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Coronaires

Publié le  Lecture 15 mins

La cardiologie non invasive : pour quoi faire ?

M. LEVY, F. POUILLART, T. PEREZ, P. JESSEN, HEP La Roseraie, GVM Aubervilliers

En 1974, Gould décrivit les effets d’une sténose coronaire d’installation progressive, sur le débit au repos et après vasodilatation pharmacologique. Il montra qu’une réduction du diamètre supérieure à 50 % entraîne une limitation du débit coronaire après vasodilatateur coronarien et qu’une réduction de 85 % de ce diamètre est associée à une diminution du débit coronarien en dehors de tout stress pharmacologique. 
Ainsi est née la notion de sténose hémodynamiquement significative, c’est-à-dire au-delà de 50 % de la réduction du diamètre. À partir de là allaient s’enchaîner une succession d’énoncés d’apparentes évidences, associant sténose supérieure à 50 % et ischémie.  

Définition de l’ischémie – Influence du pronostic Effectivement le maître mot dans la maladie coronaire est « l’ischémie ». Ce mot est très fortement lié dans l’esprit du cardiologue à « sténose coronaire ». Cette dernière est le plus souvent appréciée de façon visuelle, c’est-à-dire subjective. Le diagnostic d’ischémie est donc souvent porté sur une lésion anatomique, de façon par ailleurs variable d’un observateur à l’autre alors que l’ischémie est une notion fonctionnelle. L’ischémie est une notion fonctionnelle C’est d’abord une diminution de la perfusion d’un segment myocardique après un stress s’améliorant au repos, ou bien c’est l’amélioration d’un trouble de la cinétique s’améliorant au repos. Ces constatations posent avec une certaine probabilité le diagnostic d’insuffisance coronaire. Cependant, il y a eu ces dernières années une révolution dans le mode de raisonnement : la notion de pronostic du patient a pris le pas sur la constatation de l’anomalie anatomique. De très nombreuses études ont conduit à cette interprétation. Par exemple, en scintigraphie cardiaque, des métaanalyses portant sur plusieurs dizaines de milliers de patients ont montré que le pronostic de survenue d’un événement cardiaque majeur est 1 % par an en cas de scintigraphie normale. Il est important de bien comprendre que cette valeur pronostique est annoncée sans connaissance de l’anatomie des coronaires. Ce type de raisonnement a des implications importantes sur la prise en charge, puisque de très nombreuses études montrent que très peu de patients avec scintigraphie normale auront une coronarographie précoce. C’est en ce sens que la notion de pronostic a bouleversé le mode de raisonnement, puisque l’on ne cherche plus à faire référence à des lésions anatomiques pour adopter une attitude thérapeutique. Nécessité de conforter cette attitude diagnostique : études cliniques et imagerie Des études plus précises, notamment incluant des patients avec des lésions coronaires documentées ont été conduites. Sans vouloir faire un énoncé exhaustif de tout ce qui a été publié ces dernières années, rappelons l’étude COURAGE ( NEJM 2007). Celle-ci démontre, chez des patients, tous coronarographiés, présentant des sténoses coronaires et un angor stable, qu’il n’y a pas de différence significative dans la survenue d’événements cardiaques majeurs (décès, infarctus, revascularisation et même persistance de douleur thoracique) que le patient soit sous traitement médical optimal ou qu’il soit sous ce même traitement associé à une angioplastie. Cette étude a été confortée par d’autres essais et par une métaanalyse récente portant sur 7 229 patients ( Arch Intern Med 2012). En outre, un travail prospectif publié dans le JAMA en 2011 sur 144 737 angioplasties faites dans 1 091 hôpitaux aux États- Unis chez des patients ne présentant pas un syndrome coronarien aigu, a montré que 50 % sont considérées comme appropriées, 38 % comme douteuses et 12 % comme inappropriées, avec de plus des variations significatives d’un centre à l’autre. D’où la nécessité, selon les auteurs, de mieux évaluer les indications d’angioplastie. La paramètre « ischémie » : savoir si elle existe et mieux encore en évaluer l’étendue est actuellement déterminant pour poser éventuellement les indications de revascularisation. Ainsi, Hachamovitch (Circulation 2003 ) a présenté un travail utilisant la scintigraphie cardiaque qui retrouve qu’en dessous de 10 % d’ischémie la mortalité est supérieure postangioplastie que sous traitement médical, et qu’au-delà de 10 %, la tendance s’inverse. Plus précisément, en l’absence totale d’ischémie, la mortalité est de 0,7 % alors qu’elle est de 6,3 % pour les patients revascularisés, et si l’ischémie est de 20 %, la mortalité postrevascularisation n’est que de 2 % contre 6,7 % pour le traitement médical. Cette étude a l’intérêt de donner un chiffre d’or : 10 % d’ischémie sont corrélés à un risque significatif nécessitant probablement une revascularisation. Intérêt de la FFR La mesure de la réserve coronaire (FFR), réalisée en coronarographie en déterminant la perte de charge de part et d’autre de la sténose après injection intracoronarienne d’un vasodilatateur, est un important marqueur d’ischémie. Pour mémoire, les valeurs de normalité (> 0,8) ont été déterminées grâce à des corrélations faites avec les techniques non invasives de scintigraphie et d’écho-stress prises comme référence. L’étude FAME I (NEJM) montre qu’il est préférable, en termes de survie à 1 an, de pratiquer une angioplastie après avoir réalisé une FFR que de la faire sur l’appréciation visuelle de la sténose. L’étude FAME II (NEJM) montre la très forte valeur prédictive de la survenue d’événements indésirables si l’existence d’une ischémie a été mise en évidence par la mesure de la réserve coronaire (FFR). Il faut rester critique et vigilant Ainsi, d’une part, l’absence d’ischémie semble de bon pronostic (Hachamovitch) et, d’autre part, l’existence de lésions anatomiques connues avec un angor (étude COURAGE) ne semble pas globalement améliorer le pronostic du malade, qu’il soit revascularisé ou traité médicalement. Mais ceci n’est pas une vérité absolue et il faut affiner notre raisonnement. Dans les populations à scintigraphie normale, l’appréciation clinique doit inciter à la prudence. Certaines sous-populations à scintigraphie normale un jour peuvent voir leur statut évoluer, tels les diabétiques. La maladie athéromateuse étant évolutive, les études dites de garantie montrent qu’une scintigraphie normale ne garde sa valeur pronostique initiale valide que pendant 2 ans. C’est dire qu’il faut toujours préciser au patient que, même si son examen est normal, il est porteur d’une maladie évolutive, liée à des facteurs de risque plus ou moins bien contrôlés et que le bon pronostic d’aujourd’hui est susceptible de changer demain. Le suivi et l’observance thérapeutique sont donc très importants. Comment faire alors pour détecter ces malades avant d’en arriver à un geste en urgence ? Autrement dit, comment détecter les patients de moins bon pronostic dans une population globalement de bon pronostic ? Par exemple, l’étude COURAGE n’a pas pris en compte le statut ischémique des patients. Cependant, une sous-étude de COURAGE portant sur 374 patients suivis 18 mois ayant pour but de rechercher les malades avec une réduction en scintigraphie de l’étendue de l’ischémie de > 5 % en valeur absolue a montré que : • la réduction de la taille de l’ischémie est plus significative chez les patients avec angioplastie + traitement médical que chez les patients traités seulement médicalement (-2,7 % vs -0,5 %) ; • les patients ayant une réduction de l’étendue de l’ischémie ont un risque moindre de mortalité ou d’infarctus quel que soit le traitement. Ainsi, il y a 0 % de mortalité et d’infarctus dans le suivi s’il y a 0 % d’ischémie, alors que le taux d’événements est de 39 % s’il y a 10 % d’ischémie résiduelle. Les auteurs confirment le message de l’étude COURAGE, c’est-à- dire ne pas faire d’angioplastie systématique, mais qu’il pourrait être utile de détecter l’ischémie de façon à adresser à la revascularisation les patients traités médicalement et présentant une ischémie résiduelle significative. Cette nécessité de quantification a entraîné un fort développement des logiciels de quantification de l’ischémie en scintigraphie et l’on doit prendre en compte la taille de l’ischémie dans les rapports. Quels examens pour évaluer l’ischémie ? Nous voilà donc face au paramètre majeur : « la taille de l’ischémie » et sa détection. De nombreuses techniques d’imagerie cardiaque non invasives sont disponibles : scintigraphie d’effort, IRM, écho d’effort, écho dobutamine, scanner coronaire, FFR. Aucune technique ne détient la vérité absolue au point de rendre caduque, quelles que soient les circonstances, les autres techniques. Par ailleurs, il n’y a pas un algorithme décisionnel unique, qui puisse servir de référence absolue à notre conduite diagnostique et thérapeutique. Mais il nous semble que l’association de certaines d’entre elles peut améliorer notre efficacité tant sur le plan médical qu’économique. La scintigraphie Avant d’aller plus loin, nous rappellerons brièvement les caractéristiques de la scintigraphie, puis essayer de montrer comment elle peut s’associer au scanner, qui est une technique non fonctionnelle, et à la FFR qui est une technique invasive et fonctionnelle. La scintigraphie de perfusion est la technique qui a le plus de références et d’ancienneté et qui est à l’origine de la notion de pronostic. C’est une technique robuste, bien codifiée, avec plusieurs millions d’examens réalisés annuellement dans le monde (9 millions/an aux États-Unis, 300 000/an en France, etc.). De plus, la mise sur le marché récente des caméras à acquisition rapide (CZT) permet de faire une acquisition en 4 minutes, avec une excellente résolution, ainsi que la détermination couplée de la perfusion, de la cinétique, de la FEVG et des volumes. Et cela, à la suite d’une épreuve d’effort classique, dont on connaît l’intérêt clinique que lui porte le cardiologue, ou bien au décours d’un test vasodilatateur si nécessaire, couplé ou non à une épreuve d’effort. De plus, l’irradiation est extrêmement faible, moins de 2 mSv pour un examen normal et la technique est peu opérateur-dépendante. Le scanner coronaire Il importe de le positionner par rapport aux examens fonctionnels. Son grand avantage est qu’il est reconnu comme ayant une excellente valeur prédictive négative d’insuffisance coronaire. Mais dans la pratique on est souvent gêné par les calcifications coronaires qui peuvent rendre très difficile l’évaluation correcte de l’éventuelle sténose. Et les calcifications sont très fréquentes chez les sujets âgés. Enfin, et surtout, il n’est pas en mesure de préciser si une sténose est hémodynamiquement significative et l’on sait maintenant combien est importante la détection de l’ischémie dans le choix de la

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