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Toutes choses étant égales par ailleurs, l’incidence de plusieurs événements cliniques est supérieure chez les patients ayant un diabète de type 2 par rapport à celle des patients n’en ayant pas. Ces événements cliniques, plus fréquents chez les diabétiques de type 2, sont usuellement classés comme étant microvasculaires (rétinopathie, néphropathie et neuropathie), macrovasculaires (maladie coronarienne, maladie cérébro-vasculaire) et plus divers : insuffisance cardiaque et cancers de plusieurs types (foie, pancréas, ovaires, côlon, vessie, poumons, seins).
L’objectif principal du traitement du diabète de type 2 est donc de diminuer l’incidence des complications qui lui sont associées. Pour cela, diverses pistes thérapeutiques et/ou pharmacologiques ont été envisagées et/ou évaluées. Il en est ainsi de l’action de certains paramètres comme la pression artérielle, les paramètres lipidiques et la glycémie. Il en est aussi ainsi de l’utilisation de certaines classes pharmacologiques dont il a pu être envisagé qu’elles apporteraient une protection spécifique. L’objectif de cet article est de présenter les données acquises de la science en 2016 concernant les principales stratégies thérapeutiques évaluées comme pouvant diminuer l’incidence des complications associées au diabète de type 2. La piste de la glycémie Synthèse des données acquises de la science Le diagnostic du diabète se fait par le dosage de la glycémie et/ou de l’hémoglobine glyquée (HbA 1c). Il existe une corrélation entre les taux de glycémie et/ou d’HbA 1c et l’incidence de diverses complications. Ainsi, par exemple, plus la glycémie est élevée, plus l’incidence de certains cancers est élevée. Agir sur la glycémie a donc paru tout à fait adapté à la prise en charge du diabète de type 2 et ce, d’autant que certains modèles physiopathologiques ont semblé montrer une toxicité directe de la glycémie. Mais, au terme de nombreux essais thérapeutiques ayant évalué soit l’atteinte de cibles d’HbA 1c, soit des hypoglycémiants, en 2016, il n’est pas démontré que la diminution de la glycémie et/ou les hypoglycémiants diminuent l’incidence des complications constatées chez les diabétiques de type 2. Il a même été montré dans diverses études que, soit la diminution de la glycémie (études ACCORD, NICE sugar), soit certains hypoglycémiants (tolbutamide, muraglitazar, rosiglitazone, saxagliptine) peuvent augmenter la mortalité totale ou cardiovasculaire ou le risque d’insuffisance cardiaque des diabétiques de type 2. Aucune étude n’a jamais démontré que la diminution de la glycémie est associée à une diminution du risque de cancer et la preuve que la diminution de la glycémie est associée à une diminution des complications microvasculaires n’est pas acquise de façon incontestable. Il n’a jamais pu être mis en évidence de relation linéaire entre la diminution de la glycémie par quelque moyen que ce soit et la diminution d’un quelconque événement clinique associé au diabète de type 2. Cette conclusion connaît quelques nuances. La première est qu’il reste nécessaire de prendre en charge des glycémies très élevées. Celles-ci sont en effet les signes d’un risque élevé de complications spécifiques : notamment celui du coma hyperosmolaire, justifiant une prise en charge spécifique, et celui d’une acidocétose traduisant la carence en insuline et donc la nécessité d’un traitement par insuline. La deuxième est que pour la première fois, en 2016, il a pu être démontré qu’un traitement promu comme hypoglycémiant réduit l’incidence de l’insuffisance cardiaque et de la mort subite, et par là même, celle de la mortalité cardiovasculaire (CV) et de la mortalité totale en prévention CV secondaire chez des diabétiques de type 2. Ce traitement est l’empagliflozine. L’essai thérapeutique contrôlé EMPA REG ayant démontré son bénéfice clinique contient toutefois quelques paradoxes. Le premier est que, si la mortalité CV est diminuée, il n’y a pas de diminution des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux (AVC). Le deuxième est que la molécule a été évaluée à deux doses différentes induisant des diminutions différentes de glycémie et que l’effet clinique constaté paraît indépendant de la baisse de la glycémie. Il semble donc s’agir d’un effet spécifique à la molécule plus que d’un effet résultant de la diminution de la glycémie. D’ailleurs, à diminution de glycémie similaire ou plus forte, il n’a jamais été démontré qu’il est possible de prévenir l’insuffisance cardiaque chez les diabétiques, certains hypoglycémiants comme la saxagliptine augmentant même le risque d’insuffisance cardiaque. Quelles conclusions ? Une première conclusion est que la glycémie ne peut pas être considérée comme le facteur causal des événements cliniques constatés chez les diabétiques de type 2. En l’état actuel des données acquises de la science, elle n’est pas le facteur de risque du diabète mais son marqueur. Cette conclusion en induit une autre : il existe une maladie, le diabète, qui, tout à la fois augmente la glycémie, ce qui en permet le diagnostic, et augmente le risque de survenue de plusieurs événements cliniques. La deuxième conclusion est qu’en 2016, les hypoglycémiants ne peuvent pas être considérés comme des antidiabétiques. Cependant, l’empagliflozine pourrait être la première molécule pouvant prétendre à cette dénomination. La troisième conclusion est que les objectifs proposés dans le traitement du diabète, en termes d’atteinte d’un valeur donnée d’HbA1c, ne peuvent pas être considérés comme validés. La quatrième conclusion est qu’il n’existe pas encore de traitement réellement adapté à la physiopathologie spécifique du diabète de type 2 qui pourrait en diminuer les principales complications. Seul un nouveau traitement, l’empagliflozine, apparaît adapté à prévenir une des complications du diabète. Enfin, dès lors qu’il a été démontré que plusieurs hypoglycémiants peuvent avoir des effets néfastes, il serait justifié que chaque molécule hypoglycémiante soit évaluée dans un essai thérapeutique contre placebo afin d’en évaluer la sécurité et que ne soient utilisées en clinique que les molécules ayant passé favorablement ce filtre. La pression artérielle Un marqueur de risque puissant et indépendant La pression artérielle, contrairement à la glycémie, peut être reconnue comme un facteur de risque de nombreuses complications : AVC, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale… Et ce, parce qu’il y a une relation linéaire entre son élévation et le risque de ces événements et surtout parce qu’il y a aussi une relation linéaire inverse entre la diminution des chiffres tensionnels et la diminution de ces événements. Ceci s’applique aussi bien chez les diabétiques de type 2 que chez les non diabétiques. Dès lors, un des moyens les plus sûrs pour diminuer le risque de ces complications chez les diabétiques est de baisser leur pression artérielle. Une métaanalyse parue en 2015 a ainsi montré qu’une diminution de 10 mmHg de la PAS chez les patients diabétiques permet de diminuer significativement la mortalité totale, les événements CV, les événements coronariens, les AVC, l’insuffisance cardiaque et la rétinopathie (tableau). Questions complémentaires : quelle cible tensionnelle et quel traitement ? Un des paradoxes de la prise en charge de l’hypertension artérielle chez les diabétiques est qu’il n’a pas pu être démontré qu’abaisser fortement la pression artérielle systolique (PAS), c’est-à-dire en dessous d’une valeur de 120 mmHg, apporte un bénéfice par rapport à la laisser juste en dessous de 140 mmHg. C’est la conclusion d’une étude, l’étude ACCORD PA qui avait comparé l’incidence de divers événements cliniques associés à l’atteinte de deux cibles tensionnelles : 120 et 140 mmHg. Cette conclusion a été renforcée par la métaanalyse citée plus avant et parue en 2015. Dans ce travail, l’effet clinique de la diminution de 10 mmHg chez des patients diabétiques a été évalué selon que la PAS des patients à l’inclusion dans les essais était > 140 mmHg ou 140 mmHg. Chez les patients dont la PAS était 140 mmHg, seule la réduction des AVC est significative mais l’incidence d’aucun autre événement clinique (mortalité totale, événements CV, événements coronaires, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, rétinopathie) n’est significativement modifiée chez les diabétiques. De ce fait, il n’y a pas de preuve que de diminuer la PAS nettement en dessous de 140 mmHg chez les diabétiques de type 2 apporte un bénéfice clinique net. Plusieurs métaanalyses sont parues en 2015, mais peu concernaient exclusivement les diabétiques, à l’exception de celle citée et parue dans le JAMA et d’une autre concernant les diabétiques avec insuffisance rénale parue dans le Lancet. En revanche, une métaanalyse parue en 2015 a évalué les effets comparatifs des différentes classes pharmacologiques dans le traitement de l’hypertension artérielle chez l’ensemble des patients enrôlés dans les études. Son résultat a montré que lorsqu’ils sont comparés aux autres classes thérapeutiques, les diurétiques sont supérieurs pour réduire le risque d’insuffisance cardiaque, les bêtabloquants sont moins efficaces pour prévenir le risque d’AVC, les antagonistes calciques sont supérieurs pour prévenir les AVC et la mortalité totale mais inférieurs pour prévenir l’insuffisance cardiaque, les IEC sont supérieurs pour prévenir les événements coronaires mais inférieurs pour prévenir les AVC, les ARA2 sont inférieurs pour prévenir les événements coronaires et les bloqueurs du système rénine-angiotensine sont supérieurs pour prévenir l’insuffisance cardiaque. Ainsi, les grands vainqueurs paraissent être les antagonistes calciques car ils réduisent la mortalité totale de façon supérieure aux autres classes thérapeutiques. De ce fait, ils devraient être les traitements de choix, voire de première intention dans l’hypertension artérielle, notamment chez les diabétiques. Les paramètres lipidiques La dyslipidémie du diabétique Il est admis que les diabétiques ont une « dyslipidémie » particulière et particulièrement athérogène : celle-ci est caractérisée par un HDL-cholestérol plus bas et une triglycéridémie plus élevée que chez les non-diabétiques alors que le LDL-cholestérol n’est pas très élevé. De ce fait, il a été envisagé qu’il devait être préférable de proposer aux diabétiques des traitements augmentant le HDL et diminuant la triglycéridémie. Cependant, les essais ayant évalué de tels traitements n’ont montré aucun bénéfice CV de ces traitements, notamment des
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