



Rythmologie et rythmo interventionnelle
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La stimulation cardiaque - Évolution et perspectives en pratique clinique
C. BARS, J.-M. DARONDEL, J. SEBBAH, P. JORROT, Institut Mutualiste Montsouris, Paris Hôpital privé des Peupliers, Paris

Par rapport à d’autres champs d’expertise de la rythmologie, en particulier l’électrophysiologie et l’ablation, on pourrait croire à une certaine forme de « stabilité » dans le domaine de la stimulation cardiaque. La réalité est bien différente puisque l’évolution est constante et les innovations nombreuses. Une sonde, deux sondes, trois sondes, pas de sonde… Voire pas de stimulation… Entre rappel historique, indications et progrès récents, quelques clés pour aider la pratique clinique au quotidien.
La stimulation cardiaque : le passé, le présent et l’avenir L’ère des pionniers Si la simple idée de Luigi Galvani a confirmé au XVIII e siècle la possibilité d’une contraction musculaire à la suite d’une stimulation électrique, ce n’est que bien plus tard, au début du XX e siècle que l’on commença réellement à s’intéresser à la stimulation cardiaque. C’est d’abord, on l’a oublié, en 1917, un Français du nom de Marmorstein qui confirma la possibilité de stimuler le nœud sinoauriculaire et les ventricules de chiens, avant que le premier stimulateur cardiaque externe, sous forme d’une énorme machine, fît son apparition en 1931, sous l’impulsion d’Albert Hyman travaillant à New York. Cette machine, fonctionnant à l’aide d’une manivelle et d’un magnéto, produisait de l’électricité que l’on amenait au cœur en enfonçant une aiguille à travers la paroi thoracique… Ce premier appareil de stimulation cardiaque externe reçut pour la première fois le nom de « pacemaker » (figure 1). Figure 1. L’aventure était née et devait faire de ce futur bijou de technologie, l’appareil intracorporel le plus implanté au monde. Dans les années 50, le Dr Walton Lillehei, un des pionniers de la chirurgie cardiaque constatait qu’un des grands freins dans la progression de sa spécialité était représenté par des troubles conductifs pré- et postopératoires majeurs et développa le premier stimulateur cardiaque externe facilement mobilisable. Il étudia avec un certain Earl Bakken, futur fondateur de la firme Medtronic, la possibilité d’un stimulateur cardiaque fonctionnant à l’aide d’un métronome à transistor, le stimulateur étant mû par des piles au mercure produisant un courant de 9 volts, et étant porté en bandoulière après avoir été relié au patient par des électrodes épicardiques (figure 2). Ce premier jeune patient a pu bénéficier de ce type d’appareillage transitoirement, après sa chirurgie cardiaque et a pu en être libéré quelques jours plus tard, son rythme cardiaque étant réapparu par la suite, comme c’est assez souvent le cas. La firme Medtronic rechercha alors avec l’aide de chercheurs et de médecins new yorkais les possibilités de miniaturisation et de commercialisation de cet appareil, et le premier « pacemaker intracorporel autonome » fut implanté en Suède (Elmquist et Senning) en 1958. Figure 2. Ce premier modèle, coulé dans une résine époxy, avec une source d’énergie provenant d’une pile nickel-cadmium (figure 3), fut remplacé peu à peu à travers des innovations technologiques et informatiques majeures (figure 4). Figure 3. Figure 4. Les grandes étapes de ces innovations : • Utilisation de pile au mercure au début des années 60. • Invention de la stimulation double chambre en 1962. • De 1962 à 1965 : introduction des sondes endocavitaires. • Concept de stimulation sentinelle. • Utilisation (certes transitoire) de l’énergie atomique. • 1972 : utilisation de l’énergie qui prédominera jusqu’à aujourd’hui, à savoir la pile au lithium iode, augmentant notablement la durée de vie de ces boîtiers. • 1972 : le pacemaker devient multiprogrammable de l’extérieur. • 1972 à 1979 : amélioration de cette programmabilité et diminution parallèle de la taille des boîtiers. • 1979 : application de la télémétrie externe à la surveillance des piles et des sondes. • 1983 : utilisation de multiples capteurs physiologiques, et principalement des capteurs de mouvement dans la correction de la fonction chronotrope (systèmes d’ asservissement multiples). • 1990 : création de PM double chambre à sonde unique. • 1995 : les premiers pas de la stimulation triple chambre (resynchronisation) et donc de l’extension des indications de la stimulation classique vers le « traitement électrique de l’insuffisance cardiaque ». Les dernières innovations Les nouveaux modes de programmation Si la miniaturisation des boîtiers n’est plus le cheval de bataille des constructeurs (les PM actuels étant pratiquement inapparents sous la peau), ceux-ci ont redoublé d’ingéniosité dans l’amélioration des composants électroniques, et c’est incontestablement dans ce domaine et celui des améliorations des modes de programmation que les recherches se sont concentrées. Notamment, les programmations privilégiant la conduction autonome découlent directement des constatations faites en matière de stimulation hémodynamique. La stimulation AAI-Safe-R, ou MVP, a transformé notre façon d’appréhender la stimulation des patients non dépendants et chez qui les anciens modes de programmation permanents pouvaient s’avérer souvent délétères. Ces algorithmes permettent une stimulation auriculaire seule (AAI) avec bascule dans le mode DDD après 1, voire 2 ondes P bloquées, ce qui, à l’œil non averti, peut poser des problèmes d’interprétation, à l’origine de quelques coups de téléphone angoissés… du cardiologue traitant. Certains algorithmes tendent à prévenir les passages en fibrillation atriale (FA), par des stimulations atriales préventives associées à des ATP (antitachycardia pacing) au tout début d’éventuels passages en tachycardie atriale (on note moins de FA soutenues en associant le mode MVP au mode DDDRP (étude MINERVA). D’autres algorithmes prévoient des réponses à des chutes de fréquence dans les syndromes vasovagaux invalidants permettant d’élargir les indications de la stimulation définitive dans ce domaine. Les systèmes espions Depuis longtemps les mémoires embarquées sont connues, mais deviennent de plus en plus sophistiquées, et, en plus des fonctions holters habituelles, de plus en plus détaillées, et des histogrammes permettant une meilleure identification des arythmies, ont été ajoutés des paramètres de surveillance hémodynamique, comme par exemple des mesures d’étirement et d’impédance des sondes et également de l’impédance intrathoracique venant témoigner et prévenir de la congestion à un stade préclinique… Par ailleurs, notamment sur les stimulateurs-resynchronisateurs les plus récents, de nouveaux capteurs internes permettent d’évaluer la réponse à la resynchronisation et d’adapter au mieux les délais interventriculaires et le délai A-V. Le stade actuel n’atteint pas encore un degré de spécificité exemplaire, mais a le mérite d’ouvrir la voie vers un contrôle automatisé du fonctionnement de ces prothèses. Un chapitre à part entière concerne la transmission des données par télécardiologie (un petit émetteur-récepteur placé auprès du patient permet en permanence avec une grande fiabilité de transmettre des données techniques et rythmiques par un système GSM), technique qui a pour avantage de désencombrer les centres de contrôle, et de répondre le plus rapidement aux alertes récupérées par ces centres de réception des données (troubles du rythme, modification brutale d’impédance d’une sonde témoignant d’une lésion ou d’un déplacement de celle-ci, vieillissement de générateur, surveillance de paramètres hémodynamiques permettant de répondre plus vite à un problème de congestion infraclinique, etc.). Si ces systèmes sont parfaitement au point et fonctionnent quotidiennement dans certains centres, les mises au point et le poids des structures à envisager, en termes humains notamment, représentent encore un frein à la généralisation et à la systématisation de cette technique. Les améliorations des sondes et leur positionnement Les anciennes sondes épaisses, rigides et donc plus fragiles ont été peu à peu remplacées par des sondes dont la finesse et la souplesse assurent désormais une sécurité à long terme proche de 100 % des systèmes de stimulation. Les anciennes sondes passives à barbillons ont peu à peu été remplacées par des sondes actives à vis, droites ou préformées et dont la stabilité s’est révélée bien supérieure, au prix d’une plus grande fréquence de problèmes liés aux effractions. Si la stabilité est meilleure, le choix du site d’implantation est également bien amélioré, ce qui reste capital en matière de stimulation hémodynamique et afin notamment d’éviter que cette stimulation devienne délétère par elle-même… Les blocs de branches gauches sont bien amoindries simplement en évitant la pointe du ventricule droit (VD) et en choisissant au mieux le site de stimulation septale le plus haut situé, près de l’origine du tronc de faisceau de His. Enfin, en matière de resynchronisation, les sondes devant être positionnées dans le réseau veineux coronaire sont désormais préformées afin de se faufiler au mieux dans les méandres de ce réseau et afin d’obtenir une stabilité optimale. Par ailleurs, plusieurs dipôles de stimulation sont positionnés sur ces sondes (en général quadripolaires) afin d’obtenir de plus grandes distances entre les seuils de stimulation et les seuils phréniques. Il est même possible d’envisager désormais, afin d’améliorer le résultat d’une resynchronisation, une véritable stimulation ventriculaire gauche (VG) multipoints à l’aide d’une seule sonde VG… Si les dernières sondes sont donc désormais un concentré de technologie, entrant à part entière dans la réussite du système de stimulation, les recherches actuelles tentent parfois de s’en affranchir avec les stimulateurs sans sonde. Les stimulateurs sans sonde ( cf. article de P. Defaye, Cardiologie Pratique n°1065) En effet, si les sondes ont été améliorées dans leur conception, elles n’en demeurent pas moins le talon d’Achille du système, et leur positionnement endocavitaire toujours susceptible de se compliquer de sepsis et de la plus redoutable des complications, à savoir l’endocardite. Ceci a conduit les constructeurs à imaginer un système se passant de ces électrodes… ce qui pour l’instant ne permet d’envisager qu’une stimulation monochambre, le stimulateur en forme de minicylindre étant largué après cathétérisme veineux fémoral à la pointe du VD où il y sera amarré (figure 5). Figure 5. Et demain Les recherches se concentrent sur les consommations d’énergie (batteries rechargeables de l’extérieur, ou utilisant les battements cardiaques et leur énergie mécanique pour, régénérer en permanence ces batteries
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