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Les indications des assistances ventriculaires
N. AISSAOUI, Clinique de chirurgie cardiaque et thoracique, Centre du cœur et du diabète, HDZ NDR Bad Oeynhausen (Allemagne) et Nicolas DANCHIN, HEGP, Paris

Etant donné l’augmentation croissante du nombre de patients insuffisants cardiaques en France et le vieillissement de la population, l’assistance ventriculaire va devenir une thérapeutique incontournable non seulement chez les patients candidats potentiels à une transplantation cardiaque, mais aussi en thérapie définitive. Reste à évaluer le coût en termes humains et financiers d’une telle prise en charge, mais aussi à savoir si la France a les moyens d’y faire face.
Dans les pays occidentaux industrialisés, on estime que la prévalence globale de l’insuffisance cardiaque cliniquement documentée est comprise entre 3 et 20 cas pour 1 000 habitants. Le taux excède toutefois 100 cas pour 1 000 parmi les sujets âgés de 65 ans ou plus. La prévalence globale de l’insuffisance cardiaque dans les pays occidentaux est en augmentation constante en raison à la fois de l’accroissement de la survie après un infarctus myocardique aigu et de l’allongement de l’espérance de vie. L’insuffisance cardiaque terminale (ICT), encore appelée insuffisance cardiaque stade IV ou D, est définie par une dysfonction ventriculaire gauche majeure et irréversible ainsi que des symptômes classe III/IV NYHA (dyspnée, œdème aigu du poumon, ascite, voire choc cardiogénique) réfractaires au traitement médical. Elle représenterait 2 à 5% des insuffisances cardiaques globales. La mortalité à 1 an est supérieure à 50% chez les patients en ICT et à 80% en cas de choc cardiogénique. Les patients en ICT doivent bénéficier d’un traitement médical (diurétiques et inotropes positifs en phase de décompensation, puis inhibiteurs de l’enzyme de conversion [IEC] ou antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II [ARA II], bêtabloquants, antialdostérone à distance) et peuvent bénéficier d’un stimulateur cardiaque multisite en cas d’asynchronisme cardiaque. Si les symptômes persistent et en l’absence de contre-indication, le traitement de choix est la transplantation cardiaque (TC). La principale limite de la TC est la pénurie de greffons. Ainsi 10 à 20% des patients en attente d’une greffe cardiaque décèdent chaque année. De plus, le nombre d’insuffisances cardiaques augmente contrairement au nombre de greffons. Le développement de machines totalement implantables ou assistance ventriculaire devient indispensable et permet de pallier en partie la pénurie de greffons cardiaques. Les assistances ventriculaires L’assistance ventriculaire est une assistance mécanique qui permet de pallier le cœur défaillant. Les classifications de l’assistance ventriculaire sont nombreuses et parfois complexes, pouvant rendre la compréhension difficile. Les assistances ventriculaires peuvent être définies par le type de ventricule assisté (ventricule gauche ou ventricule droit), leur caractère uni- et biventriculaire, leur situation (extra- ou paracorporelle), le type de flux (pulsatile ou continu) et leurs « indications » transitoires ou à plus long terme. Généralités Avant d’aller plus en avant, il est nécessaire d’expliquer la différence entre une assistance circulatoire et un cœur artificiel total. • Une assistance circulatoire est implantée en parallèle du cœur, donc, par définition, le cœur natif est laissé en place. Il s’agit le plus souvent d’une assistance ventriculaire gauche : dans ce cas, le sang des cavités cardiaques gauches (souvent du ventricule gauche) est dérivé dans une pompe par l’intermédiaire d’une canule (« Inflow » cannula). Le sang est réinjecté dans l’aorte par une autre canule (« Outflow » cannula). Dans le cas d’une assistance ventriculaire droite, le sang provenant des cavités cardiaques droites (souvent de l’oreillette droite) est dérivé dans une pompe et réinjecté dans l’artère pulmonaire. Il est possible d’utiliser simultanément les deux configurations pour réaliser une assistance biventriculaire. Les pompes peuvent être placées à l’extérieur du corps, et on parle alors d’assistance paracorporelle. Lorsque qu’elles sont placées à l’intérieur, on parle de système implantable. • Le cœur artificiel est placé en série sur la circulation. Le cœur natif est alors réséqué et les 2 ventricules artificiels sont placés entre l’oreillette droite et l’artère pulmonaire à droite et entre l’oreillette gauche et l’aorte. En comparaison des systèmes d’assistance circulatoire, le cœur artificiel a pour avantage d’éliminer certains problèmes inhérents à la conservation du cœur natif : troubles du rythme, formation de caillots, dysfonctions valvulaires. En revanche, en cas de panne, les assistances circulatoires ont pour avantage le fait que le cœur natif peut prendre le relais pour assurer la survie du patient, ce qui n’est pas le cas avec le cœur artificiel total dont le fonctionnement doit être infaillible. Les assistances ventriculaires en fonction du type de fonctionnement On distingue deux types de fonctionnement : pulsatile et continu. Les assistances circulatoires mécaniques à débit pulsatile Le sang entre par une canule et remplit une chambre. Une pression pneumatique ou électrique collabe la chambre qui réinjecte le sang dans la circulation systémique via une canule d’éjection. Cette assistance peut être gauche, droite ou biventriculaire. Les assistances circulatoires mécaniques à débit pulsatile reproduisent fidèlement le fonctionnement du cœur et permettent d’assurer un débit sanguin pulsé similaire à la circulation naturelle. Les patients assistés par ce genre d’assistance ont un pouls palpable et une pression artérielle mesurable générés par le débit de la pompe. L’inconvénient tient au fait que ces pompes sont activées par une énergie pneumatique et doivent donc être connectées à des consoles imposantes. De plus, elles présentent certains inconvénients inhérents à leurs caractéristiques physiques et à leur mode de fonctionnement (volumineuses, présence de valves, faible rendement énergétique, bruit), exposant les patients à une incidence élevée de complications, notamment thromboemboliques. Les assistances circulatoires mécaniques à débit continu Ce sont des assistances plus récentes actionnées par des turbo-pompes. Un système de turbine à flux axial ou centrifuge propulse le sang continuellement dans la circulation générale. Ces pompes, qui génèrent un flux continu, non pulsatile, sont quasiment silencieuses et ne comportent pas de valves. Les autres avantages de ces dispositifs sont leur petite taille, leur situation intracorporelle et leur meilleur rendement énergétique. Elles sont toutes utilisées en assistance monoventriculaire gauche, entre la pointe du ventricule gauche et l’aorte. Les patients assistés n’ont pas de pouls palpable et une pression non mesurable par les brassards automatiques. Les systèmes d’assistance ventriculaire les plus utilisés L’ExtraCorporeal Life Support ou ECLS Il s’agit d’une pompe à débit continu le plus souvent utilisée comme assistance périphérique, qui permet de décharger partiellement ou totalement le cœur. Nous ne parlerons ici que de l’ECLS veino-artérielle. En effet, le même système d’assistance peut être utilisé en veino-veineux, notamment dans les défaillances pulmonaires et est plutôt appelé ECMO ou ExtraCorporeal Membrane Oxygenation. Dans la pratique clinique courante, le terme d’ECMO est souvent utilisé pour désigner l’ECLS veino-artérielle. L’ECLS est une circulation extracorporelle. Une canule implantée dans l’oreillette droite draine le sang veineux qui est oxygéné à travers un oxygénateur de membrane. Il est réinjecté dans l’aorte à un débit fonction du type d’ECLS. Deux types d’ECLS sont utilisés selon la position des canules : les ECLS périphériques et les ECLS centrales. Dans l’ECLS périphérique, la voie d’abord est fémorale : la canule veineuse est implantée dans l’oreillette droite via la veine fémorale et la canule artérielle dans l’aorte via l’artère fémorale. Les canules, dont la taille varie entre 17 et 19F pour la canule artérielle et 21 et 23F pour la canule veineuse, peuvent être implantées par abord chirurgical ou par voie percutanée selon la méthode de Seldinger. Une canule de réinjection au niveau de l’artère fémorale superficielle permet d’éviter l’ischémie aiguë de jambe. L’ECLS périphérique assure un débit entre 3 et 5 l/min. Elle est la technique de choix dans les situations d’urgence extrême. Dans l’ECLS centrale, la voie d’abord des canules est thoracique, la canule veineuse est implantée dans l’oreillette droite via la veine cave inférieure et la canule artérielle est implantée dans l’aorte ascendante. Le diamètre des canules est plus important : 32F pour la canule veineuse et 19F pour la canule artérielle. Cet abord permet l’adjonction d’une canule de décharge dans l’oreillette gauche ou le tronc de l’artère pulmonaire en cas d’œdème aigu du poumon. L’ECLS centrale assure un débit entre 4 et 6 l/min. L’assistance ventriculaire gauche de type HeartMate II ® (figure 1) Il s’agit d’une assistance intracorporelle à débit continu utilisée uniquement en monoventriculaire gauche. Cette assistance est devenue le « gold standard » (est utilisée en première intention) dans les assistances au long cours. Figure 1. L’assistance ventriculaire gauche de type HeartWare ® (figure 2) Cette assistance est intracorporelle à débit continu, mono-ventriculaire gauche. Son utilisation est en augmentation constante. Quelques cas dans la littérature rapportent l’utilisation du système d’assistance monoventriculaire gauche à débit continu HeartWare ® comme assistance biventriculaire avec des résultats comparables (figure 3). Figure 2. Figure 3. Depuis juin 2010 a débuté l’étude ENDURANCE, une étude approuvée par la FDA, contrôlée multicentrique. Le nombre de patients à enrôler est de 450 dans 50 hôpitaux aux Etats-Unis. Son objectif sera d’évaluer l’utilisation de Heart-Ware ® en destination therapy chez les patients réfractaires au traitement médical, non éligibles à la transplantation cardiaque. L’assistance biventriculaire de type Thoratec ® (figure 4) Il s’agit d’une assistance circulatoire pneumatique paracorporelle. L’intérêt de ce système réside dans le fait qu’il peut être utilisé en assistance monoventriculaire gauche ou droite ou en assistance biventriculaire. Il constitue actuellement le traitement de première intention des défaillances biventriculaires. La compagnie Thoratec a développé une version implantable de son ventricule pneumatique : l’I-VAD ® ( Implantable Ventricular Assist Device) . Figure 4. Le cœur artificiel total CardioWest ® (figure 5) Le
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