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Diabéto-Cardio

Publié le  Lecture 12 mins

L’inflammation : facteur de risque cardiovasculaire - 2e partie - Agir sur l’inflammation, efficacité ? Oui, mais ?

Louis MONNIER, Claude COLETTE

À la fin de la première partie de cette série de 2 articles consacrés aux relations entre inflammation et risque cardiovasculaire, nous avions annoncé que les observations provenant des études épidémiologiques et des suivis de cohortes devraient être complétées par des essais interventionnels. L’étude CANTOS (Canakinumab Antiinflammatory Thrombosis Outcome Study)(1) publiée en 2017 dans le New England Journal of Medicine a inauguré une série de travaux interventionnels qui sont développés dans cette deuxième partie et qui sont destinés à répondre à la question suivante : est-il possible de réduire le risque cardiovasculaire en agissant sur l’inflammation indépendamment de toute action sur les lipides circulants ?

L’étude CANTOS Trouver des médications antiinflammatoires spécifiques grâce à la production d’anticorps monoclonaux ciblant spécifiquement un médiateur de l’inflammation est actuellement possible. C’est le cas avec le canakinumab qui cible l’interleukine 1β (1). Cet anticorps monoclonal qui a reçu l’autorisation d’utilisation clinique en rhumatologie réduit le taux de protéine C réactive (CRP) sans entraîner une baisse concomitante du LDL-cholestérol (2), condition nécessaire pour évaluer les effets d’une freination des phénomènes inflammatoires sur le risque de maladies cardiovasculaires. C’est donc le canakinumab que Ridker a utilisé dans l’étude CANTOS (1). Dans cet essai randomisé en double aveugle, ont été inclus 10 061 patients ayant des antécédents d’infarctus du myocarde et un taux plasmatique de CRP ultra-sensible  2 mg/l. Les sujets inclus dans l’étude furent au départ randomisés dans un rapport 1:1:1 pour recevoir soit un placebo soit du canakinumab à la dose de 150 ou 300 mg administrés par voie souscutanée tous les 3 mois. À la demande de l’agence responsable de la surveillance de cet essai, un troisième groupe traité par 50 mg de canakinumab fut rajouté dans un deuxième temps. Dans cette étude conduite sur une durée médiane de 3,7 ans, les objectifs primaires furent d’analyser l’incidence des accidents cardiovasculaires majeurs : infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux non mortels et décès de cause cardiovasculaire. L’essai comportait également plusieurs objectifs secondaires, mais qui étaient en étroite relation avec les objectifs primaires. Parmi ces objectifs secondaires, il faut signaler par exemple les hospitalisations pour un état de mal angineux instable ayant conduit à une revascularisation. À l’issue du suivi, plusieurs résultats intéressants ont été observés sur les objectifs primaires. Ces résultats sont indiqués sur le tableau mais ils peuvent être résumés globalement de la manière suivante : réduction significative de -15 % de l’incidence des événements cardiovasculaires majeurs dans les groupes traités par canakinumab aux doses de 150 mg (p = 0,021) et 300 mg (p = 0,03) par rapport au groupe placebo. Dans la mesure où les lipides plasmatiques (LDL-C, HDL-C et triglycérides) restèrent inchangés sous traitement par canakinumab et où les taux de CRP chutèrent de manière très significative (de -50 à -60 %) dans les groupes traités par canakinumab, les auteurs de cet essai ont considéré que la réduction significative des événements cardiovasculaires pouvait être attribuée à l’action anti-inflammatoire du canakinumab. À noter toutefois que l’un des bémols de cette étude est l’absence de réduction significative de la mortalité globale ou par accident cardiovasculaire (tableau). Les conclusions de cette étude ne peuvent être évidemment appliquées qu’à des sujets ayant déjà fait un infarctus du myocarde et ayant un taux de CRP augmenté à l’état de base ( 2 mg/l). Toutefois, elles ont un intérêt indiscutable. En effet, même si la réduction de l’incidence des événements cardiovasculaires majeurs reste modeste (de l’ordre de 15 % pour les objectifs primaires), les résultats de CANTOS suggèrent fortement que les traitements anti-inflammatoires ont un effet bénéfique sur le développement de l’athérosclérose et surtout sur sa progression, confirmant que la théorie inflammatoire énoncée par Ridker il y a près de 20 ans (3,4) n’était pas un simple concept. Quelques bémols sur l’étude CANTOS Bien que l’étude CANTOS soit basée sur une méthodologie rigoureuse, nous nous permettrons malgré tout quelques remarques. • La première concerne la significativité des résultats. Elle reste relativement faible. Des valeurs du « p » statistique qui ne descendent jamais en dessous de 0,02 et qui restent limitées aux accidents cardiovasculaires majeurs, sans atteindre la limite de 0,05 pour la mortalité (tableau) soulèvent le problème de savoir si le résultat est réellement significatif et si une autre étude réalisée dans des conditions voisines n’aurait pas donné des résultats différents. • La deuxième concerne l’efficacité des statines par rapport à celle du canakinumab. Toutes les études faites avec les statines montrent une efficacité supérieure en termes de réduction d’accidents cardiovasculaires (5,6). En général, comme nous l’avons dit plus haut, les statines ont, par elles-mêmes, une action anti-inflammatoire qui accompagne la baisse du LDL-cholestérol (4,7). Cet effet fut d’ailleurs, il y a plusieurs années, à l’origine d’âpres discussions entre fabricants de statines. Certains soutenaient qu’à effet hypocholestérolémiant identique, la statine qu’ils avaient mise sur le marché était plus efficace que celle de leur concurrent en raison de ses effets pléiotropes en particulier anti-inflammatoires. Cette étude fera-t-elle rebondir le débat ? Ceci est possible dans la mesure où les plaques d’athérome ne se limitent pas à de simples dépôts de cholestérol. En effet, comme l’ont montré les études histopathologiques, la réaction inflammatoire avec prolifération de cellules fibroblastiques destinée à stabiliser la plaque d’athérome, est constante après quelques mois ou quelques années d’évolution. L’étude actuelle revêt donc une certaine importance car elle montre qu’il faudrait se préoccuper de cette composante inflammatoire et cellulaire, soit en la traitant directement par des médications anti-inflammatoires, soit indirectement par le biais de médicaments hypocholestérolémiants. À cet égard, les statines sont certainement à ce jour les médications qui répondent le mieux à ce double objectif. Autres éléments en faveur de la théorie inflammatoire de l’athérosclérose Dans l’étude CANTOS, un pourcentage important de patients (40 % environ) étaient des diabétiques connus et plus de la moitié des sujets étaient obèses (médiane de l’indice de masse corporelle aux alentours de 30 kg/m 2). Quand on sait que les états diabétiques, l’obésité et les syndromes plurimétaboliques sont souvent accompagnés d’un état inflammatoire de faible intensité, il est dommage que ces groupes de sujets n’aient pas fait l’objet d’une analyse spécifique dans l’étude CANTOS. De manière plus précise, les dérives glycémiques peuvent-elles être impliquées dans la pathogénie de l’inflammation ? Une étude récente parue dans Circulation (8) a tenté de préciser les relations entre maladies cardiovasculaires, inflammation, dysfonctionnement immunitaire et désordres glycémiques dans le diabète de type 1, une affection auto-immune au cours de laquelle la mortalité et la morbidité cardiovasculaire sont fortement augmentées quand le contrôle glycémique reste médiocre ou insuffisant (9). L’étude a été conduite à partir des données du DCCT/EDIC ( Diabetes Control and Complications Trial/Epidemiology of Diabetes Interventions and Complications) sur un échantillonnage de 166 patients ayant un diabète de type 1, sélectionnés parmi les 1 441 sujets inclus initialement dans le DCCT. Il convient de rappeler que tous ces patients (n = 1 441) furent randomisés en 2 groupes en fonction du type de traitement « intensif » ou « conventionnel ». Pendant la durée de la phase active de l’intervention (6,5 ans en moyenne), le différentiel d’HbA 1c fut maintenu aux alentours de 2 % : 9,1 % dans le groupe intensif vs 7,2 % dans le groupe conventionnel. Sur cette population, les investigateurs de l’étude parue dans Circulation sélectionnèrent 83 patients avec une HbA 1c ≥ 9 % et 83 avec une HbA 1c ≤ 7 %. Dans chaque groupe, les paramètres suivants ont été évalués : l’auto-immunité cardiaque par la mesure d’anticorps spécifiques (AAbs parmi lesquels des autoanticorps dirigés contre l’α-myosine) ; la réponse inflammatoire (par le dosage de CRP) ; la présence de calcifications des artères coronaires et la survenue d’événements cardiovasculaires sous la forme d’un composite incluant les infarctus du myocarde non mortels, les accidents vasculaires cérébraux, les décès d’origine cardiovasculaire, une insuffisance cardiaque et des pontages coronariens. Les événements cardiovasculaires furent collectés pendant toute la période interventionnelle « active » du DCCT et pendant la période post-intervention jusqu’à la 20 e année après la randomisation (DCCT/EDIC). Les calcifications coronariennes ont été évaluées entre la 7 e et la 9 e année de la période post-intervention. Les anticorps spécifiques (AAbs) ont été mesurés de manière itérative pendant la phase active du DCCT. Enfin, les résultats des dosages d’anticorps obtenus dans le DCCT (DT1) furent comparés à ceux obtenus chez des sujets témoins, diabétiques de type 2, et chez des patients atteints d’une cardiopathie auto-immune dite de Chagas. Les résultats ont montré que les taux d’anticorps (AAbs) divergent de manière progressive entre le groupe « intensif » et « conventionnel » : augmentation chez les sujets DT1 ayant une HbA 1c ≥  9 %, diminution chez ceux ayant une HbA 1c ≤ 7 % (figure 1). Chez les diabétiques de type 1 mal équilibrés, la prévalence de sujets ayant un nombre d’autoanticorps  1,  2,  3 ou  4 est élevée, identique à celle qui est observée dans la cardiomyopathie de Chagas (figure 2). En revanche, la prévalence des autoanticorps est basse chez les diabétiques de type 1 bien équilibrés et voisine de celle qui est observée chez les sujets non diabétiques ou chez les diabétiques de type 2, qu’ils soient ou non bien équilibrés (figure 2). Enfin la positivité des AAbs (n  2 pendant le DCCT) est associée à une augmentation du risque d’événements cardiovasculaires (HR = 16,1 ; IC95% : 3,0-88,2), à une augmentation de la prévalence des calcifications coronariennes (OR : 60,1 ; IC95% : 8,4-410) et à une élévation de la CRPus. Figure 1. Évolution des autoanticorps cardiaques chez les patients du DCCT ( Diabetes Control and Complications Trial) en fonction de leur contrôle glycémique : HbA 1c ≥ 9 % ou ≤ 7 % (d’après la référence 8). Figure 2. Prévalence des sujets ayant un nombre d’autoanticorps

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