Petit aide-mémoire pour le suivi des patients diabétiques de type 2
Bernard BAUDUCEAU*, Ariane SULTAN**, Lyse BORDIER*, *service d’endocrinologie, hôpital d’Instruction des Armées Bégin, Saint-Mandé, **Équipe nutrition-diabète, CHU Lapeyronie Montpellier, France
La prise en charge des patients diabétiques nécessite des échanges personnalisés réguliers entre patients et soignants, démarche nécessaire à l’établissement d’une décision médicale partagée. Cependant, comme le diabète de type 2 est une affection chronique silencieuse jusqu’à la survenue de complications, la réalisation de contrôles périodiques est indispensable comportant un examen clinique et des explorations paracliniques. Au fil des années, les recommandations portant sur la fréquence des contrôles et les objectifs à atteindre ont évolué et se sont précisées à la lumière des résultats des différentes études. Le but de cette mise au point est de dresser un calendrier pratique des examens à réaliser afin d’améliorer la qualité des soins (tableau 1). En effet, une prise en charge optimale permet de diminuer de plus de moitié les complications et la mortalité des patients diabétiques comme l’a démontré l’étude Steno 2.
Les consultations trimestrielles En dehors des épisodes aigus ou de la survenue de complications, une consultation tous les 3 mois est habituellement réalisée pour le suivi du diabète. Les médecins généralistes sont en première ligne, notamment pour les personnes diabétiques de type 2. Toutes les facettes de l’éducation thérapeutique font partie intégrante de ces consultations régulières. Revoir les mesures hygiéno-diététiques Les mesures non médicamenteuses recommandées chez les personnes diabétiques sont celles, à quelques exceptions près, que l’ensemble de la population devrait observer en excluant les régimes restrictifs. Malheureusement, le suivi régulier de ces mesures est fréquemment négligé si bien que leur efficacité est sous-estimée. Pourtant, une diététique adaptée et le renforcement de l’activité physique constituent le préalable essentiel au traitement. L’autosurveillance glycémique permet pour le malade de visualiser immédiatement les conséquences de l’application ou non de ces mesures. L’incitation à l’arrêt du tabagisme est également une démarche indispensable. La répétition de ces points fondamentaux ne doit donc pas être négligée au cours de chaque consultation. Peser le patient La surveillance du poids, qui est en relation étroite avec l’observance des mesures d’amélioration du mode de vie, permet de calculer l’IMC et de vérifier que les objectifs sont bien atteints. En effet, en cas de surpoids ou d’obésité, la perte de quelques kilos est déjà bénéfique permettant d’améliorer les niveaux glycémique et tensionnel. Mesurer la pression artérielle Le contrôle de la pression artérielle (PA) est une priorité chez les personnes diabétiques, car elle intervient de façon déterminante dans les complications du diabète. L’HTA est très fréquente puisqu’elle touche près de 80 % des patients diabétiques de type 2 et que 19 % des hypertendus sont diabétiques. L’objectif idéal de la PA chez tous les sujets, y compris les patients diabétiques, se situe entre 130 et 139 mmHg pour la systolique et au-dessous 90 mmHg pour la diastolique. Chez certains patients, notamment en cas de néphropathie, les objectifs peuvent être plus ambitieux avec une PA systolique (PAS) à 130, voire 120 mmHg. Une distinction doit être faite pour les patients âgés chez lesquels la cible de la PAS est fixée à 150 mmHg à condition que ce chiffre soit obtenu sans hypotension orthostatique. L’automesure tensionnelle, qui nécessite une bonne information du patient, est d’une aide indiscutable en ce domaine évitant les pièges de l’HTA blouse blanche. Vérifier la qualité de l’équilibre glycémique La cible première de la prise en charge des patients diabétiques est naturellement représentée par la qualité de leur équilibre glycémique dont l’analyse repose sur le dosage trimestriel de l’HbA 1c, l’examen des glycémies capillaires et la vérification de l’absence d’hypoglycémies. La dernière prise de position de la Société francophone du diabète (SFD) fixe des objectifs précis en fonction de l’état de santé des patients. Ainsi, pour la majorité des personnes diabétiques, l’objectif d’HbA 1c est inférieur ou égal 7 %. En cas de découverte récente du diabète, chez un sujet sans comorbidité, ce chiffre peut être ramené à un niveau inférieur ou égal à 6,5 %. En revanche, chez les sujets dont l’espérance de vie est limitée, ou présentant une comorbidité sévère ou une longue durée du diabète, l’objectif d’HbA 1c est inférieur ou égal à 8 % sans aller au-dessous de 7 % en cas de traitement par des médicaments susceptibles d’induire des hypoglycémies comme les sulfamides, les glinides ou l’insuline. Le contrôle des glycémies capillaires notées sur un carnet ou recueillies de façon électronique est très utile pour vérifier le niveau des glycémies postprandiales ou dépister les hypoglycémies asymptomatiques. La mesure des glycémies capillaires est particulièrement nécessaire lorsque la fiabilité de l’HbA 1c est mise en défaut lors de la grossesse, des anémies ou de l’insuffisance rénale. La mise à disposition du FreeStyle Libre ® pour les patients traités par au moins 3 injections d’insuline est un progrès considérable permettant d’identifier de nouveaux critères d’évaluation de l’équilibre du diabète notamment lorsque la mesure de l’HbA 1c est prise en défaut. Le temps dans la cible (TIR : Time in Range), qui dans l’idéal doit être supérieur à 70 % pour une fourchette allant de 0,70 à 1,80 g/l, et le temps passé en hypoglycémie pour des chiffres inférieurs à 0,54 ou 0,70 g/l permettent de mieux analyser la qualité de l’équilibre du diabète. Les consultations annuelles Les consultations annuelles nécessitent d’être plus complètes en intégrant naturellement les points de contrôle réalisés tous les 3 mois. Examen des pieds Toutes les précautions doivent être prises pour éviter la survenue des plaies des pieds chez les patients diabétiques. Il s’agit en effet de complications fréquentes et potentiellement graves puisqu’elles peuvent aboutir à des amputations. L’examen des pieds doit être effectué annuellement ou lors de chaque consultation en cas de risque podologique. Cet examen permet la gradation des pieds à risque qui ouvre le droit à une prise en charge de consultations par un pédicu repodologue agréé (tableau 2). Dans le cadre de la surveillance annuelle, l’examen des pieds doit débuter par la recherche de déformations ou de plaies qui seraient passées inaperçues du fait de l’insensibilité. L’évaluation de la qualité de la vascularisation repose sur l’examen des téguments, la palpation des pouls et la mesure, si cela est possible, de l’indice de pression systolique (IPS) à l’aide d’un doppler de poche. Le rapport de la pression artérielle mesurée à la cheville sur celle retrouvée au niveau du bras doit être situé entre 0,90 et 1,30. La sensibilité est testée à l’aide d’un monofilament de 10 grammes à 3 reprises au niveau de la face plantaire de la tête du premier et du cinquième métatarsien ainsi que de la pulpe du gros orteil en évitant les zones hyperkératosiques. Deux réponses erronées sur l’une de ces zones témoignent de l’existence d’une neuropathie et d’un risque élevé de troubles trophiques. La constatation d’une de ces anomalies impose de renouveler les conseils de prévention et de prescrire éventuellement les examens complémentaires. Enfin, la participation des pédicures podologues à la prise en charge est indispensable aussi bien en matière de prévention que de traitement des plaies constituées. Vérifier la couverture vaccinale Les maladies infectieuses sont plus fréquentes et plus graves chez les sujets diabétiques si bien que la vaccination permet de diminuer les risques pour les maladies qui y sont accessibles. Si les vaccins contre la grippe ou le tétanos en cas de plaie sont bien connus des diabétologues, celles d’autres affections comme les pneumonies à pneumocoques, la coqueluche ou le zona sont à ce jour insuffisamment prises en compte. La campagne de vaccination antigrippale est le moment le plus approprié pour faire le point de la couverture vaccinale du patient et de la compléter si besoin. Cette démarche permettrait de limiter l’incidence de ces infections qui peuvent altérer la qualité de vie ou conduire au décès des patients. L’information des personnes diabétiques, mais aussi des soignants est donc primordiale en ce domaine qui fait encore malheureusement débat. Dosage de la créatinine et de la microalbuminurie Le dépistage de la néphropathie diabétique repose sur le dosage de la créatinine et de la microalbuminurie. Le débit de filtration glomérulaire (DFG) est aujourd’hui déterminé de façon la plus fiable par le dosage de la créatinine par méthode enzymatique et l’équation CKD-EPI. La valeur normale du DFG est 90 ml/min/1,73 m 2. Des chiffres situés entre 60 et 30 témoignent d’une insuffisance rénale modérée. En dessous de 30 ml/min/1,73 m 2, il existe une insuffisance rénale sévère. Pour des raisons de facilité, la mesure de la microalbuminurie peut être réalisée sur des urines du matin plutôt que sur un recueil souvent aléatoire des urines de 24 heures. Une néphropathie débutante est définie par une microalbuminurie supérieure à 20 mg/l (soit 30 mg/24 heures). Au-delà de 200 mg/l (soit 300 mg/24 heures), ce chiffre témoigne d’une néphropathie avancée. L’évaluation du rapport microalbuminurie sur créatininurie permet de réduire le risque d’erreur. Le taux normal est inférieur à 2 mg/mmol et des chiffres allant de 2 à 20 mg/mmol évoquent une néphropathie débutante. Cependant, la présence d’une microalbuminurie peut également signaler un haut risque cardio-vasculaire chez les patients diabétiques de type 2. Enfin, il est désormais établi que beaucoup des malades présentant une altération du DFG n’ont pas d’élévation pathologique de l’excrétion urinaire d’albumine. La constatation d’une anomalie de l’un ou de l’autre de ces paramètres invite à revoir la thérapeutique soit en modifiant la posologie ou la nature des classes médicamenteuses du diabète soit en introduisant des médicaments dont le rôle néphroprotecteur a été attesté dans les grandes études comme les analogues du GLP1 ou les inhibiteurs des SGLT2 aujourd’hui disponibles. Évaluation d’une anomalie lipidique Une dyslipidémie est fréquemment constatée au cours du diabète de type 2. Elle se caractérise par une élévation du LDL cholestérol (LDL-C), mais surtout des triglycérides, associée à une diminution du HDL-cholestérol. Toutes les études ont démontré l’intérêt de la prescription de statines pour prévenir les complications cardiovasculaires en parvenant à des objectifs de LDL-C qui ont été régulièrement revus à la baisse. En effet, chez les patients a haut risque cardiovasculaire, les recommandations nord-américaines fixaient l’objectif de LDL à 0,70 g/l. Ces objectifs ont été renforcés par les recommandations européennes. Ainsi, chez des patients en prévention secondaire à très haut risque, la réduction du LDL-C doit être de plus de 50 % et atteindre un taux
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