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Cardiovasculaire

Publié le  Lecture 16 mins

Pollution de l’air : un facteur de risque cardiovasculaire majeur

Thomas BOURDREL*, Jean-François ARGACHA**, *département de radiologie, Imaging Medical Center Etoile-Neudorf, Strasbourg **Département de cardiologie, Universitair Ziekenhuis Brussel, VUB, Bruxelles, Belgique

La pollution de l’air est constituée à la fois de matières solides, les particules, et de gaz. Cet article fait le point sur les facteurs en cause, les données épidémiologiques et expérimentales et les mesures de santé publique.

Les particules sont appelées PM (pour l’acronyme anglais Particulate Matter), et sont classées fonction de leur taille en PM10 — qui regroupent les particules de diamètre inférieur ou égal à 10 μm (équivalent à la taille d’un pollen) —, les particules fines PM 2,5— de diamètre ≤ 2,5 μm —, et enfin, les particules ultrafines qui ont un diamètre ≤ 0,1 μm (équivalent à la taille, d’un virus). Environ 90 % des particules émises par le trafic routier sont des particules ultrafines. En raison de leur petite taille, ces particules ultrafines sont particulièrement dangereuses, car elles peuvent pénétrer en profondeur dans l’organisme en franchissant les alvéoles pulmonaires, alors que les PM 10 restent bloquées au niveau des voies respiratoires supérieures, les PM 2,5 peuvent atteindre les voies aériennes inférieures. Les particules ultrafines sont également les plus toxiques en raison de leur composition, car ce sont essentiellement des particules de combustion issues de la combustion de matières carbonées (diesel, essence, bois, charbon, incinérateurs). Ces particules ultrafines de combustion sont constituées de carbone pur et surtout de nombreux hydrocarbures aromatiques (HAP) et de métaux. Ces HAP, en plus d’être cancérigènes, sont les principaux responsables de l’effet toxique de ces particules sur le système cardiovasculaire (1). Ces particules sont donc considérées comme bien plus toxiques que les particules non carbonées telles que les particules issues des poussières désertiques, des épandages agricoles… (2,3). En effet, à côté des particules de combustion, l’autre source principale de particules est représentée par des particules peu ou pas carbonées telles que les poussières désertiques – composées essentiellement de minéraux (silice), ainsi que par les particules agricoles particulièrement abondantes lors des épandages d’engrais ammoniaqués, et qui sont constituées essentiellement de nitrate d’ammonium et de sulfate d’ammonium. D’autres types de particules sont également présents dans l’air ambiant, notamment les particules de freinage que l’on va retrouver en ville, émises par le freinage de voiture, mais également dans l’air du métro. Ces particules de freinage sont de composition spécifique contenant quasiment exclusivement des métaux, notamment des dérivés du cuivre et du fer. La toxicité spécifique de ces particules de freinage est encore peu connue ; néanmoins quelques études ont démontré des dépôts de magnétite au niveau des structures cérébrales et également au sein de certaines cellules cardiaques (4,5). Concernant les polluants gazeux, certains sont bien connus, notamment le monoxyde de carbone (CO) qui est essentiellement un polluant de l’air intérieur, les hydrocarbures aromatiques monocycliques (benzène) et polycycliques (HAP, présents à la fois sous forme de gaz et sous forme solide, entrant dans la composition des particules ultrafines de combustion), d’autres tendent à diminuer tels que le dioxyde de soufre (SO 2). Deux polluants gazeux ont un impact sanitaire particulièrement préoccupant et d’actualité : les oxydes d’azote (NOx) et l’ozone. Les oxydes d’azote (NOX) sont émis dans les villes à plus de 60 % par le trafic routier notamment diesel, et sont au cœur du scandale Dieselgate. Les oxydes d’azote regroupent le NO et le NO 2. Outre la toxicité directe du NO 2, les oxydes d’azote (NOx) sont également les principaux précurseurs de la formation de d’ozone et les principaux précurseurs de la formation de particules agricoles, particules composées de nitrate d’ammonium et de sulfate d’ammonium qui se forment dans l’atmosphère par interaction entre le NH 3 et les oxydes d’azote. L’ozone atmosphérique — à ne pas confondre avec l’ozone stratosphérique (la couche d’ozone) — est un polluant gazeux qui se forme sous l’effet des rayons UV du soleil par photo oxydation de précurseurs gazeux tels que les oxydes d’azote. La formation de l’ozone nécessite donc soleil et chaleur, raison pour laquelle l’ozone est le polluant principal des journées ensoleillées d’été. Études épidémiologiques Elles sont de deux types : les études explorant les effets de la pollution de l’air sur le long terme, sur une à plusieurs années d’exposition, et les études portant sur les effets à court terme à savoir l’effet de variations en polluants de quelques heures à quelques jours, telles qu’observées lors d’un pic de pollution. En l’absence actuellement de capteurs individuels, il est difficile d’estimer précisément l’exposition individuelle à la pollution de l’air. Pour approcher l’exposition, deux méthodes sont actuellement utilisées : une estimation de la pollution de l’air extérieur au domicile du patient (modélisation via un capteur situé à proximité) ou en tenant compte simplement de la distance de l’habitation par rapport à un gros axe routier. Ces techniques d’estimation de l’exposition sont critiquables, et sous-estiment vraisemblablement l’exposition, car elles ne tiennent pas compte du temps passé à l’extérieur, au travail ou dans le trafic routier. Impact de la pollution de l’air sur la mortalité cardiovasculaire Une métaanalyse de 15 études conclut qu’une augmentation annuelle de 10 μg/m 3 en particules fines s’accompagne d’une augmentation de 11 % de la mortalité cardiovasculaire (2). Une augmentation annuelle de 10 μg/m 3 en NO2 s’accompagne également d’un impact similaire sur la mortalité cardiovasculaire (6). L’impact de l’ozone sur la mortalité cardiovasculaire reste sujet à controverse (7). Impact sur les maladies coronariennes et l’athéromatose De très nombreuses études ont démontré l’impact de la pollution de l’air au long terme (sur plusieurs années) sur le développement de maladies coronariennes. À titre d’exemple, une étude prospective européenne sur plus de 100 000 participants dans 9 pays européens a démontré qu’une simple augmentation annuelle de 5 μg/m 3 en particules fines s’accompagnait d’une augmentation du risque d’infarctus de 13 %, et ce, en tenant compte des autres facteurs de risque tel que tabagisme, indice de masse corporelle, taux de cholestérol, hypertension, niveau socio-éducatif et statut marital (8). Dans cette étude, les auteurs démontrent également qu’il s’agit d’un effet sans seuil. De nombreuses études ont également démontré que l’exposition à la pollution de l’air sur plusieurs années favorise le développement d’athéromatose avec un impact particulièrement néfaste des polluants du trafic routier tel que les particules ultrafines et le NO 2. Cette majoration de l’athéromatose a été démontrée par échographie vasculaire, mais surtout par mesure du score calcique coronaire. Il a ainsi été démontré une corrélation entre le risque d’avoir un score coronaire calcique élevé et le fait d’habiter à moins de 200 m d’un gros axe routier (9,10). Récemment, une étude a également démontré que l’exposition aux polluants de l’air favorise le développement de plaques athéromateuses instables. Dans cette étude portant sur 300 personnes, une comparaison de corocanners a été réalisée à au moins 2 ans d’intervalle et en tenant compte du niveau de pollution au domicile des patients. Il a été démontré une corrélation significative entre le taux de particules fines au domicile et le risque de développement de plaques à haut risque (densité basse, classification éparse, remodeling positif), de plaques nécrotiques ainsi qu’avec une augmentation globale du volume des plaques d’athérome préexistantes (11). L’augmentation de concentration en polluant à court terme – de quelques heures à quelques jours – s’accompagne également d’une augmentation du risque d’infarctus de 3 à 5 % avec notamment une majoration des admissions aux urgences pour infarctus ou arrêts cardiaques extra-hospitaliers (12,13). Impact sur les accidents vasculaires cérébraux Selon l’OMS, 40 % des décès dans le monde imputables à la pollution de l’air sont des accidents vasculaires cérébraux. Une étude prospective européenne a par exemple démontré qu’une augmentation annuelle de 5 μg/m 3 en particules fines augmente le risque d’accident vasculaire cérébral de 19 % (14). Plusieurs études ont également démontré que vivre à proximité d’un gros axe routier durant plusieurs années augmentait de 20-40 % le risque d’accidents vasculaires cérébraux, à facteurs de risque égaux (15,16). Les pics de pollution s’accompagnent également d’une augmentation de la survenue d’AVC et de mortalité par AVC (17,18). Cette augmentation du risque d’AVC par la pollution de l’air peut s’expliquer par les effets athérogènes et arythmogènes des polluants ainsi que par l’augmentation du risque d’hypertension. En effet, plusieurs études récentes ont démontré que l’exposition aux polluants de l’air majore le risque hypertensif, probablement médié par un arc réflexe pulmonaire-cérébral, conduisant à un déséquilibre de la balance orthoparasympathique (19,20). Pollution de l’air et insuffisance cardiaque Une métaanalyse sur 35 études a démontré une augmentation significative des hospitalisations et de décès par insuffisance cardiaque lors de pics de pollution notamment aux particules fines (21). Une étude portant sur 1 million d’individus a également confirmé une association significative entre l’exposition à la pollution de l’air au long terme et le développement d’insuffisance cardiaque ischémique (22). Pollution de l’air et troubles du rythme De nombreuses études ont démontré que l’exposition à la pollution de l’air à court terme et à long terme s’accompagne d’une altération de la fréquence de variabilité cardiaque qui se trouve abaissée. Cette altération de la fréquence de variabilité cardiaque est considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire (23). De nombreuses études, notamment chez les patients porteurs de défibrillateur ont également démontré une augmentation des arythmies ventriculaires lors d’augmentation de la concentration en polluant de l’air (24). Une étude prospective sur 300 patients a également confirmé un effet pro-arythmique de la pollution

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