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Cardiologie interventionnelle

Publié le  Lecture 14 mins

Le point sur les études phares de l’AHA 2023

Édouard DESJOBERT, service de cardiologie interventionnelle, hôpital privé du Confluent, Nantes

Le cru du congrès de l'AHA 2023 a été riche en présentation de nouvelles études. Retour sur les essais phares de ces rencontres internationales.

 

Étude ORBITA 2 La présentation des résultats de l’étude ORBITA 2 (1) à l’occasion du congrès de l’ American Heart Association Society (AHA 2023) a fait l’objet d’une publication simultanée dans le New England Journal of Medecine. Il s’agit d’une étude originale s’intéressant aux bénéfices propres de la revascularisation percutanée par angioplastie coronaire chez les patients avec un angor stable sans traitement antiangineux. Des études telles que l’étude COURAGE (2) ont échoué à montrer une différence en termes de mortalité et d’infarctus du myocarde chez les patients souffrant d’angor stable et ayant bénéficié d’une revascularisation coronaire percutanée (PCI). Comme l’indiquent les recommandations de l’ESC, la réduction des symptômes est le motif qui sous-tend la réalisation d’une angioplastie coronaire, en plus d’un traitement médicamenteux optimal (recommandation grade IA). L’étude ORBITA (3) présentée en 2017 a cherché à évaluer l’effet placebo chez des patients coronariens mono-tronculaires recevant un traitement médical optimal en comparant un bras angioplastie et un bras procédure placebo. Cette étude n’a pas montré que l’angioplastie apportait un bénéfice clinique significatif, mais ce résultat pouvait être masqué par le traitement anti-angineux intensif difficile à mettre en œuvre dans la pratique clinique, en partie à cause des effets secondaires, et de la non-observance du traitement prescrit. L’essai ORBITA-2 a été conçu pour évaluer l’effet de l’angioplastie par rapport à une procédure placebo chez des patients souffrant d’angor stable et qui ne reçoivent pas de médicaments antiangineux de fond. Méthodes L’essai ORBITA-2 est un essai multicentrique, en double aveugle, randomisé et contre placebo, mené sur 14 sites au Royaume-Uni et évaluant l’effet propre de l’angioplastie coronaire chez des patients présentant une maladie coronaire stable avec angor et ne recevant pas de traitement anti-angineux. Pour être inclus, les patients devaient présenter : – un angor (ou symptômes équivalents) ; – une sténose coronarienne sévère identifiée lors d’un examen invasif (coronarographie ou scanner) ; – une ischémie documentée (test non invasif ou FFR). Les patients de plus de 85 ans ou avec un épisode récent de syndrome coronarien aigu, une sténose significative du tronc commun, une occlusion chronique ou une revascularisation par pontages, une dysfonction VG, une maladie valvulaire ou une atteinte respiratoire sévère étaient exclus. Une phase de pré-randomisation de 15 jours débutait durant laquelle : – les traitements antiangineux étaient stoppés ; – une double antiagrégation plaquettaire ainsi que des statines à forte dose étaient introduites ; – la qualité de vie et les symptômes étaient évalués par plusieurs scores ; – une échographie à la dobutamine ainsi qu’un test d’effort étaient réalisés ; – les patients strictement asymptomatiques durant cette période de 15 jours étaient exclus. Les patients étaient alors randomisés en 1 pour 1 dans un groupe angioplastie ou un groupe procédure placebo mimant une angioplastie. Le critère de jugement principal était composite et consistait en un score d’angor quotidien évalué sur 12 semaines de suivi comprenant : – le nombre d’épisodes angineux quotidien déclaré sur une application sur smartphone ; – le nombre d’antiangineux prescrit ; – les événements cardiovasculaires graves (angor instable, infarctus du myocarde ou décès). Le nombre estimé de patients nécessaires était de 284 patients (soit 396 en pré-randomisation), pour mettre en évidence une différence de 6 unités sur le score d’angor avec une puissance > 80 % et un risque alpha de 5 %. Résultats Entre novembre 2018 et juin 2023, un total de 439 patients a été pré-randomisé pour finalement 301 patients randomisés en 1 pour 1 dans un groupe angioplastie coronaire (n = 150) et un groupe procédure placebo (n = 151). Les groupes étaient comparables avec un âge moyen de 64 ans, une majorité d’hommes (79 %) et un angor classe CCS II ou III dans 96 % des cas. Une ischémie était présente dans un territoire cardiaque chez 242 patients (80 %), dans deux territoires chez 52 patients (17 %) et dans trois territoires chez 7 patients (2 %). La voie d’accès radiale était très majoritaire (96 % des cas) et une mesure de FFR (réserve de flux coronaire) pour documenter le caractère fonctionnel des lésions était réalisée chez 349 (91 %) patients avec une mesure médiane de 0,63 (normale > 0,80). Au terme de ce suivi de 12 semaines, le score d’angor moyen était de 2,9 dans le groupe angioplastie contre 5,6 soit une différence statistiquement significative en faveur de l’angioplastie avec un OR = 2,21 [IC 95 % = 1,41-3,47], p = 0,001 (figure 1). Figure 1. Critère de jugement principal (score d’angor) dans le groupe angioplastie (à gauche) et placebo (à droite) 14 jours avant la randomisation et 12 semaines après. En vert foncé = pas d’angor, pas de traitement antiangineux. En vert clair = angor sans antiangineux. En jaune pâle = angor et antiangineux. En noir = événements cardiovasculaires graves. La classe CCS évaluée avant et après la randomisation était significativement plus réduite dans le groupe angioplastie que dans le groupe placebo avec un OR à 3,76 [IC 95 % = 2,43-5,82], p 0,001 (figure 2). Figure 2. Classe CCS d’angor avant et après la randomisation dans le groupe angioplastie et placebo. PCI = angioplastie coronaire. EN PRATIQUE • Dans cet essai randomisé contrôlé contre placebo impliquant des patients avec un angor stable en lien avec une coronaropathie sans traitement anti-angineux l’angioplastie a montré son efficacité sur le plan symptomatique. • Cette étude valide l’utilité de l’angioplastie chez des patients symptomatiques et chez qui un traitement anti-angineux optimal est difficile à mettre en œuvre que ce soit pour des problèmes de tolérance ou d’observance par exemple. • Il convient cependant de noter que 1 patient sur 4 reste symptomatique (CCS > 1) en dépit d’une angioplastie coronaire ; une étude de la microcirculation pourrait être intéressante chez ce sous-groupe pour mieux comprendre l’origine de leur symptomatologie angineuse. Références 1. Rajkumar CA et al. A placebo-controlled trial of percutaneous coronary intervention for stable angina. N Engl J Med 2023 ; 389(25) : 2319-30. 2. The COURAGE (Clinical Outcomes Utilizing Revascularization and Aggressive Drug Evaluation) Trial: can we deliver on its promise? PubMed [Internet] [cité 20 nov. 2023]. Disponible sur : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20338497/ 3. Al-Lamee R et al. Percutaneous coronary intervention in stable angina (ORBITA): a double-blind, randomised controlled trial. Lancet Lond Engl 2018 ; 391(10115) : 31‑40. Étude ESPRIT, KARDIA, CRHCP Cet article a pour but de faire un tour d’horizon des études traitant du domaine de l’hypertension artérielle, dévoilées à l’occasion du congrès de l’ American Heart Association Society (AHA 2023). Étude ESPRIT : une cible tensionnelle 120 mmHg diminue les événements cardiovasculaires et les réhospitalisations chez les patients à haut risque CV La diminution de la pression artérielle réduit efficacement le risque d’événements cardiovasculaires chez les personnes à haut risque. La cible optimale de réduction de la pression artérielle chez les individus à haut risque cardiovasculaire demeure incertaine. L’étude ESPRIT a pour but de montrer les bénéfices d’un contrôle plus strict de la pression artérielle avec un objectif de pression artérielle systolique (PAS) 120 mmHg par rapport à un contrôle standard chez les patients souffrant d’hypertension. Méthodes L’essai ESPRIT est un essai chinois multicentrique, en ouvert, randomisé, mené sur 116 sites et évaluant l’efficacité et la sécurité d’une stratégie de contrôle intensif de la pression artérielle (objectif de PAS 120 mmHg) par rapport à une stratégie standard (objectif de PAS 140 mmHg). Pour être inclus, les patients devaient avoir au moins 50 ans et présenter : – une PAS entre 130 et 180 mmHg ; – un risque cardiovasculaire élevé défini comme une maladie CV avérée ou au moins 2 facteurs de risque parmi les âges ≥ 60 ans (ou ≥ 65 ans pour les femmes), diabète, tabagisme actif et dyslipidémie. Les patients étaient exclus s’ils présentaient : – une HTA secondaire ; – une hypotension orthostatique définie par une PAS 110 mmHg, mesurée 1 minute après le lever ; – une dysfonction VG sévère (FEVG 35 %) ; – une insuffisance rénale (DFG 45 mL/min/1,73 m 2). Les patients étaient alors randomisés en 1 pour 1 dans un groupe traitement intensif (PAS 120 mmHg) ou traitement standard (PAS 140 mmHg). Le critère de jugement principal était composite et comprenait les infarctus du myocarde, les revascularisations coronaires ou non, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, les AVC ou les décès cardiovasculaires. Les critères de jugement secondaires reprenaient ceux du critère principal ainsi que la mortalité toutes causes, la survenue d’une insuffisance rénale ou d’une altération des fonctions cognitives. Résultats Au total, 11 255 patients ont été randomisés dans un bras « stratégie intensive » avec un objectif 120 mmHg (n = 5 624) et un bras « stratégie standard » avec un objectif 140 mmHg (n = 5 631). Les groupes étaient comparables avec un âge moyen de 65 ans, une majorité d’hommes (59 %) et une pression artérielle de 147/83 mmHg en moyenne à l’inclusion. Au terme d’un suivi médian de 3,4 ans, il existait une différence statistiquement significative en faveur de la stratégie intensive sur le critère de jugement principal avec un HR = 0,88 [IC95% = 0,78-0,99], p = 0,03 ainsi que sur la mortalité toutes causes (figure 3). Figure 3. Critère de jugement principal (à gauche) et mortalité toutes causes dans le groupe stratégie intensive (en bleu) et standard (en rouge). NNT = nombre de patients à traiter. Il était nécessaire de traiter de manière « intensive » 74 patients pour éviter un événement du critère de jugement principal ainsi que 119

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