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Cardiologie générale

Publié le  Lecture 10 mins

Trucs et astuces pour le diagnostic de syncope cardiaque

A. DA COSTA, C. ROMEYER-BOUCHARD, J.-B. GUICHARD, K. ISAAZ, Service de cardiologie, Université Jean Monnet, Saint-Étienne

Lors de l’évaluation initiale d’une syncope, les principaux objectifs du médecin sont de différencier la vraie syncope cardiaque des équivalents syncopaux, d’en établir le mécanisme ou à défaut de stratifier le patient en fonction de son risque afin de garantir le pronostic à court ou à moyen terme. La démarche clinique habituelle nécessite la mise en oeuvre à la fois de « trucs et astuces » pour l’orientation étiologique, mais aussi une approche méthodique basée sur les recommandations de la Société européenne de cardiologie de 2009. 

La syncope est un symptôme défini comme une perte de connaissance, à début rapide, de durée généralement brève, spontanément résolutive, s’accompagnant d’une perte du tonus postural, avec un retour rapide à un état de conscience normal. Elle est due à une hypoperfusion cérébrale globale et passagère (en moyenne 12 secondes) avec récupération spontanée sans intervention chimique ou électrique (1). Elle est précédée ou non de signes prémonitoires, lorsqu’ils sont présents, ceux-ci sont variables. Les syncopes sont relativement fréquentes et représentent 1 à 3 % des admissions dans les services d’urgence avec une incidence de 6,2 pour 1 000 individus/an rapportée dans l’étude Framingham (2). Cependant, il faut souligner l’augmentation de l’incidence des syncopes avec l’âge, proche de 11,1 épisodes pour 1 000 individus/an entre 70 et 79 ans et qui peut atteindre 19,5 pour 1 000 individus après 80 ans (2). Les conséquences des syncopes cardiaques peuvent être graves, par exemple 10 % des chutes chez les personnes âgées sont secondaires à des syncopes et sont associées dans 6 % des cas à une morbidité significative (fractures, accidents de la voie publique, etc.). Le pronostic des syncopes reste variable selon l’étiologie avec une surmortalité lorsque la cause est cardiaque ou neurologique alors que les syncopes d’origine vagale sont bénignes. E.S. Soteriades et coll. ont également démontré que les patients dont l’étiologie reste inexpliquée étaient aussi à plus haut risque, par conséquent la reconnaissance d’une étiologie cardiaque est fondamentale. Un certain nombre de « trucs et astuces » sont nécessaires dans la prise en charge initiale d’une syncope afin de déterminer l’étiologie et le pronostic de ces patients. La plupart du temps, la stratification clinique (interrogatoire et examen clinique incluant la prise de tension artérielle couché-debout) et l’électrocardiographique (ECG) sont suffisantes pour établir le diagnostic et le pronostic du patient ayant présenté une syncope. Cependant les recommandations de l’ESC 2009 (European Society of Cardiology) ont établi des objectifs précis face à un patient ayant présenté une syncope : différencier les syncopes des malaises mimant les syncopes, établir la cause de la syncope c’est-à-dire le mécanisme avec une forte probabilité, déterminer la présence ou non d’une cardiopathie sousjacente, enfin évaluer le pronostic (risque d’événements cardiovasculaires ou de décès) et le risque de récurrence (3). Première étape Éliminer les équivalents syncopaux ou écarter ce qui n’est pas une syncope Tous les états cliniques pouvant « mimer un malaise » que l’on peut rencontrer dans certaines situations d’urgence doivent être recherchés. Les malaises avec perte de connaissance partielle ou complète mais sans hypoperfusion cérébrale sont à éliminer en premier lieu : une épilepsie, une hypoxémie aiguë, une hypoglycémie, une hyperventilation avec hypocapnie, une intoxication alcoolique aiguë, ou un accident ischémique du tronc basilaire. Rappelons qu’il existe des syncopes avec convulsions caractérisées par une phase initiale d’atonie puis des myoclonies de courte durée avant la reprise de conscience. Elles sont généralement brèves, asymétriques et asynchrones. Certaines épilepsies peuvent aussi s’accompagner de syncope, la syncope ictale survient à la suite d’une asystolie par arrêt sinusal déclenchée par une crise d’épilepsie focale (bradycardie ictale). Par conséquent, l’interrogatoire détaillé de ces patients et de leur entourage est primordial surtout chez les patients avec syncopes répétées sans cause cardiaque retrouvée. Des pathologies sans trouble de conscience peuvent aussi suggérer une syncope ou un malaise, comme certaines formes migraineuses, des syncopes « psychogènes », des troubles du sommeil, une catalepsie, l’apnée du sommeil, un accident ischémique carotidien, des « drop attacks ». Il s’agit là de l’approche clinique initiale indispensable surtout dans le contexte de l’urgence. Deuxième étape L’interrogatoire type et la recherche de signes d’orientation étiologique spécifiques La méthodologie clinique utilisée doit être rigoureuse et M. Brignole et coll. (1) ont ainsi établi les principaux éléments de l’interrogatoire type lors de la prise en charge initiale d’une syncope liés à l’histoire clinique du patient (tableau 1). Plusieurs éléments sémiologiques sont à préciser dans cet interrogatoire : les circonstances de survenue (position, activité, facteurs prédisposants, événements précipitants) ; les signes et symptômes au moment de la syncope (douleurs, palpitations, pâleur, nausées, sueurs, etc.) ; questions sur la syncope (durée, clonies, perte d’urine, morsure de langue, façon de tomber, etc.) ; questions sur le retour à la conscience (confusion, sueurs, nausées, traumatisme, etc.) ; contexte clinique (mort subite familiale, diabète, antécédents cardiaques ou neurologiques, médicaments, et en cas de syncopes récidivantes, information sur les malaises antérieurs). À partir de cet interrogatoire, la sémiologie clinique va avoir une valeur d’orientation étiologique très spécifique. Les exemples les plus connus et caractéristiques sont résumés dans le tableau 2. La maîtrise de la connaissance des principales causes de syncopes et de leur répartition est un autre élément indispensable au cardiologue pour s’assurer d’une recherche étiologique exhaustive et méthodique lors de l’interrogatoire. Ce dernier, après élimination des équivalents de syncope dont nous avons parlé ci-dessus, se fera avec une orientation sémiologique basée sur les quatre grandes classes étiologiques, c’est-à-dire les causes vasovagales, hypotensives, rythmiques ou plus rarement secondaires à des maladies cardiaques structurelles (tableau 3). La prise de la pression artérielle couché et debout pendant 3 minutes fait partie au même titre que l’auscultation de l’examen initial obligatoire. Le test est considéré comme positif lorsque des symptômes sont associés à une chute de la pression artérielle systolique ≥ 20 mmHg ou diastolique ≥ 10 mmHg ou une chute de la pression artérielle systolique 90 mmHg (valeurs données dans les recommandations de la Société européenne de cardiologie, 2009). Au sein même de ces étiologies, la syncope cardiaque demeure l’étiologie la plus redoutée du fait de son risque de récurrence et de son mauvais pronostic. Des caractéristiques sémiologiques spécifiques aux syncopes cardiaques à haut risque doivent être scrupuleusement recherchées : - syncope brutale sans prodrome sans phase postcritique (typique Stroke Adams) ; - syncope avec traumatisme ; - syncope entraînant un accident de la voie publique ; - syncope en présence d’une cardiopathie ; - syncope précédée de palpitations ou dyspnée aiguë ; - syncope en position couchée ; - syncope avec notion de perte d’urine ce qui fait suspecter une origine cardiaque grave, tout comme l’existence de « râles » ou « gasps » ; - syncope d’effort ; - syncope dans un contexte familial de mort subite ; - absence d’élément à faible risque. Troisième étape L’analyse électrocardio graphique L’analyse ECG 12 dérivations est bien sûr une des clés diagnostiques indispensables dans la démarche diagnostique. Afin de dépister ces anomalies ECG, un échantillonnage sur plusieurs secondes est recommandé (12 secondes en moyenne) voire une surveillance télémétrique dans les 24 heures qui suivent la syncope si la sémiologie évoque une cause rythmique ou cardiaque. Une stratification du risque a été ainsi établie dans un consensus d’experts européens basée sur la présence d’une cardiopathie, les anomalies ECG et les éventuelles comorbidités associées (ESC 2009) (tableau 4). Les éléments ECG sont repris en détail dans ce tableau et sont à rechercher systématiquement lors de la première analyse. Des valeurs spécifiques sont à connaître plus particulièrement lorsque une dysfonction sinusale est évoquée ou un BAV de type II. Une analyse spécifique des dérivations précordiales (V1-V2) et du QT est bien sûr indispensable, notamment chez les sujets jeunes lorsqu’une « canalopathie » est évoquée. En général, il faut retenir la très bonne valeur prédictive négative de l’ECG dans toutes les échelles de prise en charge des syncopes ou dans les scores pronostiques. Quatrième étape Les principaux tests diagnostiques ambulatoires ou au lit du malade Le clinicien devra réaliser des examens complémentaires lorsque des éléments d’orientation seront présents dans l’anamnèse, la sémiologie clinique, ou sur l’ECG (tableau 4). Le massage du sinus carotidien par exemple est recommandé chez les patients âgés de plus de 40 ans souffrant d’une syncope d’origine inconnue après l’évaluation initiale. Il convient d’éviter le massage en cas de pathologie artérielle connue (sténose) ou suspectée (souffle, antécédents d’AIT ou d’AVC) de l’artère carotide. La surveillance ECG et la mesure de la pression artérielle continue pendant le massage carotidien sont obligatoires. On recommande une durée de massage de 5 secondes au minimum et 10 secondes au maximum. Le massage carotidien est réalisé en décubitus dorsal puis debout sur une table basculante, côté droit, puis gauche. Le diagnostic est certain si une syncope ou une lipothymie est reproduite pendant ou immédiatement après le massage en présence d’une asystolie dépassant 3 secondes et/ou une chute de la pression systolique de 50 mmHg ou plus. Une réponse positive permet d’établir le diagnostic de la cause de la syncope en l’absence de tout autre diagnostic. Si l’on suspecte une syncope arythmique, le monitorage ECG continu devra être réalisé soit par surveillance télémétrique, soit par holter plus ou moins longue durée. Dans les dernières recommandations, l’échocardiogramme doit être pratiqué en cas de cardiopathie connue, sur des données évoquant une cardiopathie sous-jacente ou encore devant toute syncope d’origine cardiovasculaire (ESC 2009). C’est un outil qui paraît à l’évidence indispensable lorsque la sémiologie évoque une

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