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Diabéto-Cardio

Publié le  Lecture 12 mins

Neuropathie douloureuse diabétique : diagnostic et prise en charge

B. GUERCI, Diabétologie, Maladies métaboliques & Nutrition, Hôpital Brabois, CHU de Nancy ; CIC Inserm, ILCV, Vandœuvre-lès-Nancy

La neuropathie diabétique est insuffisamment connue par les médecins de même que sa prise en charge malgré des consensus clairement établis, notamment sur le maniement des molécules destinées à améliorer la symptomatologie douloureuse. Pourtant on estime à plus de 60 000 le nombre de patients diabétiques qui en souffrent.

Données épidémiologiques récentes Il existe relativement peu de données concernant la fréquence de la neuropathie douloureuse d’origine diabétique. Trois études récentes, dont deux issues de registres de médecine générale, définissent comme douleurs neurologiques périphériques des douleurs persistantes au-delà d’un an, avec une prévalence de 16 % de douleurs neuropathiques périphériques dans la population diabétique comparativement à 5 % dans la population générale. La prévalence semble également différente selon le type de diabète touchant préférentiellement les diabétiques de type 2 pour 18 % d’entre eux et les diabétiques de type 1 pour 6 % d’entre eux. Le risque est majoré en présence de polyneuropathie sensitivo-motrice qui, lorsqu’elle est présente, favorise l’émergence de la composante douloureuse pour 44 % des patients (51 % auprès des diabétiques de type 2 et 25,6 % auprès des diabétiques de type 1). Mais sans doute le fait le plus marquant est l’insuffisance de prise en charge des douleurs rapportées par les patients puisqu’en présence de douleurs neuropathiques périphériques, 12,5 % des patients ne rapportent pas leur symptôme à leur médecin et 39 % des patients souffrant de douleurs n’ont jamais reçu de traitement adapté. En d’autres termes, la prévalence des polyneuropathies symptomatiques varie selon les études de 5 à 35 %, soit une prévalence des neuropathies douloureuses liées au diabète touchant de 65 000 à 100 000 diabétiques avec une répercussion sur la qualité de vie. Facteurs de risque de neuropathie périphérique symptomatique chez le patient diabétique Différents facteurs de risque ont été identifiés comme favorisant la survenue ou l’aggravation d’une symptomatologie de neuropathie périphérique symptomatique chez le patient diabétique. Il n’est pas étonnant que la durée d’évolution du diabète et donc l’âge du patient constituent les principaux facteurs de risque de survenue d’une neuropathie périphérique symptomatique. Le taux d’HbA 1c est également un facteur aggravant non seulement pour la neuropathie périphérique symptomatique mais également pour la polyneuropathie sensitivomotrice. Et même en l’absence de diabète, dès le stade d’intolérance au glucose, on observe une augmentation de la prévalence de cette pathologie neurologique. Il semble exister également un rôle indépendant du poids, de l’hypertension artérielle, du taux élevé de triglycérides et du taux abaissé de HDL, ce qui laisse suggérer que le syndrome métabolique constituerait également une situation à haut risque de développement d’une neuropathie périphérique symptomatique. D’autres facteurs tels que le tabagisme, l’alcool sont également impliqués dans ces symptomatologies douloureuses mais souvent avec une intrication de neuropathie liée non seulement au diabète mais à l’effet propre de ces toxiques. L’hypoxie cellulaire constitue également un facteur de risque et, à ce titre, la présence d’un syndrome obstructif d’apnées du sommeil est associée à une plus grande prévalence des neuropathies douloureuses comme le sont l’insuffisance rénale chronique et l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs où une composante mixte artérielle et neurologique intervient dans la survenue des douleurs des membres inférieurs. Enfin, à titre plus anecdotique, la taille du patient apparaît comme facteur de risque avec l’hypothèse d’une altération longueurdépendante des fibres nerveuses impliquées dans les manifestations douloureuses. Physiopathologie Concernant la polyneuropathie diabétique douloureuse, sa physiologie comporte toujours une atteinte des petites fibres nerveuses. Ces petites fibres sont les plus nombreuses et sont celles qui sont atteintes le plus précocement. C’est également en les explorant que l’on fait le diagnostic de polyneuropathie sensitivo-motrice. Il est donc important de rappeler l’existence de différents types de fibres nerveuses (tableau 1) : - les petites fibres myélinisées (A delta) qui interviennent dans la sensibilité au froid et à la piqûre ; - des petites fibres non myélinisées (C) qui interviennent dans la sensibilité à la chaleur et à la douleur (ces petites fibres A delta et C ne sont pas explorées par des examens de type électromyogramme) ; - des grosses fibres myélinisées qui interviennent dans la sensibilité au tact (monofilament) et à la proprioception (diapason). Ces grosses fibres myélinisées ont une atteinte beaucoup plus tardive par rapport aux petites fibres. En revanche, elles sont explorées par des examens de type électromyogramme et l’atteinte des grosses fibres myélinisées expose le patient au risque podologique. En d’autres termes, les outils très largement utilisés en clinique de diabétologie que sont le diapason et le monofilament ne sont en aucun cas des outils de diagnostic de la polyneuropathie sensitivo-motrice ou de la douleur neuropathique périphérique. Ce sont des outils de dépistage du pied à risque podologique. Démarche diagnostique d’une douleur neuropathique périphérique Une part essentielle du diagnostic positif repose sur les données de l’interrogatoire, ce que rappellent les recommandations de la HAS. Il est donc essentiel de recueillir le mode d’installation des troubles cliniques, l’ancienneté et le rythme des douleurs, ainsi que l’efficacité des traitements préalablement instaurés. Un des points essentiels consiste à définir si les douleurs sont d’ordre neuropathique. Selon les définitions de consensus européens, une douleur neuropathique est une douleur initiée ou causée par une lésion primitive ou un dysfonctionnement du système nerveux. Cette douleur neuropathique est parfois à prédominance nocturne, se caractérise par une mauvaise réponse aux antalgiques classiques et associe des manifestations telles que brûlure, froid douloureux, sensations d’étau, piqûre, sensation de marcher sur du gravier, accentuation de la douleur par le contact, etc. Après l’interrogatoire, les données de l’examen clinique sont évidemment essentielles à la recherche de signes sensitifs : paresthésie, dysesthésie, hypoesthésie, troubles subjectifs distaux, existence de réelles douleurs rapportées par le patient, mais également troubles de l’équilibre, allodynie ou hyperpathie. Les réflexes ostéo-tendineux ne sont pas discriminants puisqu’ils peuvent être tous présents ou être abolis notamment au niveau achilléen dans ce contexte de douleur de neuropathie périphérique. En revanche, les signes moteurs sont souvent présents mais parfois difficiles à diagnostiquer, notamment une faiblesse musculaire des 4/5 es avec une évaluation de la force en distalité, l’existence de crampes ou de fasciculations, une amyotrophie notamment des muscles interosseux, ce qui concourt au développement d’orteils en griffe ou en marteau. Enfin, les signes neuropathiques végétatifs sont un élément d’orientation vers l’existence d’une douleur neuropathique périphérique car souvent associés : on peut rapporter des malaises orthostatiques ou postprandiaux, des troubles de la sudation, des troubles mictionnels, des troubles érectiles et/ou d’éjaculation, une diarrhée motrice, une sensation de plénitude gastrique témoignant d’une gastroparésie, des symptômes trophiques, une hyperkératose. En d’autres termes, la douleur neuropathique périphérique et plus spécifiquement la neuropathie douloureuse diabétique présente une sémiologie particulièrement riche (figure 1). Il existe des douleurs spontanées ou des douleurs provoquées : - lorsqu’elles sont spontanées, elles sont soit continues, soit paroxystiques, pouvant s’intensifier notamment en période nocturne ; - lorsque les douleurs sont provoquées, elles rendent compte d’une stimulation normalement non nociceptive, et à ce titrelà on parle d’allodynie, ou à l’inverse ces douleurs provoquées rendent compte d’une stimulation normalement nociceptive et on parle alors d’hyperalgésie. Dans les deux cas, il s’agit donc d’une hyperesthésie mécanique et/ou thermique. En plus de ces douleurs spontanées et provoquées, il peut exister des phénomènes atypiques de type dysesthésie ou paresthésie qui correspondent à des sensations anormalement désagréables, également spontanées ou provoquées. Une partie essentielle du diagnostic positif repose sur le questionnaire DN4 qui constitue un outil fiable et simple d’utilisation pour rechercher les douleurs neuropathiques périphériques. Ce questionnaire développé par une équipe de recherche française est basé sur 10 questions d’interrogatoire ou d’examen clinique (tableau 2). Un score supérieur ou égal à 4/10 permet d’identifier correctement 86 % des patients avec une sensibilité du score chiffré à 82,9 % et une spécificité à 89,9 %. C’est donc l’étape essentielle du diagnostic positif mais audelà, il convient de coter la douleur neuropathique par une échelle visuelle analogique ou une échelle visuelle numérique qui permettra en particulier de juger de l’efficacité des traitements mis en place. Figure 1. Séméiologie de la neuropathie douloureuse diabétique. Diagnostic différentiel Il est important d’éliminer les autres causes de douleur neuropathique qui ne seraient pas d’origine diabétique et certains paramètres cliniques et biologiques et/ou contexte environnemental doivent faire évoquer une autre étiologie. En particulier, un début aigu et une asymétrie des symptômes, l’existence d’un déficit moteur franc, une abolition des réflexes au niveau des membres en particulier lorsqu’elle touche les quatre membres et, enfin, une atteinte proximale sont autant d’éléments qui remettent en cause l’étiologie diabétique de la douleur neuropathique. Le bilan complémentaire repose alors sur un dosage de la créatinine, du bilan lipidique, de la fonction hépatique et, en fonction des signes d’appel, la réalisation d’un bilan autoimmun, de sérologies virales, d’une immunoélectrophorèse à la recherche d’une gammapathie monoclonale, d’un dosage des vitamines notamment B12 et de manière plus exceptionnelle des tests génétiques. Dans le cadre du diagnostic

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