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Recommandations sur la prise en charge des cardiopathies congénitales de l’adulte - Ce que le cardiologue doit savoir
Reaksmei LY, Laurence ISERIN, département de cardiologie, HEGP, Paris

La population des adultes avec cardiopathies congénitales ne cesse de croître grâce aux progrès des avancées médicales, technologiques et chirurgicales (figure 1), avec une prévalence estimée de l’ordre de 3 000 par million d’habitants, dépassant celle de la population pédiatrique. Plus de 90 % des enfants naissant avec une cardiopathie congénitale survivent en effet à l’âge adulte, mais ils ne sont pas tous guéris.
Figure 1. Chronologie des chirurgies des cardiopathies congénitales. Le suivi de cette population reste donc indispensable et nécessite une évaluation tout du moins pour les cardiopathies modérées et complexes (figure 1) par un spécialiste des cardiopathies congénitales de l’adulte, du fait de l’évolutivité intrinsèque de ces cardiopathies et des séquelles hémodynamiques et/ou rythmiques liées à la chirurgie. Tout au long de sa vie, le patient porteur d’une cardiopathie congénitale est confronté à des problématiques multiples et variées : la nécessité d’un nouveau geste chirurgical ou de cathétérisme interventionnel pour des lésions résiduelles, les déroulements de la grossesse et ses risques, pour la mère et le foetus, diagnostic anténatal pour la descendance, les maladies cardio-vasculaires acquises associées, le risque d’endocardite infectieuse, l’insuffisance cardiaque, l’arythmie, et enfin la qualité de vie et ses répercussions psychologiques et sociales. Les nouvelles recommandations de l’ European Society of Cardiology sur le sujet, parues en août 2020, préconisent que tout patient avec une cardiopathie congénitale soit évalué au moins une fois dans un centre expert multidisciplinaire spécialisé en cardiopathie congénitale de l’adulte. Celui-ci doit comprendre des cardiologues spécialisés aguerris aux cardiopathies congénitales, des radiologues, cathétériseurs interventionnels, rythmologues, chirurgiens cardiaques… afin de déterminer le niveau de prise en charge. Ce dernier se divise en trois niveaux, se basant principalement sur la complexité de la cardiopathie présentée en tableau 1 : (i) patient qui doit être suivi dans un centre expert ; (ii) patient dont le suivi peut être partagé entre un centre expert et un centre de cardiologie générale ; (iii) patient pouvant être suivi par un cardiologue généraliste. L’évaluation initiale par le cardiologue Savoir ce qui s’est passé dans l’enfance est un élément crucial pour comprendre la situation clinique actuelle du patient adulte avec une cardiopathie congénitale, en récupérant notamment ses comptes rendus médicaux et chirurgicaux. L’examen physique doit comprendre la mesure de la saturation en oxygène percutanée pour distinguer une cardiopathie cyanogène ou d’une cardiopathie non cyanogène, la mesure de la pression artérielle (notamment au niveau du bras droit pour les coarctations aortiques), et doit être attentif aux signes d’insuffisance cardiaque, en particulier droite. L’électrocardiogramme permet de dépister des troubles de conduction, ou de rythme, d’analyser la largeur des QRS qui est un facteur pronostique dans la tétralogie de Fallot par exemple (bloc de branche droit). L’échographie cardiaque transthoracique reste l’examen d’imagerie de référence dans l’évaluation initiale, car elle donne des renseignements clés sur l’anatomie cardiaque, la présence de défects, de lésions résiduelles, ainsi que le fonctionnement des ventricules, des valves et des différents montages chirurgicaux. Mais chez l’adulte, cela doit souvent être complété par des imageries en coupe comme le scanner et l’IRM cardiaque qui doivent être réalisés par des radiologues accoutumés à ces patients. Les cardiopathies congénitales les plus fréquemment rencontrées Les shunts gauche-droit Communication inter-atriale (CIA) La communication inter-atriale est la cardiopathie congénitale la plus fréquente, si on s’affranchit de la bicuspide aortique, avec une prévalence estimée à environ 1 personne sur 25 000. Dans près de 80 % des cas, il s’agit d’une CIA ostium secundum, c’est-à-dire située au milieu du septum inter-atrial, dans la région du foramen oval. Il est important de rechercher d’autres anomalies associées, notamment un retour veineux pulmonaire normal, une sténose pulmonaire ou une anomalie de la valve mitrale. Le shunt dans le sens gauchedroit est expliqué par une compliance naturelle meilleure du ventricule droit comparée au ventricule gauche, entraînant dans un premier temps une surcharge volumétrique/dilatation des cavités droites et plus tardivement au terme de décennies d’hyperdébit pulmonaire, une hypertension pulmonaire, qui doit être impérativement explorée, lorsqu’elle existe. L’échographie permet d’identifier la taille de la CIA, sa localisation (figure 2), et le retentissement hémodynamique. Les critères de dilatation des cavités droites sont les mêmes qu’en cardiologie conventionnelle (surfaces, rapport VD/VG, diamètres du ventricule droit, et de l’anneau tricuspide...). L’imagerie en coupe (IRM cardiaque préférentiellement) permet d’évaluer les volumes du ventricule droit, ou de rechercher un retour veineux pulmonaire anormal en cas de doute. Figure 2. Les différentes formes de CIA selon leurs localisations. En cas de symptômes et d’une dilatation des cavités droites et en l’absence d’hypertension pulmonaire certaine, il est recommandé de fermer la CIA ostium secundum, en première intention par cathétérisme cardiaque. Communication inter-ventriculaire (CIV) La communication inter-ventriculaire est principalement diagnostiquée dans l’enfance avec une incidence de 5 pour 1 000 naissances. Elle se ferme souvent spontanément avant l’âge adulte. Il existe quatre types de CIV selon sa localisation (figure 3) : – péri-membraneuse : la plus fréquente (soit 80 %), localisée dans le septum membraneux ; – trabéculée : dans le septum interventriculaire musculaire ; – de l’outlet : retrouvée dans les cardiopathies dites cono-troncales comme dans la tétralogie de Fallot ; – de l’inlet : typique des CIV dans les canaux atrio-ventriculaires. Il est licite de rechercher d’autres anomalies associées, car les associations sont très fréquentes, telles qu’un obstacle de la voie droite. Figure 3. Anatomie et classification des CIV. D’après Soto B et al. Br Heart J 1980 ; 43(2) : 332-43. Le shunt d’une CIV va dans le sens gauche-droit car les résistances artérielles pulmonaires sont bien plus basses que les résistances artérielles systémiques. La conséquence est l’augmentation de la précharge dans les cavités gauches et donc leurs dilatations. L’échographie cardiaque permet de localiser la CIV, de rechercher des lésions associées, la présence d’une fuite aortique, et le retentissement hémodynamique, notamment la présence d’une hypertension pulmonaire. Sur le plan thérapeutique, une fermeture de CIV est recommandée en cas de dilatation des cavités gauches, symptomatiques, d’une progression d’une fuite aortique secondaire à la CIV, d’un antécédent d’une endocardite infectieuse, en s’assurant toujours qu’il n’y ait pas d’hypertension pulmonaire. Dans ce cas, le patient doit être évalué dans un centre expert. La fermeture est le plus souvent chirurgicale, mais les techniques percutanées existent notamment dans les CIV résiduelles. Canal atrio-ventriculaire (CAV) et trisomie 21 Les canaux atrio-ventriculaires, en particulier complets (c’est-àdire CIV + CIA ostium primum) sont retrouvés chez les patients avec une trisomie 21. L’association des deux shunts, à l’étage atrial et à l’étage ventriculaire, entraîne une surcharge à la fois des cavités droites et des cavités gauches, et un risque plus important de développer de l’hypertension pulmonaire. La présence d’un anneau atrio-ventriculaire unique est à l’origine d’une anomalie des feuillets valvulaires pouvant être responsable d’une fuite sévère. En somme, les patients atteints d’un CAV opéré ou natif doivent être évalués dans un centre expert de cardiopathies congénitales de l’adulte. Les obstacles gauches Sténoses aortiques, sous-valvulaires et supra-valvulaires aortiques L’évaluation de ces obstacles au niveau hémodynamique est sensiblement la même que pour l’évaluation d’une sténose aortique dégénérative avec les mêmes critères de sévérité et d’indications chirurgicales. Ces sténoses amènent à rechercher les autres obstacles (coarctation, bicuspide aortique, anomalies mitrales…). Notons que les sténoses supravalvulaires aortiques peuvent se manifester dans le cadre d’anomalies de l’élastine, comme dans le syndrome de Williams- Beuren. Ces patients doivent donc être orientés dans un centre de référence. Coarctation aortique La coarctation aortique est définie par un rétrécissement au niveau de l’isthme aortique. Elle doit être considérée comme une artériopathie généralisée et peut être associée aux autres obstacles gauches du coeur (associée jusqu’à 85 % de bicuspide aortique par exemple). Le diagnostic est porté par la mesure du gradient tensionnel clinique entre les pressions artérielles des membres supérieurs (surtout du bras droit, car l’artère sous-clavière ipsilatérale a souvent été sacrifiée en cas de chirurgie antérieure) et les pressions artérielles des membres inférieurs. Il est considéré comme significatif s’il est supérieur à 20mmHg. Les pouls fémoraux sont souvent plus faibles qu’aux membres supérieurs. Le gradient échographique n’a que peu de valeur. C’est la présence d’un prolongement diastolique qui évoque une sténose isthmique significative (il n’existe parfois pas chez l’adulte en raison du développement d’une collatéralité thoracique parfois importante). Dans ce cas, il est quasi-indispensable de demander une imagerie en coupe (IRMou TDMaortique) pour analyser l’anatomie de l’aorte, la présence de collatéralités ou de complications associées (figure 4). Figure 4. Coarctation aortique native serrée. L’intérêt de l’imagerie multimodale. Échographie cardiaque, à gauche : sténose serrée isthmique avec prolongement diastolique ; TDM cardiaque 3D, à droite : montrant la sténose avec collatéralités. En cas d’hypertension artérielle avérée (notamment par des mesures ambulatoires de la pression artérielle) chez des patients avec une coarctation aortique opérée ou native, il est nécessaire d’adresser ces patients dans un centre expert pour réaliser un cathétérisme cardiaque en vue d’une éventuelle prise en charge thérapeutique par stenting/dilatation. Les indications de chirurgie de coarctation aortique par thoracotomie
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