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COVID-19

Publié le  Lecture 14 mins

SARS-CoV-2, COVID-19 et inhibiteurs du système rénine-angiotensine-aldostérone

Léa CACOUB* et Patrice CACOUB**, Paris

Le coronavirus, initialement appelé nCOV-2019 pour nouveau coronavirus 2019, puis rebaptisé SARS-CoV-2 est à l’origine d’une maladie appelée COVID-19 (Coronavirus Disease 2019) devenue une pandémie en quelques semaines. Le SARS-CoV-2 est un virus à ARN faisant partie de la famille des Coronaviridae, famille connue pour entraîner des infections respiratoires hautes chez les adultes. Il tient son nom de « Corona » en raison de sa structure en microscopie électronique en forme de couronne. D’autres Coronavirus ont conduit durant les deux dernières décennies à des épidémies. La première en 2002-2003, due au SARS-CoV (Severe Acute Respiratory Syndrome), avait débuté en Chine et avait infecté plus de 8 000 personnes et fait plus de 700 morts. La deuxième liée au MERS-CoV (Middle-East Respiratory Syndrome), plus virulent, a sévi au Moyen-Orient entre 2012 et 2013, et avait infecté près de 3 000 personnes et fait près de 900 morts.

Les premières études épidémiologiques chinoises publiées après l’épidémie asiatique à SARS-CoV-2, ont mis en évidence un lien entre l’hypertension artérielle (HTA) et la morbi-mortalité liée au COVID-19. Wu et coll. ont rapporté un risque relatif à 1,7 pour la mortalité et à 1,82 pour les syndromes de détresse respiratoire aiguë (SDRA), dans une cohorte de 201 patients COVID-19 (1). Zhou et coll. ont objectivé un risque relatif de 3,05 pour la mortalité hospitalière, dans une cohorte de 191 patients (2). Aucune de ces études n’a donné de résultat en analyse multivariée, après ajustement sur les variables confondantes, ne permettant pas de déterminer si l’association constatée est liée à l’HTA elle-même, ou à une comorbidité (telle que l’âge) ou un traitement associé. L’hypothèse soulevée et beaucoup discutée, était qu’un des facteurs confondants pourrait être le traitement de l’HTA par un inhibiteur du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA), inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) ou inhibiteur du récepteur AT-1 à l’angiotensine II (ARA II). Cette hypothèse est née du lien déjà connu entre le SARS-CoV-1, responsable de l’épidémie de SRAS ( severe respiratory adult syndrome) en 2003, et l’enzyme ACE2 (angioconvertase de type 2) impliquée dans le SRAA. L’ACE2, en tant que récepteur membranaire des virus SARS-CoV-1 et 2, participerait à leur rôle pathogène (3,4). L’effet chez l’homme des inhibiteurs du SRAA sur cette ACE2 est mal connu ; il est donc difficile de savoir si la poursuite du traitement par inhibiteur du SRAA peut avoir un effet délétère ou bénéfique chez les patients COVID-19. Il est important de noter que chez les patients chinois des études épidémiologiques, seulement 30 à 40 % des hypertendus étaient traités, et parmi eux seuls 25 à 30 % recevaient des inhibiteurs du SRAA (1,2). La proportion des patients chinois hypertendus COVID-19 traités avec des inhibiteurs du SRAA devait donc être très faible. Dans cette revue, nous allons replacer les liens entre SARS-CoV-2, COVID-19 et inhibiteurs du SRAA à partir des éléments connus et publiés, pour essayer d’avoir une vision globale et en tirer des conclusions pratiques. Rappel de physiologie : SRAA et action des médicaments Le SRAA est un système clé de la régulation de la volémie chez l’homme. Ce système est activé par un trigger, la baisse de la pression de perfusion rénale, qui déclenche la sécrétion de rénine par l’appareil juxta-glomérulaire. La rénine catalyse la transformation de l’angiotensinogène en angiotensine I. Puis, l’angiotensine I se transforme en angiotensine II au niveau du poumon, sous l’action de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE1) (figure 1). Certaines enzymes (cathepsine G et t-PA) permettent le passage direct de l’angiotensinogène à l’angiotensine II, et d’autres enzymes (chymases, CAGE) jouent le même rôle que l’ACE1. Ces voies « non-ACE » semblent impliquées dans 40 % de la synthèse de l’angiotensine II. In fine, l’angiotensine II entraîne une augmentation de la volémie et de la pression artérielle via de nombreux mécanismes : stimulation de la vasoconstriction des artérioles (directe et indirecte, via le relargage de noradrénaline), provoquant une augmentation des résistances périphériques et le maintien de la filtration glomérulaire ; hyperplasie et hypertrophie vasculaire ; stimulation de la réabsorption tubulaire de sodium ; sécrétion d'aldostérone (action sur la pompe sodium-potassium, entraînant une baisse du potassium, une augmentation du sodium, et une augmentation de la pression artérielle) ; stimulation de la sécrétion de vasopressine (hormone antidiurétique ou ADH) qui limite la perte d'eau urinaire ; et stimulation de la sensation de soif augmentant le volume sanguin et donc la pression artérielle. L’angiotensine II stimule la sécrétion d’aldostérone par la cortico-surrénale via sa fixation sur les récepteurs de type AT1 (AT1-R). Le récepteur AT2, plus rare, n'est pas inhibé par les traitements antagonistes du récepteur de l'angiotensine II. Il est responsable de vasodilatation, d’inhibition de croissance cellulaire et d’apoptose. Il existe un rétrocontrôle négatif du SRAA, d’une part, en abaissant la sécrétion de rénine lorsque la pression de perfusion de l’appareil juxta-glomérulaire augmente, et d’autre part, via l'aldostérone qui régule l'expression du canal ENaC et de la pompe sodium-potassium dans le tube distal. Figure 1. Rôle des angioconvertases de type 1 et 2 dans le système rénine-angiotensine-aldostérone. L’angiotensinogène se transforme en angiotensine I sous l’effet de la rénine. L’angiotensine I peut donner de l’angiotensine II sous l’effet de l’ACE, ou de l’angiotensine 1-9 sous l’action de l’ACE2. L’angiotensine II se transforme en angiotensine 1-7 sous l’effet de l’ACE2. Et l’angiotensine 1-9 peut également donner de l’angiotensine 1-7 sous l’action de l’ACE. Une autre enzyme de conversion de l’angiotensine a été découverte en l’an 2000, appelée AngioConvertase de type 2 (ACE2), dont l’expression est restreinte aux reins, au cœur, aux testicules et aux pneumocytes de type II, et dont le rôle est encore incomplètement élucidé (5,6). Comme l’ACE1, l’ACE2 est une carboxypeptidase, mais elle ne permet l’élimination que d’un seul acide aminé de l’angiotensine I pour donner naissance à l’angiotensine 1-9. Cette dernière ne peut être convertie en angiotensine II par l’ACE2 mais peut être convertie par l’ACE1 en angiotensine 1-7, aux propriétés vasodilatatrices. L’ACE2 peut également produire l’angiotensine 1-7 en utilisant l’angiotensine II comme substrat (figure 1). L’ACE2 agit de façon opposée à l’aldostérone. Après sa fixation sur les récepteurs de type Mas des cellules du lit vasculaire, l’angiotensine 1-7 a un effet vasodilatateur, anti-inflammatoire, antifibrotique, antihypertrophique et antioxydant. Ainsi, le couple ACE2/angiotensine 1-7 apparaît comme un élément essentiel de la contre-régulation des actions du couple ACE/angiotensine II. Interactions entre SARS-CoV-2 et son récepteur ACE2 La liaison et l'entrée de certains coronavirus, SARS-CoV et SARS-CoV-2, dans les cellules humaines sont facilitées par l'interaction entre une partie du virus (domaine de liaison au récepteur de la sous-unité S1 sur la spicule virale glycoprotéique) et l'ecto-domaine de l'ACE2 (7) (REF 7). Après son entrée par endocytose, l'ACE2 couplée à la particule virale en endosomes réduit l'expression de l'ACE2 à la surface de la cellule infectée. Ceci représente une première attaque contre le système de protection tissulaire médié par l'ACE2. Les voies de rétrocontrôle activées pour diminuer l’expression d’ACE2 après le processus d’endocytose initial concourent aux dommages tissulaires et au déséquilibre du SRAA créé par le SARS-CoV-2. L'entrée du virus dans la cellule hôte est facilitée par l'activité de deux protéases ADAM17 et TMPRSS2. L’ADAM17 est régulée à la hausse par le virus, et contribue à la perte d'ACE2 à la surface des cellules, donc à une diminution de l’effet protecteur de l’axe ACE2/angiotensine 1-7/Mas récepteur et à une accumulation d’angiotensine II (figures 2 et 3). Figure 2. Interaction entre le SARS-CoV-2 et le système rénine-angiotensine-aldostérone ; effets des inhibiteurs du SRAA (ACE inhibitors = IEC ; ARBs = ARA II). D’après Vaduganathan M et al. Renin-angiotensin-aldosterone system inhibitors in patients with Covid-19, NEJM 2020. La figure montre l'entrée initiale du SARS-CoV-2 dans les cellules, principalement les pneumocytes de type II, après s'être fixé à son récepteur fonctionnel, l'ACE2. Après endocytose du complexe viral, il y a moins d’ACE2 à la surface cellulaire, ce qui entraîne une accumulation de l’angiotensine II circulante. L'activation locale du système rénine-angiotensine-aldostérone pourrait être à l'origine des lésions pulmonaires secondaires à l’agression virale. Figure 3A. Rôle de l'ACE2 dans le système rénine-angiotensine-aldostérone et mécanisme proposé pour la régulation de l'expression de l'ACE2 à la surface des cellules au cours de l’infection à SARS-CoV-2. D’après Wang et al. ACE2: A Double-Edged Sword, Circulation AHA March 2020. L’ACE2 peut agir sur les deux axes du SRAA. L'augmentation de l'ACE2 favorise l’axe protecteur ACE2/Ang 1-7/Mas. La perte d'ACE2 entraîne un glissement vers des états pathologiques caractérisés par une suractivation de l'axe ACE/Ang II/AT1. Figure 3B. Rôle de l'ACE2 dans le système rénine-angiotensine-aldostérone et mécanisme proposé pour la régulation de l'expression de l'ACE2 à la surface des cellules au cours de l’infection à SARS-CoV-2. D’après Wang et al. ACE2: a double-edged sword, Circulation AHA March 2020. La glycoprotéine virale du SARS-CoV-2 interagit avec l’ACE2 à la surface des cellules infectées et ils s'internalisent ensemble par endocytose, entraînant une diminution de l'expression de l'ACE2 de surface. Cette endocytose augmente l'activité de l'ADAM17, carboxypeptidase qui clive l’ACE2 de la membrane cellulaire, aggravant encore la perte d'ACE2 au niveau du tissu concerné. La perte d'ACE2 entraîne l'accumulation d'angiotensine II, qui par l'intermédiaire des récepteurs AT1, régule également l'ADAM17, ce qui entraîne un clivage supplémentaire d’ACE2 à la surface cellulaire. L’ACE2 humaine recombinante soluble (rhACE2) est une voie thérapeutique prometteuse pour le SARS-CoV-2 grâce à sa capacité à (i) séquestrer les particules virales pour empêcher leur interaction et leur entrée ultérieure via l’ACE2 (ii) limiter l’activité de l’angiotensine II et augmenter les niveaux d'angiotensine 1-7 (protectrice). L'ADAM17 facilite la libération dans la circulation des précurseurs du TNFα, de l’IFNγ, et des cytokines pro-inflammatoires (IL-4), expliquant son deuxième nom, enzyme de conversion du facteur de nécrose tumorale (TACE). L’IL-4 et l’IFNγ diminuent l'expression de l'ACE2 à la surface des cellules et réduisent les niveaux d'ARNm de l'ACE2 ; ainsi s’installe une autre voie de perte d'ACE2 due à l'inflammation

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