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Enseignement par simulation en cardiologie interventionnelle
Batric POPOVIC, Hôpitaux de Brabois, département de cardiologie, VandoeuvrelèsNancy ; Commission « Enseignement par simulation » de la Société française de cardiologie

La cardiologie interventionnelle présente un éventail de plus en plus large de procédures à la fois plus nombreuses et plus complexes requérant un niveau de technicité de plus en plus élevé. Cela incite à développer une approche plus sophistiquée de l’enseignement de cette discipline et du processus d’acquisition des compétences dans un environnement médical, mais aussi général radicalement différent à celui d’il y a quelques années.
Le modèle d’enseignement est jusqu’à présent largement basé sur le compagnonnage auprès d’un formateur en salle de cathétérisme cardiaque en vie réelle. Cet enseignement évolue actuellement rapidement grâce à l’apport de nouveaux outils pédagogiques, représentés par le e-learning et l’apprentissage par simulation sur des mannequins haute-fidélité, capables de proposer des procédures très représentatives de celles pratiquées en vie réelle, et répondant à une demande de formation plus adaptée. Le point de vue des sociétés savantes Même si de nombreuses disciplines, en particulier l’anesthésie-réanimation et la chirurgie, ont grandement contribué à l’essor de l’enseignement par simulation en médecine, la cardiologie interventionnelle a accéléré sa reconnaissance comme une modalité pédagogique importante, en développant des programmes spécifiques d’enseignement par simulation, et en la prenant en compte dans les recommandations internationales comme une méthode d’apprentissage à part entière et enfin en diffusant cet enseignement dans les congrès et dans le cadre de formations nationales et internationales spécialisées. L’ American Board of Internal Medicine a pour la première fois inclus la simulation dans les prérequis pour la recertification des équipes de cardiologie interventionnelle. La Société cardiovasculaire d’angiographie interventionnelle (SCAI) et l’ American College of Cardiology ont été également parmi les premières sociétés savantes à intégrer la simulation comme une méthode d’apprentissage de nouvelles techniques interventionnelles. Certaines collaborations comme celle du SCAI et de la Société brésilienne de cardiologie ont permis de structurer cet enseignement et de pouvoir le diffuser en Amérique latine. Depuis 2004, la FDA ( Food and Drug Administration) a introduit la simulation comme un outil d’enseignement. Actuellement le déploiement de la plupart des technologies interventionnelles à haut risque et leur certification par la FDA sont conditionnés à un entraînement des opérateurs sur simulateurs. L’Europe est considérée par certains comme un peu en retrait dans ce domaine, même si la Société européenne de cardiologie avait évoqué dès 2006 l’intérêt potentiel de la simulation comme outil pédagogique. Principes de l’enseignement par simulation et différentes plateformes disponibles sur le marché Le principe de l’enseignement sur simulateur est de reproduire des éléments clés d’une procédure donnée, dans un environnement sans risque et avec moins de contraintes, notamment en termes de durée. Idéalement, la simulation devrait permettre à un opérateur de s’entraîner à une procédure tout en obtenant ensuite un retour sur les compétences acquises durant cet exercice objectif et précis. La cardiologie interventionnelle a ceci de particulier que les simulateurs les plus sophistiqués sur le marché sont ceux dédiés initialement à l’enseignement de la pathologie endovasculaire. Il existe plusieurs constructeurs de simulateurs appliqués aux procédures endovasculaires. Medical Simulation Corporation USA distribue le système Simantha ® qui propose par exemple un programme de simulation dans le traitement endovasculaire de l’anévrisme de l’aorte abdominale et du TAVI. Le système Angiomentor ® distribué par Symbionix propose un simulateur avec cette fois-ci un panel complet de procédures interventionnelles qui va du traitement endovasculaire de la pathologie artérielle aux procédures de cardiologie structurale. Ce système permet de mesurer différents paramètres de procédure : le temps de l’examen, la quantité d’iode administrée, le temps de fluoroscopie, le type de matériel utilisé, etc. comme autant d’éléments de mesure de performance. Enfin, le système VIST ® distribuée par la société Mentice AB (Gothenburg, Suède) a été largement utilisé dans les études de validation publiées ces dernières années et propose également une large gamme de procédures. Ce modèle de simulation utilise l’expérience de données anatomiques provenant de la vie réelle et permet de rendre compte des performances de l’opérateur en temps réel grâce à une modélisation de l’arbre artériel et des interactions paroi artérielle – cathéter pour un meilleur rendu de la procédure. Figure. Exemples de simulateurs. A. Système Angiomentor ® (Symbionix). B. Système VIST ® (Mentice) Mise en application de la simulation en cardiologie interventionnelle La maîtrise de la voie d’abord L’approche du cathétérisme coronaire a évolué ces dernières années avec l’utilisation prédominante de la voie d’abord radiale. Cependant, quelle que soit la voie d’abord utilisée, une courbe d’apprentissage est nécessaire à la maîtrise de chacune d’entre elles et celle-ci est évidemment, en termes de nombre de procédures, « volume dépendante ». Nombreux sont les simulateurs qui permettent de s’entraîner grâce à de multiples scénarios faisant intervenir des variantes anatomiques, la présence de boucles artérielles à franchir, la survenue de spasmes artériels en cours d’examen. Ils proposent un large éventail de matériels utilisés en pratique quotidienne destinés à s’affranchir de ces situations spécifiques. La simulation en réalité virtuelle est ainsi très utile pour les jeunes collègues en formation à l’heure où certaines voies d’abord vasculaires sont moins utilisées, mais qu’il est néanmoins nécessaire de savoir maîtriser. Ainsi Gum et coll. ont montré par exemple qu’un apprentissage de la voie fémorale grâce à la simulation permettait une diminution des complications et de la durée de procédure. La pathologie artérielle périphérique Contrairement à d’autres domaines de la cardiologie interventionnelle, la simulation a été utilisée très tôt et largement dans la pathologie vasculaire périphérique. L’angioplastie carotidienne en est un bon exemple. Patel et coll. (1)ont montré l’intérêt de l’entraînement sur simulateur sur la durée d’apprentissage des opérateurs. En effet, ces auteurs ont montré que les scores de performance du geste étaient assez similaires au terme de la formation entre des opérateurs présentant au départ un niveau d’expérience différent. Le plus intéressant dans ce type de pathologie est la possibilité de mettre à profit les données anatomiques d’un patient dont la procédure est prévue et de les utiliser au préalable sur la plateforme d’un simulateur dédié : c’est le mode de simulation dit « mission rehearsal ». Cette approche permet aux opérateurs, quel que soit finalement leur niveau d’expérience, d’évaluer une stratégie en amont d’un geste interventionnel en vie réelle et d’anticiper les difficultés rencontrées. Ce type de simulation a déjà été employé pour l’angioplastie artérielle des membres inférieurs, l’angioplastie rénale ou le traitement endovasculaire de l’anévrisme de l’aorte abdominale. C’est ainsi que différents programmes pédagogiques concernant l’angioplastie carotidienne ont été développés : EduCAS ( Carotid Artery stenting Program) et ENACT ( Emory NeuroAnatomy Carotid Training) ou plus généralement pour la pathologique vasculaire European Virtual Reality Endovascular Research Team (EVER-esT). La pathologie coronaire (2,3) Dans le domaine de la pathologie coronaire, la technologie a permis d’établir des scénarios cliniques très réalistes comme l’infarctus du myocarde récent, l’atteinte coronaire multitronculaire ou l’occlusion coronaire chronique. Les opérateurs sont amenés à choisir les traitements pharmacologiques, le matériel approprié à chaque procédure, et à effectuer le geste interventionnel dans son intégralité. De multiples moyens de mesure et d’évaluation existent dans la programmation des simulateurs afin d’évaluer chaque étape de l’angioplastie coronaire, de l’insertion du cathéter jusqu’au déploiement d’un stent. Si l’utilité de la simulation a été initialement établie pour des procédures endovasculaires périphériques, peu d’études ont validé son intérêt dans la pathologie coronaire. Ceci s’explique peutêtre par le haut volume de gestes coronaires pratiqué dans les centres donnant l’impression de ne pas avoir besoin de modifier les modalités de l’apprentissage. Bagai et coll. (4) ont été parmi les premiers à évaluer le transfert de compétences acquises sur simulateur dans le cadre du cathétérisme coronaire. Ces auteurs ont montré de meilleures compétences techniques dans le groupe d’opérateurs ayant bénéficié d’une formation par simulation. L’évaluation de ces séances de simulation se fait sous forme de score de performance, de score d’erreurs en mettant en exergue souvent des paramètres considérés comme importants comme la durée de fluoroscopie ou la quantité d’iode injectée. Plus récemment, le transfert des compétences acquises en réalité virtuelle sur les procédures en vie réelle a été étudié par Jensen et coll. (5). Ces auteurs ont ainsi pu confirmer l’impact d’un enseignement de l’angiographie coronaire sur simulateur sur les compétences et le nombre d’erreurs de procédure de ces mêmes opérateurs lorsqu’ils réalisent ensuite ce geste interventionnel en conditions réelles. Enfin, Voelker et coll. (6) ont étudié l’apport de la simulation sur la maîtrise théorique d’une procédure d’angioplastie coronaire chez des opérateurs ayant déjà une expérience en coronarographie diagnostique. Les auteurs rapportent un score de performance plus élevé dans le groupe d’opérateurs ayant bénéficié d’un apprentissage par simulation par rapport au groupe ayant uniquement bénéficié d’un enseignement théorique de la procédure. La limite de cette étude, comme beaucoup d’autres, est qu’elle n’évalue pas ensuite l’apport de cet apprentissage à des procédures d’angioplastie en vie réelle. La rythmologie interventionnelle Dans ce domaine, l’expérience la plus aboutie est la stimulation cardiaque avec des appareils conventionnels, mais aussi des stimulateurs triple chambre dans diverses conditions cliniques. La réalité virtuelle pourrait être un outil pédagogique utile d’après Maytin et coll. dans l’apprentissage de l’extraction des sondes de
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