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Insuffisance cardiaque

Publié le  Lecture 15 mins

Insuffisance cardiaque systolique : les clés de la prise en charge

C. SZYMANSKI, CHU Amiens Sud


CNCF
Les progrès réalisés dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque ont permis d’améliorer le pronostic de patients se traduisant par une baisse de la mortalité. Ces progrès sont largement imputables aux nombreuses activités de recherche pharmacologique, conduisant à l’utilisation de médicaments inhibant l’activation des systèmes neuro-hormonaux sympathiques et rénine-angiotensine-aldostérone. Les nouvelles recommandations(1) de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque ont apporté des modifications importantes, portant à la fois sur le diagnostic et la prise en charge thérapeutique de l’insuffisance cardiaque. Aux antagonistes des récepteurs minéralo-corticoïdes, aux bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone et aux bêtabloquants, se surajoute une nouvelle classe thérapeutique, les inhibiteurs du récepteur de l’angiotensine et de la néprilysine. Cet article s’attachera à la prise en charge de l’insuffisance cardiaque systolique chronique.

Diagnostic et classification de l’insuffisance cardiaque La nouvelle classification de l’insuffisance cardiaque (IC) repose sur la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) : celle-ci permet de définir un groupe FEVG réduite, défini par une FEVG 40 %, un groupe FEVG préservée, défini par une FEVG ≥ 50 %, un groupe FEVG intermédiaire défini par une FEVG entre 40 et 49 % (1). Les signes cliniques (dyspnée, congestion) et l’électrocardiogramme sont en première ligne dans l’algorithme diagnostique avant le dosage des peptides natriurétiques et l’échocardiographie (figure 1). Si le taux de NT-proBNP est ≥ 125 pg/ml ou le taux de BNP ≥ 35 pg/ml, il est recommandé de pratiquer une échocardiographie. En cas d’insuffisance cardiaque à FEVG réduite, le diagnostic d’insuffisance cardiaque repose sur une approche multiparamétrique : masse ventriculaire gauche indexée ≥ 115 g/m 2 chezl’homme, ≥ 95 g/m 2 chez la femme, volume de l’oreillette gauche > 34 ml/m 2, anomalies de la fonction diastolique (rapport E/e’ ≥ 13, onde e’ 9 cm/s) (1). Figure 1. Schéma diagnostique pour le diagnostic d’insuffisance cardiaque à début non brutal. D’après Ponikowski P. Eur Heart J 2016 ; 37 : 2 129-200. BNP = peptide natriurétique de type B ; ECG = électrocardiogramme ; IC = insuffisance cardiaque ; NT-proBNP = N-terminal pro-peptide natriurétique de type B. Prise en charge thérapeutique médicamenteuse de l’IC à fraction d’éjection réduite Le traitement de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique altérée obéit à des recommandations précises (figure 2). Le but du traitement est de soulager les symptômes et les signes cliniques, d’éviter les hospitalisations et d’améliorer la survie. Pour les patients symptomatiques en classe II à IV de la NYHA, il repose sur un trépied associant inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC), ou en cas d’intolérance ou effets secondaires, des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 (ARA2), bêtabloquants et antagonistes des récepteurs minéralo-corticoïdes (ARM), associés à la prescription de diurétiques en cas de rétention hydrosodée. Sa mise en place nécessite de connaître la fonction rénale : il faut doser la créatininémie permettant d’estimer le débit de filtration glomérulaire, la kaliémie et la natrémie. Figure 2. Schéma thérapeutique pour les patients présentant une insuffisance cardiaque symptomatique à fraction d’éjection altérée. D’après Ponikowski P. Eur Heart J 2016 ; 37 : 2 129-200.ICFEA = insuffisance cardiaque à fraction d’éjection altérée ; ARM = antagoniste des récepteurs aux minéralo-corticoïdes ; IRAN = inhibiteur de l’angiotensine et de la néprilysine ; H-DNIS = hydralazine – dinitrate d’isosorbide. Inhibiteurs de l’enzyme de conversion L’IEC est recommandé, en première intention, associé à un bêtabloquant, chez tous les patients symptomatiques ou asymptomatiques ayant une FEVG réduite pour réduire le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et de décès prématuré (recommandation de classe I, niveau de preuve A) (1-6). Ils peuvent être remplacés par un ARA2 en cas d’effet secondaire. Un contrôle de la fonction rénale et de l’ionogramme doivent être réalisés une à 2 semaines après le début du traitement. La posologie doit être progressivement augmentée par paliers de 2 semaines, tant que la pression artérielle systolique demeure supérieure à 90 mmHg, en l’absence d’hypotension orthostatique. La dose cible correspond à la posologie tolérée la plus proche possible de celle utilisée dans les essais cliniques. Antagonistes des récepteurs de l’angiotensine 2 Les ARA2 sont recommandés pour diminuer le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et de décès prématuré chez les patients ayant une FEVG réduite qui ne peuvent tolérer un IEC en raison d’une toux. Ces patients doivent aussi recevoir un bêtabloquant et un ARM (recommandation de classe I, niveau de preuve A) (1). Le candésartan a apporté la preuve d’une réduction de la mortalité cardiovasculaire (7). Le valsartan a démontré une diminution des hospitalisations pour insuffisance cardiaque chez des patients traités antérieurement par des IEC (8). Les ARA2 sont aussi recommandés chez les patients qui restent symptomatiques malgré un traitement par IEC et bêtabloquant, avec FEVG réduite et qui ne peuvent tolérer un ARM, pour diminuer le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (recommandation de classe I, niveau de preuve A) (1). Ces patients doivent bénéficier d’une surveillance clinico-biologique stricte. Quand ils sont utilisés chez un patient intolérant aux IEC, ils doivent être administrés selon les mêmes règles de prescription que les IEC, en débutant à faible dose, en majorant progressivement les posologies jusqu’à atteindre la posologie cible le plus élevée possible validée dans les études. En cas d’association aux IEC, ils ne peuvent être utilisés qu’en l’absence d’insuffisance rénale sévère définie par un débit de filtration glomérulaire (DFG) ≥ 30 ml/min et d’hyperkaliémie (K+ 5 mmol/l). Bêtabloquants Un bêtabloquant est indiqué, chez tous les patients à FEVG réduite pour réduire le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et de décès prématuré, associé à un IEC (ou ARA2 si les IEC sont mal tolérés) et dans la plupart des cas à un diurétique mais les bêtabloquants n’ont pas été testés chez des patients congestifs en décompensation cardiaque (9-13) (recommandation de classe I, niveau de preuve A) (1). L’action des bêtabloquants et des IEC est complémentaire, ils peuvent être démarrés en même temps dès que le diagnostic d’insuffisance cardiaque à FEVG altérée est fait. L’ordre d’introduction des IEC et des bêtabloquants est indifférent (14). Les bêtabloquants devraient être initiés à faible posologie qui sera augmentée progressivement jusqu’à la dose maximale tolérée. Chez les patients hospitalisés pour décompensation, les bêtabloquants doivent être initiés prudemment à l’hôpital après disparition des signes de surcharge hydrosodée. Les bêtabloquants sont recommandés chez les patients porteurs de dysfonction ventriculaire gauche post-infarctus pour réduire le risque de mort subite. Diurétiques Bien qu’il ne soit pas démontré que les diurétiques réduisent la mortalité ou les hospitalisations, ils soulagent la dyspnée et les oedèmes et constituent un traitement essentiel de l’insuffisance cardiaque systolique (recommandation de classe I, niveau de preuve B) (1). L’objectif est d’utiliser la dose minimale nécessaire pour rétablir et conserver l’euvolémie (le « poids sec »). Une association de diurétiques est parfois nécessaire (généralement de façon transitoire) pour atteindre cet objectif chez les patients en insuffisance cardiaque ou rénale sévère et/ou l’association des deux. Si les diurétiques thiazidiques peuvent suffire, très rapidement les diurétiques de l’anse, dont l’action salidiurétique est plus puissante s’imposent. Antagonistes des récepteurs minéralo-corticoïdes Un ARM (spironolactone ou éplérénone) est recommandé en 2 e intention, chez tous les patients qui restent symptomatiques (classe NYHA II-IV) avec une FEVG ≤ 35 % sous traitement par un IEC (ou un ARA2 si les IEC sont mal tolérés) et un bêtabloquant pour réduire le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et de décès prématuré (15,16) (recommandation de classe I, niveau de preuve A) (1). Les ARM doivent être utilisés avec prudence chez les patients atteints d’insuffisance rénale sévère dont le DFG est ≥ 30 ml/min et dont la kaliémie basse est > 5 mmol/l. Inhibiteur du récepteur de l’angiotensine et de la néprilysine Une nouvelle classe thérapeutique, l’inhibiteur du récepteur de l’angiotensine et de la néprilysine (IRAN), apparaît en 3 e ligne de traitement chez le patient symptomatique : l’association sacubitril (inhibiteur sélectif de la néprilysine)-valsartan (ARA2). Ce complexe cristallin contient autant de molécules de sacubitril que de molécules de valsartan sous forme anionique. Le composé allie les effets d’inhibition de la néprilysine, endopeptidase neutre, enzyme responsable de la dégradation des peptides natriurétiques(ANP, BNP, CNP), permettant une augmentation des taux endogènes de ces hormones vasodilatatrices, par un effet médié par la voie du GMP cyclique, exerçant un effet antifibrotique, et antiprolifératif réduisant l’hypertrophie ventriculaire gauche, ce qui favorise la relaxation cardiaque, stimule la diurèse, la natriurèse et favorise la vasodilatation (17), ainsi que celle des récepteurs AT1 de l’angiotensine 2. Ce traitement est recommandé en remplacement aux IEC pour réduire le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque et décès chez les patients, ambulatoires à FEVG réduite, qui restent symptomatiques malgré un traitement optimal par IEC, bêtabloquant et ARM (recommandation de classe I, niveau de preuve B) (1). Cette recommandation repose sur les résultats de l’essai thérapeutique PARADIGM-HF (18). Cette étude a comparé la morbi-mortalité cardiovasculaire, entre le sacubitril/valsartan et l’énalapril, chez des patients insuffisants cardiaques ambulatoires symptomatiques en stade II à III de la NYHA avec FEVG réduite ≤ 40 % (puis rabaissée à 35 % en cours d’essai), avec un taux de BNP ≥ 150 pg/ml (ou 100 s’il y avait une hospitalisation dans les 12 mois précédents) ou de NT-proBNP ≥ 600 pg/ml (ou 400 s’il y avait une hospitalisation dans les 12 mois précédents), un DFG ≥ 30 ml/min/1,73 m 2 de surface corporelle. Après un suivi de 27 mois, le sacubitril/valsartan (97/103 mg deux fois par jour) était supérieur à l’IEC (énalapril 10 mg deux fois par jour) pour la réduction de la mortalité cardiovasculaire, hospitalisation pour insuffisance cardiaque et mortalité totale. Les hypotensions orthostatiques étaient plus présentes dans le groupe sacubitril/valsartan (chez les patients ≥ 75 ans, ce taux atteignait 18 % dans le groupe sacubitril/valsartan et 12 % dans le groupe énalapril). Le risque d’angiœdème était diminué grâce à la phase de run-in (conduisant à

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