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Insuffisance cardiaque

Publié le  Lecture 14 mins

L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée - État des lieux et perspectives

Michel GALINIER et coll.*, Fédération des services de cardiologie, CHU Toulouse Rangueil

L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (ICFEp) n’est pas une maladie unique et homogène mais un syndrome protéiforme, à la physiopathologie complexe, dépendante de l’étiologie dominante, associé à diverses comorbidités(1). À la différence de l’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique, uniformisée par les conséquences neuro-hormonales de l’altération de la fraction d’éjection, son traitement ne repose sur aucunes recommandations solides(2), les 6 grands essais thérapeutiques lui ayant été consacrés, dont le dernier, l’étude PARAGON-HF, n’ayant pu démontrer une diminution significative de la morbi-mortalité.

Si l’élévation des pressions de remplissage du ventricule gauche est le dénominateur commun de ce syndrome, responsable de la dyspnée et de la rétention hydrosodée, rendant compte de la nécessité de contrôler la volémie grâce à l’utilisation des diurétiques, le traitement de fond des ICFEp est avant tout étiologique. Ainsi, il n’existe probablement pas de traitement uniforme de l’ICFEp, les choix des thérapeutiques devant se faire sur mesure en fonction de l’étiologie et donc du processus physiopathologique dominant. Une analyse phénotypique précise, prenant en compte les données cliniques, étiologiques, biologiques, échocardiographiques, les comorbidités, voire les résultats de l’IRM myocardique et de la scintigraphie au diphosphonate, est donc nécessaire afin d’aboutir à une classification physiopathologique des différentes formes d’ICFEp et de proposer un traitement adapté (1). Les principales étiopathogénies sont les formes par surcharges barométriques, dominées par la cardiopathie hypertensive, les formes par surcharge volumétrique, avec l’obésité et l’insuffisance rénale, les formes par atteinte myocardique avec, d’une part, la cardiomyopathie propre au syndrome métabolique et au diabète et, d’autre part, les cardiomyopathies hypertrophiques et restrictives, sans oublier la cardiopathie ischémique. Une approche nouvelle a utilisé les outils informatiques habituellement dédiés au génotypage. « Le phénomapping », a permis, à partir des données cliniques et paracliniques recueillies chez des patients atteints d’ICFEp, d’individualiser 3 grands groupes phénotypiques qui se distinguent par leur pronostic et pourraient justifier des attitudes thérapeutiques spécifiques (1,3) . • Le premier groupe correspond probablement aux formes débutantes de la maladie, les patients étant plus jeunes, rarement diabétiques, les taux de peptides natriurétiques de type B moins élevés, la fonction rénale non altérée, la masse ventriculaire gauche, le volume de l’oreillette gauche, les pressions de remplissage ventriculaire gauche et les pressions pulmonaires inférieures par rapport aux deux autres groupes. Logiquement c’est lui qui a le meilleur pronostic et devrait répondre le mieux aux traitements. • Le deuxième groupe se caractérise par une forte prévalence de l’obésité, de l’hypertension artérielle, du diabète, des apnées du sommeil obstructives, et a au plan hémodynamique le débit cardiaque le plus élevé, tableau compatible avec les conséquences cardiaques de l’obésité et du syndrome métabolique, son pronostic est intermédiaire. • Le troisième groupe correspond aux formes les plus évoluées du syndrome, les patients étant plus âgés, moins souvent en surcharge pondérale, les taux de peptides natriurétiques plus élevés, la fonction rénale fréquemment altérée, la durée du QRS plus élargie, la masse ventriculaire gauche, le volume de l’oreillette gauche, les pressions de remplissage ventriculaire gauche et les pressions artérielles pulmonaires plus élevées et le débit cardiaque plus bas. Logiquement c’est lui qui a le plus mauvais pronostic et devrait mal répondre aux traitements, pouvant expliquer en partie les échecs des tentatives thérapeutiques. Il est ainsi rassurant que les données de l’intelligence artificielle retrouvent celles du bon sens clinique… Le profil clinique, hémodynamique et pronostique des patients du 3 e groupe correspond sur de nombreux points à celui que l’on attendrait d’un patient atteint d’amylose cardiaque. L’amylose sénile, ou amylose à transthyrétine sauvage, par opposition à l’amylose à transthyrétine mutée, maladie familiale de transmission autosomique dominante, est une pathologie sporadique d’expression quasi exclusivement cardiaque, à l’exception du syndrome du canal carpien, qui prédomine chez l’homme de plus de 60 ans (4). Tout comme l’ICFEp, sa prévalence augmente avec le vieillissement de la population (5) et une série autopsique a retrouvé 17 % d’amylose à transthyrétine sauvage dans une population de patients avec ICFEp, pouvant dépasser 60 % chez les patients de 90 ans et plus (6). En l’absence de biomarqueur diagnostique et étant donné une localisation quasi exclusive au niveau du cœur, son diagnostic a pendant longtemps été méconnu devant la réticence légitime à cet âge des cardiologues à obtenir la preuve histologique de l’amylose par la réalisation de biopsies myocardiques. La découverte récente et fortuite que les cœurs atteints d’amylose à transthyrétine fixaient les diphosphonates technétiés lors des scintigraphies osseuses a permis de développer un outil diagnostic non invasif (7). Ce nouvel outil a ouvert la voie à des travaux dans le domaine de l’exploration étiologique de l’ICFEp, confirmant que dans une population de patients de plus de 60 ans, 13 à 18 % avaient une fixation myocardique de traceurs osseux compatible avec la présence de dépôts amyloïdes (8,9). Dans notre série par rapport aux autres patients atteints d’ICFEp, les sujets présentant une amylose à la transthyrétine sauvage ont moins souvent des antécédents d’hypertension artérielle, leur niveau de pression artérielle systolique est plus bas, à l’électrocardiogramme les complexes QRS sont de plus bas voltage mais de durée supérieure, à l’échocardiographie, l’hypertrophie ventriculaire gauche est plus marquée et le strain longitudinal global plus diminué avec une augmentation du ratio du strain longitudinal de l’apex à la base. Néanmoins, seule la réalisation systématique d’une IRM myocardique et/ou d’une scintigraphie au diphosphonate permet un diagnostic précis. L’inclusion probable d’un certain nombre de ces patients dans l’essai PARAGON-HF, où les patients atteints de cardiomyopathie restrictive devaient être exclus mais où la réalisation d’IRM et de scintigraphie au diphosphonate n’était pas systématique, est probablement à l’origine de l’absence d’effet significatif de l’association sacubitril-valsartan dans le traitement de l’ICFEp chez les hommes au cours de cette étude, le sexe ration de l’amylose à la transthyrétine étant de 9 hommes pour 1 femme (10). Les comorbidités sont nombreuses au cours de l’ICFEp qui est une pathologie du sujet âgé. La Société européenne de cardiologie (2) en a listé 16. Certaines sont en fait des étiologies, comme l’hypertension artérielle et la maladie coronarienne, d’autres des facteurs déclenchants de décompensation, comme la fibrillation atriale paroxystique. Parmi les comorbidités extracardiaques, le diabète, l’insuffisance rénale, la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) et l’anémie, dont la principale cause est la carence martiale, sont particulièrement fréquentes au cours de l’ICFEp. Ainsi dans l’étude PARAGON-HF 43 % des sujets sont diabétiques, probablement du fait de la fréquence élevée de l’obésité qui touche 49 % des patients, 47 % des sujets sont porteurs d’une insuffisance rénale et 14 % d’une BPCO (11). Ces comorbidités qui sont souvent associées, formant un comorbidome, participent à la physiopathologie complexe de l’ICFEp en générant un état inflammatoire chronique et un stress oxydatif, aggravent les symptômes et l’intolérance à l’effort, dégradent la qualité de vie, favorisent les réhospitalisations précoces et grèvent le pronostic. Elles rendent difficile le traitement des patients, pouvant d’une part favoriser la sous-prescription des inhibiteurs des systèmes sympathique et rénineangiotensine-aldostérone et d’autre part justifier l’emploi de médicaments pouvant aggraver l’insuffisance cardiaque. Leur recherche systématique et leur prise en charge spécifique sont donc nécessaires au cours de l’ICFEp, qui apparaît de plus en plus comme une pathologie multiorgane, même si les preuves cliniques sont souvent limitées en l’absence d’études dédiées. Une place importante doit être faite au diabète dont la prévalence varie de 21 à 44 % au cours des essais cliniques consacrés à l’ICFEp (12) et devrait augmenter du fait de l’épidémie d’obésité et d’insulino-résistance. Une atteinte myocardique directe liée au diabète, dont la physiopathologie complexe associe des phénomènes de glucotoxicité, de lipotoxicité et de dysfonction mitochondriale, va aggraver la cardiopathie sousjacente en participant à l’altération des fonctions systoliques et diastoliques. L’existence d’un diabète aggrave le pronostic, majorant le risque de décès ou d’hospitalisation de manière plus marquée au cours de l’ICFEp que dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite comme l’a démontré le programme CHARM (figure 1) (13). Au cours de l’insuffisance cardiaque aiguë, l’existence d’un diabète augmente de 77 % la mortalité hospitalière (14). L’existence d’une insuffisance cardiaque va modifier la cible d’hémoglobine glyquée à atteindre, située entre 7 et 8 %, du fait du risque de mort subite par trouble du rythme généré par les hypoglycémies sévères, qui stimulent le système sympathique, diminuant la variabilité sinusale et allongeant l’intervalle QT. L’existence d’une ICFEp va également influencer le choix des médicaments hypoglycémiants, les effets des différentes classes d’hypoglycémiants sur le risque d’apparition ou d’aggravation d’une insuffisance cardiaque étant très hétérogènes. Figure 1. Valeur pronostique du diabète au cours des insuffisances cardiaques à fraction d’éjection réduite et préservée dans le programme CHARM (13). Certains ont des effets négatifs comme les glitazones, qui majorent le risque de décompensation en favorisant une rétention hydrosodée, ou certains inhibiteurs de la DPP4, comme la saxagliptine. D’autres ont des effets positifs, comme les inhibiteurs sélectifs du co-transporteur 2 du sodium-glucose (SGLT2), qui diminuent significativement de 30 % environ le nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque au cours des essais EMPA-REG OUTCOME (15), CANVAS (16) et DECLARE-TIMI58 (17), bénéfice retrouvé aussi bien chez les patients avec ou sans antécédent d’insuffisance cardiaque. Ainsi il existe un effet de classe des inhibiteurs SGLT2 sur la

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