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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le  Lecture 11 mins

La fibrillation atriale en médecine d’urgence

Pierre TABOULET, Service des urgences, Hôpital Saint-Louis, Paris

La prévalence de la FA dans un service d’urgence (SU) varie entre 0,5 et 3,2 % selon les méthodes d’analyse pro- ou rétrospective, la population (urgences médicales strictes ou médico-traumatologiques) et les systèmes de santé(1-3). Cette prévalence augmente sensiblement depuis vingt ans(4,5), avec un pourcentage de formes récentes (< 48 heures) compris entre 20(3) et 50 %(1,6,7). La prise en charge en médecine d’urgence pose plusieurs problèmes : quel bilan initial et comment stratifier le risque hémodynamique ou thromboembolique ? Comment choisir et réaliser un traitement ralentisseur (contrôle de la fréquence) ou une cardioversion (contrôle du rythme) ? Faut-il initier, stopper ou modifier un traitement anticoagulant ? Comment réduire les hospitalisations des patients stables ? La Société française de médecine d’urgence (SFMU), en partenariat avec la Société française de cardiologie (SFC), a décidé d’adapter les recommandations de la Société européenne de cardiologie(8-11) aux situations rencontrées en médecine d’urgence hospitalière et préhospitalière(12).

Bilan et stratification du risque Le diagnostic de FA repose sur l’enregistrement de l’activité électrique du coeur, en général un ECG (8). L’ECG permet le calcul précis de la fréquence cardiaque et la recherche de signes en faveur d’une cardiopathie structurelle, un facteur déclenchant (infarctus, myocardite, dyskaliémie), une aberration ventriculaire (bloc de branche, permanent ou fréquence-dépendant), une préexcitation ventriculaire, une imprégnation en digitalique (cupule digitalique), une électrostimulation. L’examen clinique cherche à préciser le type de FA (paroxystique, persistante ou permanente), l’heure de début d’une forme inaugurale ou récidivante, les signes d’accompagnement et la tolérance, une complication thromboembolique artérielle, un facteur déclenchant, le terrain cardiologique, les comorbidités et le traitement. Des examens biologiques sont nécessaires en urgence devant toute FA inaugurale/récidivante ou mal tolérée (ionogramme, créatinine, NFS surtout). Une radiographie thoracique peut être utile pour déceler une anomalie de la silhouette cardiaque, des artères pulmonaires ou de l’aorte, une pathologie pulmonaire ou encore des signes d’oedème pulmonaire. Une échocardiographie transthoracique (ETT) est recommandée en cas de FA mal tolérée (8). Néanmoins, il n’est pas toujours possible de réaliser cette ETT en urgence. L’avènement des échographes portables permet une imagerie ultrasonographique centrée sur le cœur et le poumon qui peut être réalisée au lit du patient par tout médecin formé à l’échographie clinique en médecine d’urgence (ECMU) (13). Stratification des risques thromboembolique et hémorragique Le calcul du score CHA 2DS 2-VASc (14) est fortement recommandé pour évaluer le risque thromboembolique en cas de FA non valvulaire (8) et guider la thromboprophylaxie. Ce score clinique est simple et réalisable par tout médecin. Il varie de 0 à 9 points et prédit une incidence annuelle d’AVC variable entre 1 % et > 20 % (respectivement 0,8 ; 2,0 ; 3,7 ; 5,9 ; 9,3 ; 15,3 ; 19,7 ; 21,5 ; 22,4 ; 23,6 %) (15). Le score CHA 2DS 2-VASc d’un patient en FA doit être calculé et figurer dans le dossier médical lorsqu’un traitement antithrombotique est envisagé ou modifié en médecine d’urgence. Pour évaluer le bénéfice clinique net de la thromboprophylaxie d’un patient, il est recommandé d’évaluer son risque hémorragique (8). Ce risque peut être évalué par exemple à l’aide du score HASBLED qui varie entre 0 et 9 points (16). L’intérêt majeur du score HAS-BLED, moins évalué que le score CHA 2DS 2-VASc, est qu’il indique un « risque élevé » de saignement avec un médicament antithrombotique (antiagrégant plaquettaire ou anticoagulant) en cas de score ≥ 3 points. Le score de risque hémorragique d’un patient en FA (ex. le score HAS-BLED) doit être calculé et figurer dans le dossier médical lorsqu’un traitement antithrombotique est envisagé ou modifié en médecine d’urgence. Néanmoins, ce score peut être difficile à calculer, car il nécessite des informations sur les comorbidités et le traitement qui ne sont pas toujours disponibles de façon fiable en urgence. Quel traitement à visée rythmique en médecine d’urgence ? Le contrôle de la fréquence cardiaque L’objectif thérapeutique en cas de mauvaise tolérance est d’obtenir une fréquence cardiaque cible entre 80 et 100 bpm (8). En l’absence d’insuffisance cardiaque associée ou dysfonction systolique, les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques non dihydropyridines intraveineux (IV) sont les molécules à envisager en première intention pour ralentir une FA aiguë (8). Les bêtabloquants injectables disponibles en France sont l’aténolol et l’esmolol (tableau). En cas d’insuffisance cardiaque concomitante ou d’hypotension artérielle, les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques peuvent aggraver l’hémodynamique, en particulier si la fraction d’éjection du VG est altérée. Dans ce cas, la digoxine ou l’amiodarone IV sont préférables (8). La digoxine IV est généralement envisagée en premier choix dans cette indication, mais cela suppose le contrôle préalable de la kaliémie. Elle est efficace à dose optimale, seule ou si besoin en association avec l’amiodarone. Le relais PO s’effectue généralement après 24 heures de traitement. L’amiodarone IV est un meilleur choix que la digoxine, en cas d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection du VG basse et instabilité hémodynamique (8). Néanmoins, elle augmente le risque d’embolie de régularisation associée à une éventuelle cardioversion. L’association avec la digoxine est envisageable. Dans tous les cas, le traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë doit être optimisé (11). Chez les patients stables d’emblée ou stabilisés après le traitement initial d’une FA aiguë, le contrôle de la fréquence cardiaque peut être réalisé par l’administration orale de bêtabloquant, d’inhibiteur calcique ou de digoxine. L’amiodarone ne doit pas être donnée de façon chronique pour le contrôle de la fréquence cardiaque au long cours, sauf exception. D’autres situations ont fait l’objet de recommandations (dysfonction ventriculaire gauche, syndrome coronarien aigu, syndrome de préexcitation, pathologie broncho-pulmonaire, grossesse). Le contrôle du rythme : cardioversion Les indications de cardioversion précoce sont : - l’urgence vitale (insuffisance cardiaque, syndrome coronarien aigu, syndrome de préexcitation) ; - une FA/flutter de moins de 48 heures dont la cadence ventriculaire reste rapide et symptomatique malgré les mesures pharmacologiques initiales ; - un premier accès (ou première récidive) de FA qui persiste chez un patient stable dans le but d’orienter la stratégie ultérieure vers un contrôle du rythme. La cardioversion d’une FA en SU dans une stratégie de contrôle du rythme est une méthode répandue dans de nombreux pays (17). Cette stratégie a pour résultats un séjour hospitalier plus court et une restauration plus fréquente du rythme sinusal (5,7,18-20). De plus, les chances de succès d’une cardioversion précoce sont plus grandes que celles d’une cardioversion retardée de plusieurs semaines. Enfin, le risque thromboembolique d’une cardioversion semble plus faible si la cardioversion est entreprise avant la 12 e heure (21). Une cardioversion précoce peut être réalisée en SU si son organisation le permet. Dans la revue de von Besser et coll. (18), la cardioversion en SU était fréquemment un succès et ne s’accompagnait d’aucun accident thromboembolique. Cependant, cette stratégie doit s’accompagner du suivi adéquat des patients à la sortie des urgences dans une filière dédiée, pour identifier par exemple une cardiopathie sous-jacente, confirmer les thérapeutiques mises en œuvre et réduire les recours à répétition en structure de médecine d’urgence (5,7,18,22). La cardioversion pharmacologique repose en France sur l’amiodarone et les antiarythmiques de classe IC (flécaïnide et propafénone). Ces médicaments sont disponibles par voie IV (sauf propafénone) ou PO. L’amiodarone IV (5 mg.kg-1 sur une heure, puis 50 mg.h-1 en dose d’entretien jusqu’à cardioversion ou jusqu’à la 24 e heure) permet l’obtention d’une cardioversion dans plus de 80 % des cas. L’amiodarone PO est moins efficace que par voie IV. Elle peut être utile pour la cardioversion d’une FA quand une restauration rapide du rythme sinusal n’est pas nécessaire. La dose d’amiodarone préconisée est 600 mg.j-1 en une prise pendant 4 semaines, puis 400 mg.j-1 en une prise pendant 4 semaines, puis 200 mg.j-1 (8). En France, les doses initiales sont souvent plus élevées (≥ 20 mg/kg), mais pendant une durée moindre. La cardioversion électrique consiste à délivrer un choc électrique externe (CEE) au patient. C’est la méthode la plus efficace pour rétablir le rythme sinusal et les complications sont rares (21). Les recommandations de bonne pratique sont détaillées par Taboulet et coll. (12). En cas de FA de durée supérieure à 48 heures ou avec un début indéterminé, la cardioversion ne doit pas être entreprise en raison du risque thromboembolique. Dans ce cas, la stratégie en structure de médecine d’urgence doit reposer sur le contrôle de la fréquence cardiaque ou une stratégie de cardioversion différée (8). Quel traitement anticoagulant en médecine d’urgence ? En cas de FA aiguë, la décision d’anticoaguler le patient repose en première intention sur le score clinique CHA 2DS 2-VASc (1). Les patients qui ont un score CHA 2DS 2-VASc nul ne tire de bénéfice d’une prévention du risque thromboembolique par antiagrégant plaquettaire ou anticoagulant. Ceux qui ont un score CHA 2DS 2-VASc = 1 en tirent un bénéfice incertain (1). En cas de score CHA 2DS 2-VASc = 1, la décision d’anticoagulation peut être différée jusqu’à l’avis du cardiologue ou du médecin référent. En cas de score CHA 2DS 2-VASc ≥ 2, un traitement anticoagulant est recommandé par anti-vitamine K ou anticoagulant oral direct, sauf contre-indication (9). Les anticoagulants à la disposition de l’urgentiste sont les anticoagulants injectables, héparine non fractionnée et surtout héparine fractionnée (toujours utilisable le premier jour) et les anticoagulants oraux, anti-vitamine K (AVK) et surtout les anticoagulants oraux directs (AOD) efficaces 2 à 3 heures après la première prise. Les recommandations européennes préconisent en 2012 le choix d’un AOD de préférence aux AVK en dehors des contre-indications (classe IIa) (9). Les recommandations nordaméricaines préconisent en 2014 les deux options (coumadine ou AOD), sans émettre de préférence (classe I) (23). Les AOD qui ont l’AMM en France en 2016 dans la prévention du risque thromboembolique de la FA sont le dabigatran (inhibiteur direct de la thrombine), le rivaroxaban, l’apixaban et l’edoxaban (inhibiteurs directs du facteur Xa). En cas de FA aiguë avec facteur déclenchant, il est raisonnable de débuter un traitement anticoagulant à l’instar d’une FA sans facteur déclenchant, malgré l’absence de recommandations internationales précises. Il n’est pas toujours possible d

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