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Thérapeutique

Publié le  Lecture 16 mins

Faut-il revasculariser ou non les patients coronariens stables ?

J.-G. DILLINGER, P. HENRY, Hôpital Lariboisière, Paris

Alors que les nouvelles recommandations européennes sur la revascularisation myocardique ont été publiées cette année, nous célébrons le 51e anniversaire des premières interventions de pontages aorto-coronaires réalisées en 1964. Depuis cette période, la revascularisation myocardique des patients coronariens a considérablement progressé, que ce soit par chirurgie cardiaque avec le choix des greffons artériels ou que ce soit par angioplastie avec l’amélioration des « devices ». L’ensemble de ces progrès a abouti à une baisse régulière des événements cardiovasculaires chez nos patients coronariens stables. De la même manière, l’évolution constante de la pharmacopée (aspirine, bêtabloquants, statines, inhibiteurs de l’enzyme de conversion, etc.) a permis d’offrir un traitement médical optimal à nos patients, améliorant leur qualité de vie et leur pronostic. Mais avec un tel éventail de médicaments, faut-il encore revasculariser nos patients coronariens stables en 2015 ? Si oui, lesquels et comment ? Voici quelques éléments de réflexion issus de l’« evidence based medicine » et de notre « experience based medicine ».

Qu’est-ce que l’angor stable ? La maladie coronaire stable est caractérisée par des épisodes réversibles d’ischémie myocardique qui sont inductibles par l’exercice, l’émotion ou un autre stress et qui sont reproductibles pour un même niveau de stress. Ces épisodes sont couramment associés à un angor mais peuvent être asymptomatiques. La maladie coronaire stable inclut aussi le patient stable, souvent asymptomatique, après un syndrome coronaire aigu et le patient asymptomatique avec une ischémie myocardique silencieuse comme le patient diabétique. Le caractère stable de la maladie est défini par l’absence d’évolutivité dans le temps de cet angor ou de ces lésions. Bien sûr, la première chose sera de s’assurer que le patient ne présente pas un syndrome coronaire aigu (évolutivité de l’angor, signes ECG, élévation de troponine, etc.) auquel cas la conduite thérapeutique sera complètement différente. De plus, nous n’évoquerons pas ici les cas particuliers de l’angor spastique et de l’atteinte microvasculaire. Quels sont sa fréquence et son pronostic ? La prévalence de l’angine de poitrine est difficile à définir de façon précise. De façon constante dans la littérature, elle augmente avec l’âge dans les deux sexes (5-7 % chez les hommes et les femmes âgés de 45-64 ans à 10-12 % chez les femmes âgées de 65-84 ans et 12-14 % chez les hommes âgés de 65 à 84) (1). Chez de nombreux patients, les premières manifestations de la maladie coronaire peuvent être une dysfonction endothéliale et/ou une atteinte microvasculaire (ex : impuissance) et ces signes sont associés à un risque augmenté de maladie coronaire. Concernant le pronostic, les études cliniques les plus récentes comme les registres retrouvent des taux de mortalité annuelle d’envi ron 2 % par an (2-5). Toutefois, au sein de cette population avec une maladie coronaire stable, le pronostic individuel peut varier considérablement en fonction des caractéristiques cliniques (sévérité de l’angor), des caractéristiques anatomiques (lésions multiples ou du tronc commun, fraction d’éjection ventriculaire gauche, etc.) et des autres comorbidités (âge, insuffisance rénale, diabète, etc.). Chez les patients à haut risque (diabète, antécédent d’IDM, maladie artérielle périphérique), la mortalité annuelle peut atteindre 4 % comme dans le registre REACH (6). Quel traitement médical optimal ? La revascularisation myocardique n’est pas une alternative au traitement médical. Ce dernier est systématique, que l’on envisage ou non une revascularisation. Ce traitement médical a d’abord pour but de soulager les symptômes (et d’améliorer la qualité de vie) mais surtout d’éviter les événements cardiovasculaires aigus (figure 1). Les statines et les antiagrégants plaquettaires (aspirine ou clopidogrel) sont les seuls médicaments qui contribuent à améliorer le pronostic des patients avec les bêtabloquants et les IEC en cas de dysfonction ventriculaire gauche. Le traitement médical s’intègre dans une prise en charge globale des facteurs de risque (LDL 0,7 g/l, pression artérielle 140/90 mmHg) auquel doit s’associer l’exercice physique (dans le cadre ou non d’une réadaptation cardiaque) et la modification du style de vie (sevrage tabagique, régime alimentaire équilibré, etc.). L’ensemble de cette prise en charge optimale comme dans l’étude COURAGE permet de réduire la mortalité cardiovasculaire à moins de 1 %/an dans cette population (7,8). Figure 1. Traitement médical du patient coronarien stable d’après les recommandations ESC 2013 (9). Quantifier l’ischémie myocardique ? La quantification de l’ischémie myocardique ou de la sévérité des lésions est fondamentale pour guider la revascularisation. Le premier examen complémentaire indispensable est l’échographie cardiaque qui permettra de déterminer la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG), de mettre en évidence des troubles de cinétique et d’appréhender l’ischémie de façon indirecte. Le registre CASS a bien montré qu’une FEVG altérée était l’élément le plus fort pour prédire un mauvais pronostic. La survie sans mortalité à 12 ans dans ce registre était de 73 % en cas de FEVG ≥ 50 %, de 54 % en cas de dysfonction VG modérée (entre 35 et 50 %) et de 21 % en cas de dysfonction VG sévère (≤ 35 %). L’échographie cardiaque a donc un rôle pronostique déterminant. Pour quantifier l’ischémie de façon plus précise, un examen complémentaire de stress ou une imagerie coronaire est nécessaire, pas tant pour confirmer le diagnostic, mais pour établir le pronostic à moyen et long terme. Le choix de l’examen de dépistage fait souvent l’objet de controverse. Toutes ces techniques ont toutes des avantages mais aussi des limites. Le choix du test doit s’effectuer en fonction du profil du patient notamment son niveau de risque (appelé aussi probabilité prétest), et des possibilités locales. L’accès à plusieurs techniques de quantification d’ischémie ne peut être qu’un avantage pour le cardiologue pour orienter son patient vers l’examen le plus pertinent. Les indications des différentes techniques et leur sensibilité et spécificité respectives sont présentées dans le tableau 1. Une coronarographie devra être proposée chez les patients dont le test de dépistage a mis en évidence une ischémie significative. L’échographie cardiaque avec analyse de la FEVG est un élément majeur pour le pronostic du coronarien stable et pour guider la revascularisation. Quel patient angineux stable coronarographier d’emblée ? La coronarographie est rarement nécessaire en première intention pour établir le diagnostic de maladie coronaire. Elle peut être envisagée chez certains patients où aucun examen non invasif ne sera contributif, ce qui reste assez rare. En revanche, il est justifié de proposer l’examen en première intention pour établir la sévérité des lésions chez les patients avec une altération de la fonction ventriculaire gauche ( 50 %). Les patients avec une dysfonction VG ont une mortalité annuelle ≥ 3 % même sans facteurs de risque associés et il est donc important de ne pas omettre une maladie coronaire sousjacente. Par ailleurs, chez les patients avec une probabilité quasi certaine de maladie coronaire (essentiellement chez les hommes de plus de 60 ans avec un angor typique) ou des symptômes sévères (angor au moindre effort/CCS3), il semble licite de pratiquer directement une coronarographie d’évaluation, ce qui ne veut pas dire forcément revascularisation. Chez ces patients, le but de cet examen sera de dépister les lésions menaçantes telles que des lésions bitronculaires ou tritronculaires ou une lésion significative du tronc commun ou de l’IVA proximale qui laisse préjuger d’une ischémie étendue. Toujours dans le registre CASS, la survie des patients traités médicalement à 12 ans était de 91 % en l’absence d’atteinte coronaire contre 74 % chez le patient monotronculaire, 59 % chez le patient bitronculaire et 50 % chez les patients tritronculaires. Quel patient angineux stable coronarographier après un test d’ischémie ? R. Hachamovitch et coll. ont montré que chez les patients avec une ischémie myocardique ≥ 10 %, le traitement médical ne suffisait pas pour prévenir les événements cardiovasculaires (figure 2) (10). L’étude scintigraphique de l’étude COURAGE (11) a aussi démontré que le taux d’événements (décès, infarctus) augmentait de façon significative dès 5 % d’ischémie (23 % vs 0 % en l’absence d’ischémie) et atteignait même 39,3 % chez les patients avec une ischémie étendue (≥ 10 % du myocarde). Il faut donc proposer une coronarographie aux patients avec une ischémie myocardique ≥ 10 % ce qui correspond en fonction des tests de dépistage à : – une ischémie ≥ 2 segments sur 17 à la scintigraphie myocardique ; – une anomalie de contraction de ≥ 3 segments sur 17 en échographie de stress ; – une anomalie de contraction de ≥ 3 segments sur 17 ou une ischémie réversible de ≥ 10 % (soit ≥ 2 segments/17) du myocarde en IRM de stress ; – un score de Duke (calculé à partir de la durée d’exercice, de la sévérité de l’angor et de l’importance du sous-décalage du segment ST) prédisant un taux de mortalité ≥ 3 % à l’épreuve d’effort. Figure 2. Différence entre le traitement médical et la revascularisation myocardique chez le patient coronarien stable en fonction de l’importance de l’ischémie (Hachamovitch R, Circulation 2003). Quels patients coronariens stables revasculariser ? Le but de la revascularisation peut être double : soulager les symptômes notamment en cas d’échec du traitement médical (ce qui est assez rare) mais surtout modifier le pronostic cardiovasculaire du patient et éviter les événements futurs. Il est important de se rappeler que lorsqu’on prend en charge un patient coronarien en général entre 60-70 ans parfois plus jeune, on raisonne sur un patient qui a une espérance de vie d’au moins 20 ans. Malheureusement, le suivi dans nos études même dans les meilleurs cas est de 5 à 10 ans, ce qui rend difficile les extrapolations à plus long terme. Ischémie myocardique > 10 % Nous avons bien vu le caractère pronostique de l’ischémie. Dans l’étude scintigraphique de COURAGE, la réduction de l’ischémie myocardique (d’au moins 5 % du myocarde) améliorait le pronostic des patients par rapport à ceux qui conservaient la même ischémie myocardique. Il faut donc envisager une revascularisation chez les patients avec une ischémie myocardique ≥ 10 % pour réduire l’ischémie myocardique. Cette décision doit prendre en compte les caractéristiques anatomiques des lésions et les comorbidités afin d’évaluer le risque de cette revascularisation. L’étude ISCHEMIA (recrutement en cours, n ≈ 8 000 patients) compare le traitement médical à la revascularisation chez des patients coronariens stables avec une ischémie modérée (5-10 %) et nous donnera des nouvelles données. Patients avec une dysfonction VG Les patients avec une dysfonction VG sont des candidats idéaux à une revascularisation. L’étude CASS avait montré que le bénéfice de la revascularisation chirurgicale par

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