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Cardiologie générale

Publié le  Lecture 22 mins

SARS-CoV-2, COVID-19 et maladies cardiovasculaires

Léa CACOUB*, Patrice CACOUB** - *Hôpital Lariboisière, Paris, **Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

L’infection due au nouveau coronavirus à point de départ chinois, SARS-CoV-2, à l’origine d’une maladie appelée COVID-19 (Coronavirus Disease-2019) est rapidement devenue une pandémie. Le SARS-CoV-2 est un virus à ARN de la famille des Coronaviridae, famille connue pour entraîner des infections respiratoires hautes chez les adultes. Deux autres coronavirus ont conduit durant les deux dernières décennies à des épidémies heureusement limitées dans le temps et l’espace, le SARS-CoV (Severe Acute Respiratory Syndrome) en 2003-2003 et le MERS-CoV (Middle-East Respiratory Syndrome) en 2012-2015.

Les premières études épidémiologiques chinoises publiées après l’épidémie asiatique ont mis en évidence une association entre les comorbidités cardiovasculaires et la morbi-mortalité liée au COVID-19 (1,2). Compte tenu de la propagation rapide et mondiale du SARS-CoV-2, et sur la base des caractéristiques de la maladie COVID-19 actuellement observées, les spécialistes des maladies cardiovasculaires sont et resteront activement engagés dans la prise en charge de ces patients pour de nombreuses raisons. Tout d’abord, parce qu’une maladie cardiovasculaire préexistante peut prédisposer à une infection SARS-CoV-2. Ces patients atteints de maladies cardiovasculaires, s’ils sont infectés par le SARS-CoV-2, présentent un risque élevé de formes graves et de complications (2-4). Enfin, les traitements proposés pour traiter le COVID-19 peuvent avoir des effets secondaires sur le système cardiovasculaire. Les soignants, à risque de contracter le virus, sont aussi des vecteurs de transmission du virus à leurs patients fragiles porteurs de pathologies cardiovasculaires chroniques et à risque de décompensation. L'objectif de cette revue est de caractériser l'impact cardiovasculaire du COVID-19, ses conséquences potentielles chez les patients atteints d'une pathologie cardiovasculaire préexistante, ainsi que les impacts potentiels collatéraux chez tous les patients (avec ou sans COVID-19), et le personnel soignant. Prévalence des maladies cardiovasculaires chez les patients COVID-19 Les maladies cardiovasculaires (MCV) avaient déjà été décrites comme comorbidité fréquente chez les patients atteints des 2 coronavirus ayant précédé le SARS-CoV-2, le SARS-CoV et le MERS-CoV. Dans le cas du SARS-CoV-2, la prévalence du diabète et des MCV était respectivement de 11 % et 8 %, et la présence de l'une ou l'autre de ces comorbidités multipliait par 12 le risque de décès (2,5). De nombreux éléments ont compliqué les efforts pour estimer la prévalence des MCV chez les patients atteints de COVID-19 : absence de tests généralisés, de surveillance nationale et de collecte de données standardisées ; biais d'échantillonnage chez les patients hospitalisés présentant des comorbidités plus nombreuses (notamment MCV) ; variations des méthodes utilisées par différents pays. Certaines études suggèrent une association entre les MCV préexistantes et les formes graves de COVID-19 (tableaux 1 et 2). Une métaanalyse de six études portant sur 1 527 patients COVID-19 a retrouvé des prévalences d'hypertension, de maladies cardiaques et cérébro-vasculaires, et de diabète de 17,1 %, 16,4 % et 9,7 %, respectivement (3). Les patients admis en soins intensifs avaient plus souvent des MCV. Dans l'analyse de 44 672 cas confirmés de COVID-19 à Wuhan, les taux de mortalité étaient plus importants chez les patients atteints de MCV (10,5 %), de diabète (7,3 %), ou d'hypertension (6,0 %) que dans la population globale (2,3 %) (6). Plusieurs études de cohortes plus petites ont rapporté des résultats similaires (1,7). Bien que les données en dehors de la Chine soient encore limitées, les résultats italiens montrent également un risque élevé de décès chez les patients avec des comorbidités (8). Les mécanismes sous-tendant ces associations restent peu clairs. Parmi les explications possibles, on peut citer le fait que les MCV deviennent plus fréquentes avec l'âge, sur un système immunitaire fonctionnellement affaibli, avec des niveaux élevés d'angioconvertase de type 2 (ACE2). Tableau 1. Fréquence relative des facteurs de risque cardiovasculaire et des pathologies cardiovasculaires préexistantes chez les patients COVID-19. D’après Driggin E et al. Cardiovascular considerations for patients, health care workers, and health systems during the coronavirus disease 2019 (COVID-19) pandemic. JACC mars 2020 Tableau 2. Fréquence relative des facteurs de risque cardiovasculaires et des pathologies cardiovasculaires préexistantes chez les patients atteints du COVID-19 en fonction de la gravité du COVID (soins intensifs versus pas de soins intensifs). D’après Driggin E et al. Cardiovascular considerations for patients, health care workers, and health systems during the coronavirus disease 2019 (COVID-19) pandemic. JACC mars 2020 Liens COVID-19 et maladies cardiovasculaires : mécanismes potentiels Il est de plus en plus admis que les mécanismes qui conduisent aux maladies cardiovasculaires impliquent les voies de régulation des fonctions immunitaires. L'effet de l'âge sur le système immunitaire est illustré par des titres faibles d’anticorps chez 50 % des adultes de plus de 65 ans qui reçoivent le vaccin contre la grippe saisonnière (9). D'autres facteurs de risque traditionnels de MCV (diabète, dyslipidémie) ont un impact sur les fonctions immunitaires et, inversement, un statut immunologique défaillant est associé à un risque élevé d’événement cardiovasculaire (10,11). Les pathologies cardiovasculaires peuvent être le marqueur d’une forme de vieillissement/dérèglement du système immunitaire, indirectement liées au pronostic du COVID-19. Une augmentation des événements cardiovasculaires après une infection par SARS-CoV-2 pourrait également jouer un rôle dans le pronostic, comme pour d’autres infections virales telles que la grippe (12,13). L'infection par SARS-CoV-2 peut activer des voies de signalisation qui lui sont propres et qui contribuent au plus mauvais pronostic chez les patients atteints de MCV. Par exemple, une expression plus élevée d’ACE2 chez les patients atteints d’hypertension artérielle et de MCV pourrait accroître la sensibilité au SARS-CoV-2, bien que les données sur le sujet soient contradictoires (figure 1) (14,15). Le SARS-CoV2 ainsi que d'autres coronavirus peuvent utiliser l'ACE2 comme récepteur pour sa pénétration dans la cellule infectée. L’ACE2 est une protéine transmembranaire de type I impliquée dans la boucle de contre-régulation du système rénine angiotensine. Elle est fortement exprimée dans les cellules alvéolaires pulmonaires, qui constituent le principal site d'entrée du virus chez l’homme (16). Après sa liaison à l’ACE2, le SARS-CoV-2 pénètre dans les cellules par endocytose. L'ACE2 joue un rôle protecteur au niveau pulmonaire, et de ce fait, la liaison du virus à l’ACE2 qui en diminue la disponibilité à la surface de la cellule hôte, contribuerait à la pathogénicité virale sur le système rénine angiotensine (17) (figure 1). D’après la littérature chinoise disponible, et les premiers articles italiens, les facteurs de risque cardiovasculaire ne semblent pas surreprésentés chez les patients COVID-19 par rapport à la population générale. Par contre, les facteurs de risque cardiovasculaire, y compris un antécédent de MCV, exposent à une surmortalité (2,3,5,6,8). Il est intéressant de noter qu’en ce qui concerne le tabac, contrairement à ce que l’on aurait pu attendre concernant un virus à tropisme respiratoire dont la manifestation grave est une pneumopathie sévère avec syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), la prévalence du tabagisme actif est beaucoup plus basse chez les COVID (entre 5 et 14 %), que dans la population générale chinoise où elle est particulièrement élevée à 40 % (tableau 1). Une théorie selon laquelle la nicotine pourrait avoir un effet protecteur est actuellement explorée. Une étude française monocentrique réalisée dans le service des soins intensifs du CHU de Lille a objectivé une association étroite entre l’obésité et les formes critiques de COVID-19 nécessitant le recours à la ventilation mécanique (18). Ces auteurs rapportent des fréquences d’obésité extrêmement élevées, IMC > 30 kg/m 2 chez 47,6 % et > 35 kg/m 2 chez 28,2 % (dont 14,5 % avec un IMC > 40 kg/m 2) des 124 patients consécutifs admis en réanimation pour une pneumopathie à COVID-19 entre fin février et début avril 2020 (68,6 % ventilation mécanique). L’IMC > 30 kg/m 2 était associé au recours à la ventilation mécanique, en analyse multivariée après ajustement sur l’âge, l’HTA et le diabète. Le risque relatif de recours à la ventilation mécanique était de 7,36 (IC95% : 1,63-33,14 ; p = 0,02) si l’IMC > 35 kg/m 2 par rapport à un IMC 25 kg/m 2 (tableau 3). L'obésité est reconnue comme un facteur de risque d'infection grave (19), comme illustré au cours de l'épidémie de grippe A H1N1, au cours de laquelle l’obésité a été décrite comme un facteur de prédisposition indépendant d’atteinte respiratoire grave (19,20). L’obésité abdominale est associée à une réduction de la ventilation de la base des poumons, entrainant une réduction de la saturation en oxygène dans le sang (21). L'obésité et le syndrome métabolique augmentent l'inflammation de type 2 qui peut avoir des effets délétères sur le parenchyme pulmonaire et les bronches (22). L'interleukine 6 (IL-6) est une protéine de l’inflammation, impliquée dans l’orage cytokinique suspecté d’être responsable de l’atteinte pulmonaire grave du COVID-19 avec SDRA (23,24), actuellement un des axes de recherche principaux avec les inhibiteurs de l’IL-6 (tels que le tozicizumab). Or, des taux élevés d’IL-6 ont été retrouvés chez des patients obèses et/ou porteurs d’un syndrome métabolique (25). Par ailleurs, la sécrétion anormale d'adipokines et de cytokines comme le TNF-alpha et l’interféron-gamma sont responsables d’une inflammation de bas grade chez les patients porteurs d’une obésité abdominale et pourraient être responsables d’une perturbation de la réponse immunitaire (19). Ce lien entre l’obésité et la gravité de l’atteinte pulmonaire du COVID-19 doit amener, d’une part, à plus de vigilance avec les patients obèses pour éviter qu’ils ne contractent le COVID et, d’autre part, à une surveillance accrue des patients obèses testés positifs au COVID-19. On parle beaucoup des autres facteurs de risque cardiovasculaire, mais les obèses semblent en fait plus à risque de déclarer une forme grave qu’un hypertendu ou un diabétique dont l’IMC ne dépasserait pas 25 kg/m 2. D’après Driggin E et al. Cardiovascular

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