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Diabéto-Cardio

Publié le  Lecture 11 mins

Stratégies en cas de maladie rénale chronique, d’insuffisance cardiaque et/ou de maladie cardiovasculaire avérée

Patrice DARMON, service d’endocrinologie, maladies métaboliques et nutrition, Hôpital de la Conception, Marseille

En octobre 2017, la Société francophone du diabète (SFD) publiait une prise de position, basée sur un consensus d’experts, concernant le traitement médicamenteux de l’hyperglycémie du patient présentant un diabète de type 2 (DT2)(1). Deux ans plus tard, et comme elle s’y était engagée, la SFD a publié une actualisation de cette prise de position à la lumière d’un corpus de nouvelles connaissances(2). De fait, les données de la littérature accumulées au cours de ces deux années ont enrichi nos connaissances et modifié la façon d’envisager nos stratégies thérapeutiques, que l’on peut aujourd’hui ajuster au plus près du profil clinique du patient.

Ainsi, il s’agit de prendre en compte désormais non seulement les objectifs glycémiques, le risque d’hypoglycémie et la maîtrise du poids, mais aussi le risque cardiovasculaire et rénal. Ce changement de focale est devenu possible grâce à l’accumulation de données nouvelles concernant, notamment, la classe des agonistes du récepteur du GLP-1 (GLP-1 RA) et celle des inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2). Ces deux classes thérapeutiques sont désormais positionnées de manière préférentielle dans toutes les recommandations internationales, au premier rang desquelles le consensus d’experts des Sociétés européenne et américaine de diabétologie de 2018 (3) actualisé en 2019 (4). Bien que les iSGLT2 ne soient toujours pas disponibles en France, la SFD a tenu à les intégrer dans les nouveaux algorithmes de prise en charge. L’actualisation de la prise de position de la SFD a pour but d’aider les cliniciens dans le choix des stratégies thérapeutiques au cours du DT2 et de les guider sur un chemin de plus en plus complexe en prenant en compte la balance bénéfices-risques des traitements, l’état de santé mais également les préférences du patient, sans oublier les conséquences économiques pour la collectivité. Ce qui ne change pas par rapport à 2017 De nombreux avis sont repris à l’identique (ou quasiment) dans cette actualisation de la prise de position. Il s’agit des avis portant sur les aspects suivants de la prise en charge : • Approche centrée sur le patient • Décision médicale partagée • Modifications thérapeutiques du mode de vie, socle de la prise en charge • Rôle clé de l’éducation thérapeutique et de l’accompagnement du patient • Réévaluation régulière de la réponse thérapeutique (et de l’adhésion) et règles d’arrêt des traitements, permettant de lutter à la fois contre l’inertie thérapeutique et contre l’empilement — souvent contre-productif — de médicaments • Metformine, traitement médicamenteux de première intention • Stratégies thérapeutiques chez les patients avec une obésité grade 2 ou 3 • Stratégies thérapeutiques chez les femmes enceintes ou envisageant de l’être • Dimension économique (utilisation préférentielle des génériques et des biosimilaires ; règle éthique du « juste soin pour le patient au moindre coût pour la collectivité »). Ce qui est légèrement modifié par rapport à 2017 Certains avis de la nouvelle prise de position intègrent des modifications mineures. Il s’agit des aspects suivants de la prise en charge : • Quelle bithérapie préférentielle après échec de la metformine chez un patient DT2 en situation « commune » (sujets de moins de 75 ans, avec un IMC inférieur à 35 kg/m 2, ne présentant ni maladie cardiovasculaire avérée, ni insuffisance cardiaque ni maladie rénale chronique/insuffisance rénale chronique, et hors contexte de grossesse ou de préparation à la grossesse) ? • Insulinothérapie : initiation, intensification, gestion des autres antidiabétiques • Stratégies thérapeutiques chez les sujets âgés de plus de 75 ans • Auto-surveillance glycémique : place de la mesure continue du glucose interstitiel par méthode flash. Ce qui change par rapport à 2017 Certains avis de la nouvelle prise en position bénéficient de changements importants. Il s’agit des aspects suivants de la prise en charge : • Objectifs glycémiques « affinés » en fonction du profil du patient, introduction d’une borne inférieure d’HbA 1c à ne pas dépasser dans certaines situations • Décision d’inclure les iSGLT2* dans les algorithmes de prise en charge en dépit de leur absence sur le marché français • GLP-1 RA, « premier injectable » avant l’insuline - sauf cas particuliers • Stratégies thérapeutiques en cas de maladie rénale chronique, en cas d’insuffisance cardiaque et en cas de maladie cardiovasculaire avérée : ces stratégies sont détaillées dans la suite de cet article. Stratégie thérapeutique en cas de maladie rénale chronique Certains GLP-1 RA (liraglutide, sémaglutide, dulaglutide) ont montré un effet positif sur un critère composite rénal, résultant essentiellement d’un bénéfice sur la protéinurie plutôt que d’une moindre progression vers l’insuffisance rénale terminale ou la mort d’origine rénale. Les iSGLT2 ont, eux, montré un effet positif sur un critère composite rénal, sur la protéinurie, sur la perte de la filtration glomérulaire et sur la progression vers l’insuffisance rénale terminale ou la mort d’origine rénale dans les trois grands essais de sécurité cardiovasculaire menés avec l’empagliflozine, la canagliflozine et la dapagliflozine, mais aussi dans un essai spécifique mené avec la canagliflozine chez des patients DT2 avec néphropathie clinique (CREDENCE). Le consensus des experts de l’ADAEASD de 2018** préconise l’utilisation préférentielle d’un iSGLT2 chez les patients DT2 présentant une maladie rénale chronique, à condition que le débit de filtration glomérulaire (DFG) reste à un niveau adéquat, alors que le choix se portera sur un GLP-1 RA en cas d’intolérance ou de contre-indication aux iSGLT2 (3). Le groupe de travail de la SFD se situe dans la droite ligne de ce consensus puisqu’il précise, dans l’avis n° 25, que chez les patients DT2 présentant une maladie rénale chronique, définie par la présence, pendant plus de 3 mois, de marqueurs d’atteinte rénale et/ou d’une baisse du DFG estimé? au-dessous de 60 ml/min/1,73 m 2 : – la metformine doit être maintenue ou introduite sous réserve du respect des contre-indications (réduction des doses pour un DFG 60 ml/min/1,73 m², arrêt lorsque DFG inférieur à 30 ml/min/1,73 m 2) ; – le traitement de seconde ligne préférentiel sera un iSGLT2* ayant apporté la preuve de son effet néphroprotecteur (à ce jour, empagliflozine, canagliflozine, dapagliflozine), sous réserve du respect de leurs contre-indications (pas d’initiation si le DFG est 60 ml/min/1,73 m 2, arrêt lorsque le DFG devient 45 ml/min/1,73 m 2 pour l’empagliflozine et la canagliflozine) ; – en cas de contre-indication ou de mauvaise tolérance aux iSGLT2*, on pourra envisager de prescrire un GLP-1 RA ayant démontré un bénéfice rénal (liraglutide, sémaglutide, dulaglutide, tous contre-indiqués en cas de DFG 15 ml/min/1,73 m 2) ; – dans les cas où une insulinothérapie basale est envisagée chez un patient recevant déjà un GLP-1 RA ou un iSGLT2*, leur maintien doit être envisagé ; – une coordination entre médecin généraliste, néphrologue et endocrinologue-diabétologue est recommandée. Stratégie thérapeutique en cas d’insuffisance cardiaque Les GLP-1 RA semblent sûrs chez les patients présentant une insuffisance cardiaque à un stade clinique précoce (NYHA I-III) et pourraient même être (modérément) protecteurs vis-à-vis du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque chez les patients DT2 à très haut risque cardiovasculaire selon les résultats de la métaanalyse récente des essais de sécurité cardiovasculaire menés avec ces agents (5) ; cependant, certaines études liminaires avec le liraglutide suggèrent qu’ils pourraient être délétères en cas d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée, peut-être en raison de leur effet tachycardisant. Concernant les iSGLT2, les résultats des essais d’intervention menés avec l’empagliflozine, la canagliflozine et la dapagliflozine ont démontré le net bénéfice de ces molécules vis-à-vis des événements liés à l’insuffisance cardiaque. La métaanalyse de ces trois essais montre une baisse significative de 31 % de l’incidence des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et de 23 % du critère combinant la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque chez des patients DT2 à haut/très haut risque cardiovasculaire recevant un iSGLT2 versus placebo ; le bénéfice est similaire qu’il existe ou non un antécédent d’insuffisance cardiaque ou de maladie cardiovasculaire avérée à l’inclusion (6). Plus récemment, la dapagliflozine a montré un effet cardioprotecteur dans une étude menée spécifiquement chez des patients, DT2 ou non, présentant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée (DAPAHF). Le consensus des experts de l’ADA-EASD de 2018** préconise l’utilisation préférentielle d’un iSGLT2 chez les patients DT2 présentant une insuffisance cardiaque, alors que le choix se portera sur un GLP-1 RA en cas d’intolérance ou de contre-indication aux iSGLT2 (3). Le groupe de travail de la SFD est en accord avec ce consensus, avec toutefois quelques nuances, puisqu’il précise, dans l’avis n° 26, que chez les patients DT2 avec insuffisance cardiaque : – la metformine reste indiquée en première intention s’il s’agit d’une insuffisance cardiaque stable sans insuffisance rénale chronique sévère associée (DFG ≥ 30 ml/min/1,73 m 2), mais doit être évitée en cas d’insuffisance cardiaque instable et/ou nécessitant une hospitalisation ; – si la metformine est contreindiquée ou mal tolérée, ou lorsqu’elle ne permet pas un contrôle glycémique suffisant, il faudra privilégier un iSGLT2* ayant démontré un effet protecteur vis-à-vis des événements cliniques liés à l’insuffisance cardiaque (à ce jour, empagliflozine, canagliflozine, dapagliflozine) ; – en cas de contre-indication ou de mauvaise tolérance aux iSGLT2*, le choix se portera sur un GLP-1 RA ayant démontré sa sécurité d’emploi vis-à-vis des événements cliniques liés à l’insuffisance cardiaque (liraglutide, sémaglutide, dulaglutide) ; toutefois, et dans l’attente de nouvelles données, les GLP-1 RA doivent être évités en cas d’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection diminuée ( 40 %), compte tenu de leur effet tachycardisant et du signal défavorable observé avec le liraglutide dans les études LIVE et FIGHT chez de tels patients ; – parmi les iDPP4 commercialisés à ce jour en France, la sitagliptine doit être privilégiée compte tenu de sa sécurité démontrée vis-àvis des événements liés à l’insuffisance cardiaque, alors que la saxagliptine doit être évitée du fait de l’augmentation du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque observé dans l’étude SAVOR-TIMI 53 ; –

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