1 445 anomalies cardiaques majeures ont été dépistées dont 767 détectées au 1er trimestre, soit une sensibilité de 55,8 %, spécificité de 99,98 %, et valeur prédictive positive de 94,85 %. Dans la population à haut risque (18 études, 21 390 fœtus), 480 anomalies cardiaques majeures ont été dépistées dont 338 détectées au 1 er trimestre (sensibilité 67,74 %, spécificité 99,75 %, valeur prédictive positive 94,22 %). Les auteurs montrent une valeur ajoutée du Doppler couleur et de la vue des voies d’éjection ventriculaire pour la détection des cardiopathies. L’échocardiographie du 1 er trimestre est préférentiellement indiquée dans les groupes de patientes à haut risque ayant un antécédent personnel ou familial de cardiopathie congénitale, ou en cas de diabète prégestationnel, d’hyperclarté nucale, d’anomalies fœtales extra-cardiaques ou de gémellarité, en précisant que toutes les cardiopathies ne sont pas également détectables au 1 er trimestre. Parmi les techniques interventionnelles réalisées in utero, la valvuloplastie aortique est la première qui a été mise en application. Tulzer et coll. (9) rapportent une série importante de 103 fœtus avec sténose valvulaire aortique critique et décrivent l’évolution et les résultats, mais surtout apportent des éléments nouveaux de pronostic et de prédiction de l’évolution uniou biventriculaire en post-natal, élément majeur du pronostic et des indications. Ainsi, 125 procédures ont été réalisées chez 103 fœtus avec un taux de succès de 96 %, avec un taux d’évolution biventriculaire de 55 %. Les auteurs proposent un arbre décisionnel et retrouvent une probabilité la plus élevée de pronostic biventriculaire : – si le ratio longueur VD/VG est 1,094 (96,4 %) ; – ou si longueur VD/VG est ≥ 1,094 et 1,135 + Vmax de l’IM est ≥ 3,14 m/s (100 %). Plus récemment, sur la base des résultats obtenus avec la valvuloplastie aortique in utero qui peut permettre la croissance secondaire du ventricule gauche, Gang Luo et coll.(10) rapportent leur expérience préliminaire de la valvulopastie pulmonaire in utero dans l’atrésie pulmonaire à septum intact avec hypoplasie du ventricule droit, où le développement du VD est observé dès la période anténatale après la procédure et la croissance de la valve tricuspide survient secondairement en post-natal. Cette expérience ouvre la voie vers d’autres études de plus grande ampleur avec la procédure de valvuloplastie pulmonaire in
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