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Cardiologie générale

Publié le  Lecture 11 mins

Mise au point sur l’amylose cardiaque

Diane BODEZ, Thibault DAMY, centre de référence national amyloses cardiaques ; Filière Cardiogen ; Service de cardiologie, Unité Insuffisance Cardiaque – Amylose, CHU Henri Mondor, Créteil - sos.amylosecoeur@aphp.fr

Journées française de l'insuffisance cardiaque

Les amyloses cardiaques regroupent des maladies aboutissant à l’infiltration du myocarde par des protéines fibrillaires. Cette pathologie était jusqu’alors méconnue et sous-estimée, ce qui induisait une absence de diagnostic ou un retard de la prise en charge. Les premières données de prévalence démontrent que les amyloses cardiaques à transthyrétine (TTR) dans sa forme héréditaire pourraient représenter jusqu’à 5 % des cardiomyopathies hypertrophiques (CMH) et dans sa forme sénile en cause dans 13 % des insuffisances cardiaques à fraction d’éjection (FEVG) préservée) et être associée à 16 % des rétrécissements aortiques.

Le pronostic naturel de ces maladies est sombre, mais, la nécessité d’adapter le traitement cardiologique qui s’oppose à l’insuffisance cardiaque classique, la possibilité de greffe cardiaque, l’efficacité des chimiothérapies pour les amyloses AL et surtout le développement de nouveaux traitements spécifiques pour stopper ou retirer les dépôts justifient d’en faire le diagnostic. Pour ces raisons, il est aujourd’hui essentiel pour le cardiologue de pouvoir reconnaître les signes évocateurs d’amylose cardiaque et d’en connaître les stratégies diagnostiques et thérapeutiques. Différents types d’amylose cardiaque Les amyloses cardiaques sont un groupe hétérogène de maladies ayant comme point commun l’accumulation extracellulaire de dépôts protéiques : les fibrilles amyloïdes. Ces dépôts peuvent être localisés ou systémiques avec atteinte de multiples organes : cœur, rein, système nerveux périphérique, tube digestif, glandes salivaires, graisse sous-cutanée, canaux carpiens, tissus mous de la sphère ORL. L’atteinte cardiaque détermine le pronostic. Parmi la vingtaine de précurseurs amyloïdes identifiés, deux protéines sont responsables de la plupart des atteintes cardiaques : les chaînes légères (CL) d’immunoglobuline impliquées dans les amyloses AL, et la transthyrétine (TTR) impliquée dans les amyloses à TTR, qui peuvent être héréditaires (TTR-h, ou familiales) en cas de mutation de la TTR, ou sauvages (TTR-wt, ou séniles) en l’absence de mutation. Les amyloses cardiaques sont classées par la Société européenne de cardiologie comme cardiomyopathies restrictives (CMR) et/ou hypertrophiques (CMH) selon la présentation phénotypique, et sont un véritable diagnostic différentiel des CMH sarcomériques. Amylose à chaînes légères (AL) Les amyloses AL sont la conséquence d’une anomalie monoclonale B, généralement une gammapathie monoclonale de signification indéterminée (MGUS) ou un myélome (qui peut être indolent). Si la prévalence des gammapathies monoclonales augmente avec l’âge (jusqu’à 10 % après 80 ans), l’incidence de l’amylose AL est d’environ 500 cas/an en France. C’est une maladie systémique dont les atteintes les plus fréquentes sont rénale (environ 50 %), hépatique (16 %), digestive (10 %) et cardiaque (60 %). Amylose à transthyrétine héréditaire (TTR-h) Plus de 100 mutations de la TTR ont été identifiées comme pourvoyeuses d’amylose, avec des phénotypes variés allant d’une atteinte cardiaque exclusive à une atteinte neurologique pure, avec divers degrés de formes mixtes. La mutation est identifiée par un test génétique qui exclut le diagnostic d’amylose TTR-h s’il est normal. Les mutations fréquemment retrouvées en France en cas d’atteinte cardiaque sont : V122I (forme cardiaque), S77T (forme mixte), L111M et T60A. La mutation V122I la plus fréquente : plus de 3 % des Afro-Américains en sont porteurs, avec une pénétrance incomplète (existence de porteurs sains). La mutation V30M est associée à une forme neurologique (début précoce) ou mixte (forme tardive). La transmission se fait sur un mode autosomique dominant, avec un âge de début qui peut être très tardif dans les formes cardiaques, généralement après 60 ans, et jusqu’à plus de 90 ans. Face à une amylose à TTR, le test génétique est indispensable quel que soit l’âge du patient, seul moyen de différencier une amylose TTR-wt d’une forme héréditaire, aux lourdes conséquences familiales. Amylose à transthyrétine sauvage (TTR-wt) L’amylose TTR-wt, ou sénile, est majoritairement diagnostiquée chez des hommes (> 90 %), possiblement en raison d’un âge de début plus tardif et d’un dépistage moindre chez les femmes. Sa prévalence augmente avec l’âge, (jusqu’à 25 % de dépôts amyloïdes cardiaques après 85 ans dans certaines séries autopsiques). Le typage de l’amylose est fondamental et parfois complexe, notamment chez le sujet âgé puisque statistiquement 10 % des amyloses TTR-wt sont associées à une gammapathie qui n’est pas responsable de l’amylose. Signes évocateurs à reconnaître De façon générale, une amylose cardiaque doit toujours être évoquée en cas d’insuffisance cardiaque associée à une hypertrophie myocardique ou insuffisance cardiaque à FEVG préservée. Manifestations cardiaques Cliniquement, l’amylose cardiaque se manifeste le plus souvent par un tableau d’insuffisance cardiaque avec prépondérance des signes d’insuffisance cardiaque droite. Des lipothymies ou syncopes peuvent être liées à des troubles du rythme, de la conduction, ou à une hypotension orthostatique (dysautonomie vasculaire). Une dyspnée d’effort sans surcharge devra faire rechercher une insuffisance chronotrope (absence d’accélération de la fréquence cardiaque à l’effort, puis baisse de la fréquence cardiaque de repos). Cette « bradycardie relative » aggrave la diminution du débit cardiaque déjà due à la diminution du volume d’éjection systolique. De plus, l’amylose induit un état d’hypercoagulabilité et une hypocontractilité atriale responsables d’une augmentation du risque thromboembolique veineux et artériel, même sans trouble du rythme, qui justifie de discuter systématiquement une anticoagulation efficace, et de rechercher systématiquement un thrombus intracardiaque avant une cardioversion. L’ECG est anormal dans 90 % des cas. Le classique microvoltage (amplitude des QRS 5 mm dans les dérivations périphériques, 10 mm dans les précordiales) ou un voltage normal discordant d’avec l’hypertrophie échographique, est très évocateur mais inconstant et plus souvent observé en cas d’amylose AL que TTR. L’aspect de pseudo-nécrose dans le territoire antéro-septal est aussi fréquent (50 %), et peut conduire à tort au diagnostic de cardiopathie ischémique, renforcé par une élévation fréquente de la troponine. Les troubles conductifs, BAV1 et bloc de branche, sont observés dans plus d’un cas sur cinq, particulièrement dans les amyloses TTR-wt, et doivent faire discuter l’implantation d’un pacemaker. Les biomarqueurs cardiaques troponine et/ou peptides natriurétiques sont élevés, à des niveaux pouvant contraster avec les symptômes et les anomalies imageries modérés. L’échographie cardiaque (figure 1) montre un épaississement des parois myocardiques (« hypertrophie »), qui peut être modéré (12-15 mm) en cas d’amylose AL, et parfois majeur avec authentique obstruction intra-myocardique dans certaines amyloses TTR. Rarement, l’épaisseur myocardique peut être normale. Le classique aspect granité et brillant du myocarde n’est plus spécifique avec les récents échographes et l’utilisation de la double harmonique. L’épaississement des valves mitrales et tricuspides est fréquent dans les amyloses TTR ; celui du septum inter-atrial est évocateur mais plus rare. Un épanchement péricardique est plus souvent retrouvé dans l’amylose AL. La FEVG est préservée jusqu’à un stade tardif, mais la fonction systolique étudiée en Doppler tissulaire ou analyse de déformation est précocement altérée, d’abord sur les segments basaux (gradient base-apex). Toutefois, un tiers des amyloses TTR-wt ont une FEVG 35 %. Figure 1. Amylose cardiaque en échographie. A. Vue parasternale grand axe avec hypertrophie biventriculaire, lame d’épanchement péricardique. B. Altération du strain global longitdinal en cocarde (gradient base-apex). La triade hypertrophie biventriculaire, profil restrictif et épanchement péricardique est très évocatrice d’amylose cardiaque, mais signe un stade avancé. Pour changer le pronostic, il est impératif de faire le diagnostic plus précocement. L’altération du strain global avec un gradient base-apex est très spécifique, notamment quand la FEVG est préservée. Manifestations extracardiaques Certaines manifestations extracardiaques doivent faire suspecter l’amylose : – TTR-wt : canaux carpiens précédant l’atteinte cardiaque de 5 à 10 ans, canal lombaire étroit, surdité de perception ; – TTR-h : neuropathie périphérique, dysautonomie vasculaire ; – AL : atteinte des tissus mous (macroglossie, ecchymoses périorbitaires, dysphonie, fragilité cutanée, pseudo-hypertrophie musculaire), atteinte rénale (glomérulaire) et plus rarement hépatique. L’atteinte dysautonomique peut être observée dans tous les types d’amylose (moins fréquente dans les TTR-wt) : hypotension orthostatique, syncope, insuffisance chronotrope, de troubles digestifs, incontinence, dysfonction érectile, agueusie. Principes de la stratégie diagnostique (figure 3) Figure 3. Stratégie diagnostique devant une suspicion d’amylose cardiaque. En cas de suspicion d’amylose cardiaque, la stratégie diagnostique visera à confirmer le diagnostic positif d’amylose et à déterminer le type d’amylose. Le diagnostic positif de certitude repose sur une preuve histologique qui doit être recherchée systématiquement : biopsie des glandes salivaires accessoires, canal carpien, biopsie sous-cutanée, biopsie rectale, ou orientée par une atteinte d’organe (rénale, hépatique, gastrique, cardiaque, etc.). L’anatomopathologie pourra mettre en évidence les dépôts d’amylose (rouge Congo positifs, avec dichroïsme et biréfringence jaune/vert en lumière polarisée), puis les typer par immunohistochimie ou immunofluorescence (nécessité d’un prélèvement congelé). L’histologie pourra différencier une amylose AL d’une TTR, mais pas une TTR-h d’une TTR-wt. La preuve histologique étant parfois difficile à obtenir malgré des prélèvements répétés, le diagnostic sera alors posé sur un faisceau d’arguments : IRM cardiaque : confirmera certains éléments échographiques (FEVG, épanchement péricardique, épaississement pariétal diffus), recherchera un thrombus intracardiaque, et pourra renforcer la suspicion diagnostique d’amylose après injection de gadolinium : wash-out plus rapide rendant difficile le réglage du temps d’inversion, et rehaussement tardif (> 95 %) typiquement diffus pouvant toucher toutes les structures cardiaques. L’augmentation des valeurs de T1 mapping est décrite en cas d’amylose cardiaque mais peu utilisée en routine. Rappelons que l’IRM peut être mise en défaut, et

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