



Publié le
Lecture 12 mins
L’ESC à Barcelone : risque cardiovasculaire, infarctus, anticoagulants…
Yves COTTIN et coll.*, CHU de Dijon

Cette session de l’ESC 2017 à Barcelone est l’une des plus riches en termes de mises au point, d’actualités mais également de grandes études dans le domaine de la coronaropathie de ces dix dernières années. Ainsi, de nombreux travaux issus des registres ont souligné l’amélioration pronostique de l’infarctus de myocarde ces 20 dernières années, soulignant l’intérêt des travaux portant sur la cardiopathie ischémique stable (CIS).
Réduction de la mortalité de l’infarctus du myocarde en 20 ans Dans le cadre du programme FAST-MI, les résultats de ce registre de 20 ans d’existence ont été présentés par N. Danchin et publiés en parallèle dans Circulation. Ainsi entre 1995 et 2015, une cohorte de 14 423 patients (STEMI ou NSTEMI), a permis de mettre en évidence une diminution considérable de la mortalité à 6 mois, passant pour les STEMI de 17,2 % à 5,3 % et pour les NSTEMI de 17,2 % à 6,3 % (figures 1 et 2). Figure 1. Mortalité à 6 mois. Figure 2. Mortalité brute et standardisée à 6 mois. Cette amélioration s’explique par l’augmentation des procédures interventionnelles, mais surtout par l’optimisation des traitements recommandés en prévention secondaire. Chez les patients présentant un STEMI, la mortalité a continué à diminuer après 2010, pour atteindre un seuil historique en 2015 ; par contre pour les NSTEMI, malgré les récents changements en termes de stratégie antithrombotique à la phase aiguë, la mortalité reste stable entre 2010 et 2015. Néanmoins, un suivi prolongé déterminera si l’amélioration de la survie persistera pour les 2 types de patients. Des résultats comparables sont obtenus en Suisse sur une cohorte de 51 725 patients inclus dans 83 centres avec une réduction de la mortalité hospitalière pour les STEMI entre 1997 et 2016 pour les femmes de 18,3 % à 6,9 % et de 9,8 % à 5,5 % pour les hommes (figure 3). Les auteurs montrent que la mortalité hospitalière reste toujours plus élevée chez les femmes, mais ajustée à l’âge, celle-ci tend à diminuer de façon plus importante. Figure 3. Évolution de la mortalité hospitalière selon le sexe. De nouveaux algorithmes et les nouvelles prises en charge des syndromes coronariens aigus La Société européenne de cardiologie a proposé un algorithme rapide l’« ESC 0/1-Hour » pour la prise en charge des douleurs thoraciques sans anomalie électrique basée sur la troponine ultra-sensible évaluée à l’admission et à 1 heure. Durant ce congrès, la validation de la performance diagnostique a été présentée à partir des données de deux études prospectives (APACE et BACC) incluant 4 350 patients non sélectionnés, présentant des symptômes suggérant un SCA au sein de 14 centres dans 6 pays européens et dont le diagnostic final était validé et centralisé par deux cardiologues indépendants. Cette approche simple a permis une sortie précoce de 57 % des patients de la cohorte avec une valeur prédictive négative de 99,8 %, et dans le même temps une hospitalisation immédiate de 18 % des patients avec une valeur prédictive positive de 75 %. Ainsi, pour les auteurs, c’est seulement 25 % des patients qui nécessitent des explorations complémentaires avant de pouvoir poser le diagnostic de NSTEMI (figure 4). Figure 4. Algorithme décisionnel 1 re heure. La prise en charge de l’infarctus Elle est de mieux en mieux codifiée mais ces grands congrès sont toujours l’occasion d’études originales, comme l’étude DETOX pour DETermination of the role of OXygen in suspected Acute Myocardial Infarction, qui est la première à avoir évalué l’impact d’une oxygénation systématique chez des patients suédois présentant un SCA de moins de 6 heures. L’étude a inclus 6 229 patients avec une saturation en oxygène supérieure à 90 % à la prise en charge et randomisés en 2 groupes : 1/ oxygène à un débit de 6 l/min pendant 6-12 heures versus 2/ absence d’oxygénothérapie. Pour le critère de jugement principal, qui était la mortalité toutes causes à un an, aucune différence significative n’est mise en évidence entre les deux groupes (figure 5), mais également sur les critères secondaires comme la mortalité hospitalière, les réinfarctus, l’insuffisance cardiaque ou la taille de l’infarctus. Figure 5. Étude DETOX. La durée de la bithérapie antiagrégante Elle fait s’animer tous les congrès de cardiologie depuis de nombreuses années et la Société européenne de cardiologie a donc publié de nouvelles recommandations concernant cette stratégie. Ces dernières proposent en classe IIb une analyse du risque hémorragique selon deux situations : 1/ au moment de l’angioplastie (PRECISE-DAPT Score) ou 2/ au 12 e mois chez les patients ayant toléré la bithérapie sur cette période (DAPTscore) (figure 6). Les auteurs précisent surtout les seuils de décision du risque hémorragique respectivement 25 et 2 (figure 6). Les nouveaux algorithmes ne prennent plus en compte le type de stent mais seulement l’indication (cardiopathie ischémique stable ou SCA) et le risque hémorragique, pour proposer une durée optimale de double antiagrégation plaquettaire. Mais il faut surtout souligner que la version pour « android » de l’ESC permet une approche personnalisée rapide (figures 7 et 8). Une question fréquente de nos collègues est l’arrêt des inhibiteurs du récepteur P2Y12 en cas de chirurgie à haut risque hémorragique, et dans cette version les situations sont clairement précisées en une seule diapositive (figure 9). Figure 6. Scores de risque pour décider de la durée du double traitement AAP (DAPT). Figure 7. Algorithme pour le DAPT chez les patients traités par PCI. Figure 8. Durée du DAPT chez les patients traités par PCI. Figure 9. Suspension minimale et tableaux de réintroduction du DAPT chez les patients candidats à une chirurgie élective. L’insuffisance cardiaque Les antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (MRA), spironolactone et éplérénone, réduisent la mortalité dans le contexte de l’insuffisance cardiaque (IC) avec une fraction d’éjection réduite (1,2). L’éplérénone a été initiée 3 à 14 jours après infarctus du myocarde avec ou sans élévation du segment ST (STEMI ou NSTEMI) compliqué d’une dysfonction ventriculaire gauche (LV) et une IC est également associée à une réduction de la mortalité (3). Les recommandations ESC 2017 mettent donc en classe I la prescription d’un MRA s’il existe une dysfonction ventriculaire gauche 40 % associée à une symptomatologie d’insuffisance cardiaque et/ou un diabète. Dans le STEMI sans dysfonction ventriculaire gauche, l’intérêt des MRA reste débattu, mais au cours de ce congrès les résultats poolés d’ALBATROSS et REMINBER ont été présentés par le Pr Beygui. L’étude a comparé deux groupes traités, standard versus MRA, avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche non altérée et comparable entre les 2 groupes, 53 ± 9 % versus 53 ± 9 % (p = NS). Ce travail a inclus 2 241 patients et a démontré une réduction de mortalité toutes causes à 6 mois à 0,4 % par rapport à 0,6 % pour le groupe contrôle (HR [IC95%] : 0,23 (0,08-0,67), p = 0,003) et de 0,4 % versus 1,2 % (0,28 [0,09-0,86], p = 0,02) pour la mortalité cardiovasculaire. Les auteurs démontrent également une réduction significative pour le critère combiné associant mortalité toutes causes et arrêts cardiaques ressuscités, à 0,4 % versus 2,0 %, mais ce travail ne met en évidence aucun impact sur les épisodes d’insuffisance cardiaque à 1 an. Par contre, en termes de sécurité, les résultats sont très favorables avec une absence de différence entre les deux groupes pour les insuffisances rénales aiguës ou les kaliémies > 6 mmol/l. L’étude EARLY-MYO Ce travail issu d’une équipe chinoise part d’un constat simple que l’angioplastie primaire ne peut être proposée dans les délais à l’ensemble des patients présentant un STEMI de moins de 12 heures et qu’une stratégie pharmacologique par thrombolyse (Thr) est une alternative validée. L’essai EARLY-MYO ( Early Routine Catheterization After Alteplase Fibrinolysis Versus Primary PCI in Acute ST-Segment-Elevation Myocardial Infarction) est un essai clinique, prospectif, multicentrique, randomisé et de non-infériorité comparant deux stratégies : 1/ une pharmacoinvasive associant demi-dose d’alteplase et angioplastie ; et 2/ angioplastie primaire chez les patients présentant un STEMI 6 heures mais avec un délai prévu pour l’angioplastie > 60 minutes. Le critère principal de jugement était une revascularisation complète épicardique et myocardique après angioplastie définie par un flux TIMI 3, une perfusion myocardique grade 3 et une résolution du segment ST 70 %. Les investigateurs ont également évalué la taille de l’infarctus et la fraction d’éjection du ventricule gauche par une IRM ainsi que les événements cliniques à 30 jours. L’étude a randomisé 344 patients dans 7 centres et mis en évidence pour le critère de jugement principal une non-infériorité et même une supériorité, respectivement 34,2 versus 22,8 % (p non-infériorité 0,05, p supériorité = 0,022). Les résultats étaient comparables entre les 2 groupes pour la taille des infarctus et la fraction d’éjection ventriculaire gauche, respectivement 23,3 ± 11,3 % versus 25,8 ± 13,7 % (p = NS) et 52,2 ± 11,0 % contre 51,4 ± 12,0 % (p = NS). Aucune différence significative n’a été observée dans le pourcentage de mortalité totale à 30 jours (0,6 vs 1,2 %), réinfarctus (0,6 vs 0,6 %), ou épisodes d’insuffisance cardiaque (13,5 vs 16,2 %). Les auteurs soulignent également une absence de différence entre les 2 groupes pour les hémorragies majeures (0,6 vs 0 %, p = NS) et aucune hémorragie intracrânienne n’a été observée ; par contre, il existe une augmentation significative des hémorragies mineures dans le groupe pharmaco-invasif, 26,9 contre 11,0 % (p 0,001). Ce travail important est publié dans Circulation, mais bien sûr les résultats devront être confirmés sur une plus large série calibrée pour répondre aux données de morbi-mortalité. Les anticoagulants oraux directs dans la cardiopathie ischémique stable et au cours de l’angioplastie Malgré les excellents résultats obtenus en prévention secondaire par les statines, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et l’aspirine chez les patients présentant une cardiopathie ischémique stable (CIS) ou une artériopathie périphérique athéromateuse (PAD), la récurrence d’événements cardiovasculaires majeurs reste de l’ordre 5 % par an. De nombreux travaux anciens avaient mis en évidence que la warfarine seule ou en association à l’aspirine était
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :
Articles sur le même thème
Pagination
- Page 1
- Page suivante