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Dyslipidémies

Publié le  Lecture 13 mins

Conduite à tenir devant une hypertriglycéridémie sévère

Jean FERRIÈRES, Fédération de cardiologie, CHU de Toulouse

JESFC

L’hypertriglycéridémie est une anomalie métabolique très commune qui a plusieurs visages. La première problématique est celle du dosage et de sa correspondance avec la physiopathologie (figure 1). L’élévation chronique des triglycérides peut correspondre à des anomalies athérogènes ou à une situation à risque pour le pancréas. Le cardiologue praticien doit faire la part entre des élévations modérées qui évoluent généralement dans un contexte de maladie coronaire classique et les élévations importantes des triglycérides où l’urgence thérapeutique est la règle.

Figure 1. Risque cardiovasculaire lié à l’hypertriglycéridémie. Quels dosages lipidiques faut-il réaliser en pratique quotidienne ? Le bilan en première intention doit consister en une exploration d’une anomalie lipidique (EAL) comportant la détermination des concentrations du cholestérol total, des triglycérides et du HDL-cholestérol par une méthode adéquate. Ceci permet le calcul du LDL-cholestérol (LDL-C) par la formule de Friedewald si la triglycéridémie est 4 g/l selon la formule : LDLcholestérol (g/l) = cholestérol total (g/l) – HDL-cholestérol (g/l) – triglycérides (g/l) / 5. Si les triglycérides sont ≥ 4 g/l, le LDL-C ne peut être calculé à moins qu’il ne soit dosé par une méthode directe. Ces dosages lipidiques doivent être réalisés après 12 heures de jeûne avec des techniques standardisées, évaluées et régulièrement contrôlées. En présence d’une hypertriglycéridémie majeure (aux alentours de 10 g/l), l’interprétation du bilan lipidique sera basée essentiellement sur l’analyse des triglycérides et du cholestérol total. Faut-il faire un dosage lipidique à jeun ou en période postprandiale ? Les recommandations incitent à la réalisation d’un bilan biologique lipidique à jeun. Cependant, de nombreux travaux ont montré que l’hyperlipémie postprandiale est étroitement liée au risque cardiovasculaire. De plus, tout être humain passe la majeure partie des 24 heures de la journée en période postprandiale et il n’est pas rare d’avoir une hypertriglycéridémie plasmatique 12 heures après un repas. Si les triglycérides postprandiaux sont liés au risque cardiovasculaire, il serait donc approprié de doser ces triglycérides dans la période qui suit les repas. On pourrait ainsi imaginer le dosage du LDL-C par méthode directe et l’évaluation des triglycérides en période postprandiale afin d’avoir une meilleure appréciation du risque lipidique. Cependant, ceci supposerait la standardisation de la réalisation du dosage biologique lipidique en période postprandiale. En tout cas, il est encore trop tôt pour pratiquer un dosage de la lipémie postprandiale, en particulier des triglycérides, et de prendre une décision thérapeutique en fonction des valeurs recueillies. Quelles sont les hypertriglycéridémies secondaires (figure 2) ? Figure 2. Démarche diagnostique face à une hypertriglycéridémie. Comme toutes les dyslipidémies, l’hypertriglycéridémie peut être la conséquence d’une maladie ou de l’utilisation de médicaments au long cours. Parmi les hypertriglycéridémies iatrogènes, on citera les hypertriglycéridémies liées à la corticothérapie, celles liées à l’estrogénothérapie, celles liées à la prise des rétinoïdes, dans le cadre de l’infection au VIH ou à son traitement, ou liées à la prise de rétinoïdes ou de certains antihypertenseurs tels que les diurétiques et certains bêtabloqueurs. La deuxième grande catégorie d’hypertriglycéridémies secondaires correspond à la présence d’une maladie et le diagnostic est alors plus facile. Il s’agit de toutes les formes de diabète, de l’hypothyroïdie et des anomalies hépatiques liées à la cholestase intrahépatique ou extrahépatique. L’hyperlipidémie mixte fait très souvent partie du tableau de l’insuffisance rénale chronique ou du syndrome néphrotique. En présence d’une maladie avérée, le diagnostic est facile soit à partir des signes cliniques, soit à partir des signes biologiques mais c’est dans le cas de formes mineures telles que l’hypothyroïdie fruste que le diagnostic est le plus difficile. Il faudra donc toujours procéder à une première étape de recherche de cause avant d’engager un traitement médicamenteux hypotriglycéridémiant. Quel est l’intérêt du dosage de l’apolipoprotéine B par rapport au bilan lipidique standard ? Le dosage de l’apolipoprotéine B est standardisé et peut être réalisé de manière quotidienne. Il n’est cependant pas recommandé à l’heure actuelle en pratique médicale courante. En présence d’une hypertriglycéridémie, la probabilité est grande d’avoir dans le plasma des LDL petites et denses qui sont à haut risque cardiovasculaire. Plusieurs études prospectives ont montré que l’apolipoprotéine B est plus informative sur le risque de maladie cardiovasculaire que le cholestérol total ou le LDL-C. D’autres travaux ont montré que l’apolipoprotéine B sous traitement donne plus d’informations sur le risque que la mesure sous traitement du LDL-C. Enfin le calcul du LDL-C selon la formule de Friedewald est souvent pris en défaut lorsque les triglycérides baissent et que le HDL-cholestérol (HDL-C) ou le cholestérol total ne bougent pas ; on assiste alors à une élévation du LDL-C et il est fort bien difficile de conclure à une augmentation réelle de ce LDLC puisqu’il s’agit là d’un calcul arithmétique simple. L’apolipoprotéine B correspond à une mesure directe et est à l’abri d’extrapolations. La limite supérieure de l’apolipoprotéine B est de 1,20 g/l. En cas d’hypertriglycéridémie modérée et d’élévation franche de l’apolipoprotéine B, on peut conclure à une élévation probable du risque cardiovasculaire. Quelle est la valeur des triglycérides qui est souhaitable en pratique quotidienne ? Les recommandations européennes proposent la valeur de triglycérides de 1,50 g/l comme la valeur seuil qu’il ne faudrait pas dépasser chez le sujet normal. Les instances internationales affirment qu’au-delà de 1,50 g/l de triglycérides, le risque cardiovasculaire est authentique et la prise en charge s’avère nécessaire. Cette valeur de 1,50 g/l doit être un indicateur d’alerte permettant la recherche des autres facteurs de risque et le meilleur contrôle des facteurs de risque déclarés. Le risque cardiovasculaire des triglycérides est-il indépendant du risque lié au LDL-C et au HDL-C ? Le plus souvent, le LDL-C est le résultat d’un calcul selon la formule de Friedewald. Il y a donc, de fait, une dépendance des relations entre les différentes variables biologiques lipidiques. Enfin, ces déterminations biologiques ne quantifient pas précisément les lipoprotéines correspondant au risque cardio vasculaire. En effet, c’est la lipoprotéine LDL, la lipoprotéine HDL ou les remnants de VLDL qui sont en rapport avec le risque et non pas ce que l’on dose indirectement avec l’exploration d’une anomalie lipidique. Tout ceci explique que les triglycérides mesurés dans la phase postprandiale sont plus strictement liés au risque cardiovasculaire que les triglycérides dosés à jeun. Dans des études prospectives récentes, ces triglycérides mesurés non à jeun restent prédictifs même après ajustement pour le HDL-C. Ceci signifie simplement que le dosage des triglycérides en période postprandiale est plus proche de la physiopathologie du risque lié aux triglycérides élevés. Ces triglycérides dont le dosage n’est pas réalisé à jeun reflètent la stagnation des lipoprotéines riches en triglycérides et la sur-représentation dans le plasma des lipoprotéines LDL petites et denses dont on connaît le risque athéroscléreux. D’autres travaux d’ordre thérapeutique ont montré que le bénéfice de la baisse des triglycérides sur le risque coronaire est plus marqué lorsque les triglycérides sont élevés et le HDLC est bas. Ceci montre la complexité des relations entre les triglycérides et le risque et l’interdépendance de fait de toutes ces anomalies biologiques appréciées de manière très simple par l’exploration d’une anomalie lipidique. Les triglycérides sont-ils dangereux chez le coronarien avéré ? En pratique, dès l’admission d’un patient coronarien, un bilan biologique à visée d’évaluation lipidique est réalisé. Une statine est requise afin d’amener le LDL-C le plus bas possible. Cependant, le spécialiste ou le médecin généraliste doivent prendre soin de parfaitement évaluer les autres paramètres, en particulier, le HDL-C et les triglycérides. Si ces deux paramètres restent en dehors des valeurs normales, c’est-à-dire des triglycérides supérieurs à 1,50 g/l et un HDL-C bas, il faudra prendre en compte ces valeurs anormales pour mieux maîtriser le risque de rechutes. Les triglycérides plasmatiques élevés reflètent-ils toujours la même dyslipidémie (figure 3) ? Figure 3. Métabolisme des triglycérides chez l’homme. L’exploration d’une anomalie lipidique comporte l’évaluation du cholestérol total, des triglycérides et du HDL-C ; le LDL-C est fourni à l’aide d’un calcul. À partir de l’ensemble de ces paramètres, le clinicien tente de classer les différentes dyslipidémies. L’hypertriglycéridémie peut être pure. Il s’agit de la forme la plus classique et la plus répandue où les triglycérides sont entre 2 et 10 g/l. Il s’agit du type IV de la classification internationale. Si les triglycérides sont accompagnés de chylomicrons, il peut s’agir du type I ou du type V de la classification internationale. À l’opposé, les triglycérides peuvent accompagner une élévation du LDL-C. On a alors affaire à l’hyperlipidémie familiale combinée (type IIb) ou à la dysbêtalipoprotéinémie (type III). L’hyperlipidémie mixte en rapport avec l’hyperlipidémie familiale combinée est de loin la forme la plus fréquente. Elle est aussi très athérogène et mérite une intensification des mesures diagnostiques et thérapeutiques. Lorsque le LDL-C est contrôlé chez le sujet à haut risque, faut-il se préoccuper des triglycérides ? Une fois que le traitement par statine est institué chez le patient à haut risque, faut-il se satisfaire du résultat obtenu si le LDL-C est fortement abaissé par la thérapeutique ? Il n’est pas inutile de rappeler que même avec de fortes doses de statines, le risque de rechutes coronaires est important. Dans l’étude Treating to New Targets (TNT), les patients sous atorvastatine 80 mg ont un risque de rechutes de 28 % alors qu’il est de 33 % chez les patients qui prennent de l’atorvastatine à raison de 10 mg par jour. Il existe certes une efficacité de la forte dose par rapport à la dose standard mais les événements coronaires sont loin d’être annulés complètement. Dans l’étude Heart Protection Study (HPS), les patients sous statines

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